Au Kosovo, les électeurs mettent fin au règne des «commandants»

Au Kosovo, les électeurs ont sonné l’heure du changement ce dimanche 6 octobre, plaçant l’opposition en tête des élections législatives et infligeant une lourde défaite aux anciens chefs de l’UÇK après une décennie de pouvoir.

Le vent de dégagisme qui souffle depuis cet été au Kosovo a finalement eu raison de la coalition au pouvoir. « Nous acceptons le verdict du peuple. Le PDK passe dans l’opposition », a déclaré le chef de file du Parti démocratique du Kosovo peu avant 23h, au soir d’élections législatives anticipées pour lesquelles 1,9 million d’électeurs étaient appelés aux urnes.

Deux partis d’opposition sont en tête : la LDK, la Ligue démocratique du Kosovo, formation de centre-droit emmenée par une juriste de 37 ans, Vjosa Osmani, nouvelle venue en politique, et Vetëvendosje (Autodétermination), le mouvement de gauche souverainiste fondé par Albin Kurti, qui se présente aujourd’hui comme social-démocrate. Ces deux partis sont donnés au coude à coude, rapporte notre correspondant dans la région, Simon Rico.

Après le dépouillement de plus de 90% des bulletins, le parti de gauche souveraniste Autodétermination avec 25,81 % et la Ligue démocratique du Kosovo avec 24,95 %, devançaient les deux principaux partis de la coalition au pouvoir, le PDK (21,27 %) et l’Alliance pour l’avenir du Kosovo (11,5 %). Une avance irréversible.

Les électeurs kosovars, qui se sont légèrement plus mobilisés que lors des deux derniers votes, ont donc choisi de sanctionner deux décennies de corruption et de stagnation économique et de placer de nouvelles têtes au pouvoir. Il s’agit donc d’un revers historique pour les anciens de l’UÇK, la guérilla albanaise, qui ont fait les frais de l’exaspération de la population.

Plusieurs irrégularités ont été constatées par la Commission électorale et les observateurs internationaux, mais ces incidents, qualifiés de mineurs, ne seraient pas de nature à remetre en cause la conformité du processus avec les standards internationaux. Les résultats définitifs ne sont pas attendus avant ce lundi matin, tant les scores des deux partis arrivés en tête semblent serrés.

Aujourd’hui, il ne faut plus se battre pour la liberté, parce que nous l’avons déjà. Aujourd’hui, le problème, c’est l’avenir. Nous avons besoin d’avenir, rien de plus.
Les élections au Kosovo vues de Belgrade

La victoire à l’arrachée du mouvement Vetëvendosje enterre les projets d’échanges territoriaux entre Belgrade et Pristina. Pour autant, le dialogue reste incontournable.

Dimanche soir, Aleksandar Vucic, le président serbe, lyrique, évoquait « la plus belle des victoires » à propos des résultats de la Lista Srpska, la liste serbe du Kosovo téléguidée depuis Belgrade, qui obtient 98% des voix dans le nord de la ville de Mitrovica. Il est vrai que les électeurs serbes du Kosovo, soumis au contrôle des inspecteurs politiques de Belgrade, avaient intérêt à « bien » voter.

Pour le reste, Aleksandar Vucic n’a guère motif de se réjouir du résultat des élections au Kosovo. Le PDK d’Hashim Thaçi, son partenaire privilégié de négociation, est balayé, et c’est le mouvement de gauche souverainiste, Vetëvendosje, qui arrive en tête et qui devrait normalement former le prochain gouvernement. Son dirigeant, Albin Kurti, autrefois hostile à tout dialogue avec Belgrade, a modéré son discours, mais entend poser ses conditions à ce dialogue.

Le scénario d’un accord final entre Belgrade et Pristina basé sur des échanges de territoires, que défendaient tant Aleksandar Vucic qu’Hashim Thaçi est sans aucun doute écarté pour un bon moment. Pour autant, la reprise du dialogue reste incontournable, d’autant que le prochain gouvernement devra nécessairement inclure des représentants serbes.
*

rfi