Avignon: «La rose en céramique», aller drôlement à l’essentiel

Drôle, concis, étonnant, surprenant, touchant… Programmée dans le cadre des Sujets à vif du Festival d’Avignon, La rose en céramique est une petite pièce épatante. Sans moyens et d’une durée d’à peine plus d’une demie heure, le spectacle réunit Scali Delpeyrat et Alexander Vantournhout, un merveilleux duo composé d’un acteur et humoriste lunaire et tourmenté et d’un circassien danseur lumineux et modeste. Un régal.

Est-ce qu’il vous arrive de tomber en dépression quand vous videz votre machine à laver la vaisselle ? Alors vous êtes fait pour vous entendre avec Scali Delpeyrat. A chaque casserole, tasse de café ou assiette, il est submergé d’émotions et de forces nostalgiques liées aux personnes qui lui avaient offert ces ustensiles. Alors, cet être flegmatique réfléchit à un stratagème pour échapper à son passé…

La source du malheur : sa femme Rose est partie et lui a laissé des serviettes brodées avec son nom. Chaque frottement du corps se transforme alors en souvenir. Sans parler du bruit si caractéristique de la porte « de notre appartement qui est devenu mon appartement ». Très vite, la charge émotionnelle devient insupportable. Il décide alors de s’en débarrasser : « Il y a beaucoup de choses, mais pas beaucoup de choses importantes. »

« Moi est un autre »

Alexander Vantournhout est à son côté pour faire vivre cette règle sur scène. Pas un pas ou geste de trop. Le circassien danseur joue son ombre sur le plateau, reste collé au corps de l’autre quoi que celui fasse. Chaque mouvement d’une jambe ou d’une main est rythmé et multiplié par le corps de son alter ego. Le résultat donne une chorégraphie très particulière : « moi est un autre ». Au lieu de créer des doublons, chaque mouvement « doublé » s’avère beaucoup plus intéressant et multiplie les effets inattendus.

Souvent on rit et comprend en même temps. Par exemple, quand ils abordent les embûches de la politesse. Sur un trottoir étroit, pourquoi laisser passer les autres si, à la fin, cet acte héroïque est superbement ignoré ? « C’est presque une loi mathématique : plus je laisse passer, moins je me fais remarquer ». Ou : « Qui vais-je appeler une minute avant ma mort ? » – « Et la serviette m’a répondu ».

Sujets à Vif, des créations courtes et prometteuses au Festival d’Avignon

Le concept de Sujets à Vif a provoqué de nouveau une création prometteuse et une rencontre heureuse : l’acteur et humoriste Scali Delpeyrat – qui a déjà mis son talent au service de Sofia Coppola, Agnès Jaoui, Olivier Py ou Jacques Lassalle – forme un couple idéal et très contrasté avec le Belge Alexander Vantournhout, artiste associé au Festival de cirque Perplx et actuellement artiste en résidence au Vooruit, à Gand.

La beauté du geste de leur spectacle réside surtout dans la modestie du propos et l’humour des actions. Le circassien musclé et souple suit humblement les gestes banals du personnage du comédien, accepte d’être son ombre. Et cela jusqu’à la fin de la pièce, où il met enfin les points sur les i en réalisant quelques saltos arrière et des chutes spectaculaires… sans résoudre le problème du lave-vaisselle.