Bataille de communiqués entre les Etats-Unis et le Venezuela

Chaque camp campe sur ses positions au Venezuela. Depuis la manifestation monstre de l’opposition, mercredi, qui s’est soldée par l’auto-proclamation de Juan Guaido comme président par intérim, la situation semble figée. Nicolas Maduro accuse son rival d’organiser un coup d’Etat avec l’aide de Washington. Il a d’ailleurs rompu les relations diplomatiques avec les Etats-Unis. L’ambassadeur a jusqu’à dimanche pour quitter le pays. Une situation qui témoigne des relations particulières qu’entretiennent les deux pays : alliés pour les uns, ennemi juré pour les autres.

Donald Trump a été le premier chef d’Etat à reconnaître Juan Guaido comme président par intérim. Et après les Etats-Unis, de nombreux pays ont suivi l’exemple nord-américain, rapporte notre correspondant à Caracas, Benjamin Delille.

«US go home ?» : écoutez les témoignages recueillis par notre correspondant à Caracas25/01/2019 – par Benjamin DelilleÉcouter

« Ils sont dans le droit chemin, ils respectent notre constitution et nos lois. » Pour Luis, un opposant à Nicolas Maduro, cette reconnaissance va dans le sens de la démocratie. Mais les chavistes, à l’image de leur président, n’y croient pas. Ils estiment que l’opposition n’est qu’un outil des Etats-Unis pour renverser Nicolas Maduro. « Eux ils sont sous les ordres d’une propagande médiatique dirigé par ce fou de Donald Trump. Yankee, rentrez chez-vous ! »

Tensions diplomatiques Caracas-Washington

Mercredi, en réponse à la reconnaissance par Washington de Juan Guaido comme «président par intérim», Nicolas Maduro a annoncé la rupture des relations diplomatiques avec Washington, donnant 72 heures aux représentants américains pour quitter le pays. Le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a rétorqué que Nicolas Maduro n’avait plus «l’autorité légale» pour prendre de telles décisions.

Les Etats-Unis ont toutefois ordonné jeudi le départ du personnel «non essentiel» de leurs missions diplomatiques au Venezuela. « Nous prenons cette mesure en nous basant sur notre évaluation actuelle de la situation sécuritaire au Venezuela », a indiqué un des porte-parole du département d’Etat, précisant cependant que Washington n’avait pas l’intention de « fermer » son ambassade à Caracas.

Par ailleurs, Washington a demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies sur la situation au Venezuela et déclare tenir prête une enveloppe de 20 millions de dollars destinée à aider le Venezuela, en réponse à une requête exprimée par l’Assemblée nationale contrôlée par l’opposition.

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Mais les Etats-Unis ont cependant échoué à obtenir un consensus sur une reconnaissance du mandat de Juan Guaido lors d’une réunion extraordinaire du conseil permanent de l’OEA, l’Organisation des Etats américains, jeudi 24 janvier.

Bertrand Badie: le retour de la doctrine Monroe ?

Pour Bertrand Badie, professeur des universités à l’Institut d’études politiques de Paris, spécialiste des relations internationales, la situation qui prévaut auVenezuela est une situation «totalement inédite». Le régime Maduro est « devenu désastreux » et la légitimité de l’élection de Maduro est « absolument contestable ». Mais la démarche de Juan Guaido et la rapide réaction américaine interrogent. « Considérer que l’on peut sortir de cette situation en s’autoproclamant président et en obtenant ainsi la reconnaissance d’Etats – et non des moindres, des Etats-Unis, du Canada –, dans les minutes qui suivent une auto-proclamation, c’est une situation tout à fait inédite, qui me pousse à penser qu’il y avait une coordination entre cette auto-proclamation et la décision de Donald Trump de reconnaître ce nouveau gouvernement. Ce qui, d’ailleurs, fait penser à une sorte de retour de la doctrine Monroe. C’est-à-dire de ce droit que s’arrogent les Etats-Unis d’avoir un regard particulier et prioritaire sur l’ensemble du continent américain ».

Pour Bertrand Badie, c’est une « page périlleuse »dans l’histoire américaine qui s’ouvre.

et avec agences

 

Rfi