Campagne électorale Jour 2 : Macky gagne le discours religieux, Idrissa Seck gagne le discours éloquent.

Étant le moment des activités de propagande, la campagne électorale est le moment où les candidats s’adressent aux électeurs pour dévoiler leur programme. Cependant, une mauvaise campagne peut faire perdre des voix au profit des autres candidats. Souvent, on voit les candidats qui sont au pouvoir utilisaient les moyens de l’Etat pour la campagne électorale, une possibilité dont ne disposent pas les autres candidats. Cela rappelle les élections en France quand Patrick Allemand avait saisi la Commission nationale des comptes de campagne à la suite d’un déplacement de Sarkozy qui avait mobilisé une compagnie de gendarmerie ainsi que la police locale à la promenade des Anglais. Quand on a une constitution, il faut la respecter, quand on a un code électoral, il faut aussi le respecter.
Promesses électoralistes flagrantes
Plus politicien que Macky Sall tu meurs ! Il faut reconnaître au président sortant le don d’être un très grand politicien et non un réformateur. Il est retourné à Touba pour voir le khalife général, et recueillir des prières. Il sait tellement jouer la carte de victimisation qu’il est impossible qu’il ne gagne pas la sympathie des marabouts qui aiment un talibé poli. Il a promis de moderniser la cité sainte de Touba et Mbacké. Il a promis un parc industriel à Touba pour que les entreprises viennent s’implanter. Il a aussi promis un espace numérique ouvert. Je vais vous parler un peu de la région de Diourbel. Diourbel est l’une des régions les plus pauvres du Sénégal. Son économie est dominée par l’agriculture qui emploie plus de 60 % de la population. Malgré cela, les revenus sont très faibles et la pauvreté est endémique avec un taux avoisinant 70 %. La région est en manque d’infrastructures et des services sociaux de base. Bien qu’elle ait formé d’illustres fils de notre pays, les écoles de la région sont dans des conditions pitoyables. Le département de Mbacké est le département le moins scolarisé du Sénégal. Et l’hôpital du département de Diourbel ? Le Centre Hospitalier Régional Heinrich LUBKE de Diourbel est en quelque sorte l’antichambre de la mort. Les 460 milliards (416 milliards +44 milliards d’intérêts) de l’autoroute Ila Touba auraient pu régler tellement de problèmes pour cette région. J’ai eu mal quand j’ai vu la foule, cette foule affamée, cette foule sans éducation, cette foule anesthésiée par l’institution que le président incarne, cette foule inconsciente courir derrière le convoi du président sortant. Je prie pour le réveil de mes concitoyens, le réveil du peuple.
El Hadj Sall déplore le fait que le stade Djigo n’ait pas été mis à sa disposition. L’égalité de traitement des candidats est une obligation durant cette campagne électorale. Il est nécessaire que les autorités compétentes suivent ce dossier pour s’assurer que la raison donnée est une raison valable. Il a parlé des différents pouvoirs et du manque d’indépendance des pouvoirs judiciaires et législatifs. Il en a profité pour parler du manque de sécurité et d’éclairage. Il doit se démarquer de la politique politicienne et amener sa propre touche pour nous montrer l’innovateur qu’il est à cause de sa formation d’ingénieur.
Idrissa Seck a sorti le grand jeu. Il a été d’une éloquence extraordinaire, il est connu pour toujours faire une bonne campagne électorale. Il a été clair dans son discours et il a critiqué le président sortant, le taxant de dictateur et de quelqu’un qui n’a pas été reconnaissant envers le président Wade malgré tout ce que ce dernier a fait pour lui. Il est en train de draguer l’électorat du président Wade comme ce dernier n’a toujours pas donné de consigne de vote Il doit se battre pour être au milieu, car il comprend le quotidien des Sénégalais. S’il segmente l’électorat, il pourra ajuster son discours au fur et à mesure que la campagne se poursuit.
Ousmane Sonko nous a parlé des caisses noires, des impôts sur les sociétés ainsi que les contrats signés avec les institutions internationales. On sent que la manière de gouverner du président sortant lui fait mal, mais il doit se rappeler qu’il fait de la politique au Sénégal et au Sénégal, il y a une manière de faire de la politique, malheureusement. Il est devenu populaire à cause de son patriotisme certes, mais là, il est temps d’aller conquérir les autres, les plus âgés, car eux voient en lui quelqu’un de jeune, quelqu’un qui risque de prendre des décisions radicales une fois à la tête du Sénégal. Il a besoin de leurs votes, il a besoin qu’ils aient confiance en lui, donc il est temps qu’il mette de l’eau dans son vin pour aller conquérir le vote de ces personnes âgées. Il faut certes être un homme de conviction, mais en même temps, il faut être un stratège.
Madicke a fait de ses minutes un discours de propagande. Il a fait quelques propositions qui ont toujours été faites et qui n’ont jamais été respectées. Il a aussi parlé des réalisations que le président Wade a fait à Touba. Le seul hic est que le président Sall a quand même fait des travaux à Touba pour préparer ce moment. Connaissant comment la politique marche dans le monde, je le vois comme quelqu’un qui a été utilisé à d’autres fins. Il n’a pas de programme et sa manière, de parler n’est pas convaincante.
Promesses VS Faisabilité
Les candidats savent que le vote au Sénégal n’est pas un vote rationnel, donc ils en abusent pour essayer de gagner la sympathie des votants. Pourquoi dit-on toujours qu’un tel a perdu dans son propre centre de vote ? On s’attend tous à ce que ceux qui habitent dans la même localité ou la même région qu’un candidat de voter pour ce dernier, faisant de ce vote un vote irrationnel. C’est ainsi qu’il y a des votes confrériques, ethniques entre autres au Sénégal. Nous espérons qu’avec une reconstruction de notre nation, les votes deviendront des votes rationnels. Le président sortant a proposé un plan, le Plan Sénégal Emergent, qui a doté du Sénégal de sa plus forte croissance, mais malheureusement, une croissance qui ne s’est pas traduite en de meilleures conditions de vie. La première phase de son plan est inachevée, il a reçu un prêt pour l’entame de la seconde phase, une phase sans obligation de résultat, car il s’agira de son dernier mandat. Il axe sa campagne sur la promesse d’emplois, mais il ne nous dit pas comment ces emplois vont être créés. Notre économie est incapable de créer des emplois suffisants pour tous ceux qui rentrent sur le marché du travail. Notre économie est basée sur l’exportation des matières premières, ce qui fait que notre destin n’est pas entre nos mains, nous prions toujours pour la bonne tenue des cours. Notre monnaie, qui est surévaluée, ne nous aide pas, car nous ne la contrôlons pas, il est temps que la date de 2030 pour la monnaie unique soit respectée. Ceux qui arrivent sur le marché du travail et qui n’arrivent pas à trouver un emploi tourneront vers le secteur informel. Ce secteur informel, qui nous coûte plus de 300 milliards par an et qui pousse nos jeunes à aller vers d’autres horizons est une perte énorme pour notre pays. Tant que ces problèmes ne sont pas réglés, quelles que soient les promesses d’emplois que nous pouvons entendre des candidats, elles ne seront jamais réalisées. Il y a une manière dont l’économie marche et nous ne sommes pas sur cette logique. D’autres candidats parlent de l’élimination des fonds politiques, caisses noires… Le dire, c’est soit faire des promesses électoralistes ou soit ne pas savoir comment un Etat marche. Ces fonds sont plus connus sous le nom des fonds secrets. À l’origine, ces fonds étaient destinés à être utilisés dans les actions secrètes de l’Etat et ces fonds ne peuvent pas être dérivés du budget, car ils ne sont pas soumis aux règles de transparence. Ce que le candidat peut dire, c’est plutôt qu’une commission va être créée pour mieux contrôler l’utilisation de ces fonds. À titre d’exemple, Jacques Chirac, a failli être poursuivi sur ses voyages pour un montant de plus de 400 000 euros. Quand son avocat a expliqué qu’il s’agissait de fonds spéciaux, l’enquête a automatiquement été arrêté. Dans toutes les grandes démocraties, ces fonds existent, mais ils sont appelés différemment ou ils ne sont pas connus par tous. Nous pouvons mieux contrôler les fonds, mais nous ne devons pas les éliminer totalement. Il y a aussi des candidats qui proposent de diminuer les impôts sur les sociétés. Diminuer ce taux est une bonne chose et notre taux est plus élevé que le taux de la plupart des pays développés. Comme nous sommes un pays « fiscal », il serait plus sage de ne pas diminuer le taux, mais plutôt de changer les fourchettes des revenus pour permettre aux petites et moyennes entreprises de mieux grandir. Il faudrait cependant songer à diminuer le taux d’imposition sur le revenu pour les entreprises individuelles pour mieux stimuler l’économie. On nous parle aussi de la nationalisation des ressources naturelles. Selon le contexte, cela peut être une bonne chose comme le cas de la Bolivie. En 2006, le président bolivien avait pris la décision de nationaliser les hydrocarbures. Dix ans après, la Bolivie a généré plus de 30 000 millions de dollars, ce qui leur a permis de construire des routes, des hôpitaux, des écoles et d’améliorer leur économie sociale… Cependant, il faut noter que notre PIB par habitant est de 1033 dollars par habitant alors que la Bolivie a un PIB par habitant de 7 500 dollars. Il y a aussi les relations étroites entre la France et le Sénégal qu’il faut prendre en compte. La France est le premier investisseur au Sénégal et en tant que président de la République, il faut chercher ce qui fait avancer le pays. Si nous fâchons le premier investisseur dans notre pays, les conséquences seront sérieuses et notre économie va culbuter. Par exemple, le projet Keur Momar Sarr III a été en partie financé par la France à hauteur de 93 millions d’euros. Le Sénégal est le pays qui reçoit le plus d’aide malgré qu’il ne soit pas le pays le plus pauvre, bien qu’il en fasse partie. Je crois que le plus important, c’est de reconstruire notre pays sur de nouvelles bases solides tout en laissant les relations bilatérales en place. Quand nous commencerons à être autosuffisant, à atteindre un taux d’alphabétisation de 90 %, à diminuer la pauvreté tout en créant des emplois, là nous serons en meilleure position pour renégocier. Faute de grives, on mange des merles dit-on. Kwame Nkrumah disait : « Nous ne regardons ni vers l’Est ni vers l’Ouest ; nous regardons droit devant ».