CAN 2019: Lorsque Giresse soldait ses comptes avec la presse sénégalaise

Alain Giresse, à la tête de la Tunisie, va retrouver le Sénégal en demi-finale de la Can-2019. Le technicien français connaît bien la Tanière pour avoir dirigé les Lions entre 2012 et 2015. L’idylle s’était mal terminée, notamment avec la presse locale. En témoigne cet entretien qu’il avait accordé à Jeune Afrique peu après son départ. Nous vous la proposons en intégralité.

Giresse : “Pourquoi le Sénégal n’a-t-il jamais rien gagné ?”

Alain Giresse, l’ancien sélectionneur du Sénégal, n’a pas été épargné par une partie de la presse locale. S’estimant victime d’attaques excessivement violentes, l’ancien milieu de terrain de l’équipe de France règle quelques comptes. Sans langue de bois.

Jeune Afrique : La conférence de presse suivant la défaite face à l’Algérie (0-2) scellant le sort du Sénégal lors de la CAN 2015 a été très tendue entre les journalistes sénégalais et vous. Cela résume-t-il les relations que vous avez entretenues avec la presse locale ?

Alain Giresse : Ce jour-là, certains étaient venus cracher leur venin, leur haine. Mais il faut être clair : sur dix journalistes, seuls trois ou quatre avaient cette attitude violente, agressive. Avec les autres, cela se passait plutôt bien. Mais ce sont toujours les minorités qui font le plus de bruit…

Comment expliquez-vous cela ?

Quand je suis arrivé, mon numéro de téléphone était accessible à tous. Je voulais bien communiquer, mais j’ai aussi voulu instaurer un cadre de travail rigoureux. Au niveau international, c’est obligatoire. Et cela a déplu. Rapidement, une partie de la presse n’a fait que m’attaquer. À ses yeux, tout était négatif. Au Gabon, puis au Mali, je n’avais jamais connu ça !

POUR UNE CERTAINE PRESSE, L’OBJECTIF ÉTAIT DE ME DÉMOLIR SANS TENIR COMPTE DES RÉSULTATS, DE LA PROGRESSION DE L’ÉQUIPE.
C’est-à-dire ?

Je faisais évoluer l’équipe en 4-4-2, on écrivait qu’il fallait la faire jouer en 4-3-3. On ne parlait que des joueurs qui n’étaient pas là. Et quand ils étaient là, on me tombait dessus. J’ai pu le constater avec Demba Ba. On m’a critiqué parce que je le sélectionnais. Et quand je ne l’appelais plus, on me l’a reproché… Il fallait sans cesse que je me justifie. La critique fait partie du métier, et je l’accepte. Mais pour une certaine presse, l’objectif était de me démolir sans tenir compte des résultats, de la progression de l’équipe, de l’arrivée de nouveaux joueurs en sélection. On a inventé des choses aussi, comme quoi j’avais sélectionné Lamine Gassama parce qu’il serait ami avec mon fils Thibault [joueur à Guingamp, NDLR], alors qu’ils ne se connaissent même pas.

La presse n’a pas été la seule à vous attaquer…

Avec les supporters, cela s’est toujours globalement bien passé. Je suis revenu à Dakar régler quelques affaires fin février, et je n’ai eu aucun souci. Mais souvent, la presse demandait leur avis à des “experts”, des entraîneurs locaux. Et parmi eux, certains disaient comment il fallait jouer, quels joueurs il fallait sélectionner. S’ils ont toutes les solutions, pourquoi le Sénégal n’a-t-il jamais rien gagné ?

Aviez-vous envisagé de partir avant la fin de votre contrat ?

Oui, après l’élimination face à la Côte d’Ivoire en qualifications pour la Coupe du monde 2014 (1-3, 1-1). De toute manière, après le match face à l’Algérie, j’ai dit à Augustin Senghor, mon président, qu’il ne fallait pas qu’il me prolonge. C’était mieux pour tout le monde !

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