Colombie: l’ex-guérilla FARC se retire de l’élection présidentielle

Le parti FARC issu de la guérilla du même nom se retire de l’élection présidentielle en Colombie, prévue fin mai. Un retrait dû aux problèmes de santé de son leader et candidat Rodrigo Londoño, connu sous son pseudonyme Timochenko.

Après avoir subi un infarctus la semaine dernière, Rodrigo Londoño, alias « Timochenko », a dû se soumettre ce mercredi à une opération du cœur. Un pontage coronarien qui, selon ses médecins, s’est bien déroulé. Mais si l’état de santé du leader de la FARC est satisfaisant, l’homme de 59 ans doit rester sous « thérapie respiratoire intensive » en raison des complications dues au tabagisme.

Poursuivre la course à la présidence n’est plus possible, a annoncé un autre poids lourd de la FARC, Ivan Marquez, ce jeudi : « Les gens connaissent parfaitement la situation de notre candidat Timochenko qui est en rétablissement après avoir subi mercredi une intervention chirurgicale. Ajoutons à cela les circonstances de la campagne électorale que nous avons déjà soulevées, tout cela nous amène à renoncer à notre ambition présidentielle ».

Suite à plusieurs manifestations violentes à son encontre, Rodrigo Londoño n’avait tenu aucun meeting électoral public depuis le 9 février. Il arrivait en dernière position dans les intentions de vote. Ivan Marquez, lui aussi ancien guérillero et candidat au Sénat, a souligné que la FARC maintenait sa présence aux législatives de dimanche prochain.

Un retrait sans conséquence sur la vie politique

Les observateurs ajoutent une troisième raison au retrait du candidat FARC : son très mauvais score dans les sondages. Timochenko n’a jamais dépassé 2% des intentions de vote, indique notre correspondante à Bogota, Marie-Eve Detoeuf. En effet, les ex-guérilleros sont détestés par une grande partie de l’opinion publique et les secteurs populaires ou paysans qui peuvent avoir de la sympathie pour eux votent peu. L’abstention en Colombie dépasse systématiquement 50% des voix. Dans ces conditions, il est peu probable que la liste des FARC pour les législatives crée la surprise dimanche.

Angelica Montez, spécialiste de la Colombie, enseignante à l’université Paris 13, estime que le retrait du parti de la course à la présidentielle ne va pas changer grand-chose. « En réalité, la FARC – la Force alternative révolutionnaire commune – n’avait aucune chance. Depuis la mise en route de cette campagne présidentielle par Rodrigo Londoño, cette campagne n’a pour seul objectif que d’exister. Exister dans une galaxie politique complexe en Colombie. Mais d’après ce qu’on peut lire, voir, comprendre de la situation colombienne, ça ne change rien. Car les FARC n’avaient aucune chance de remporter ni de peser vraiment dans cette élection. »

L’enseignante souligne que cela s’explique aussi parce qu’il n’y a pas de place pour un tel parti sur la scène politique colombienne à l’heure actuelle. « Le retrait de la candidature de Rodrigo Londoño vient tout simplement enclencher cette chute vertigineuse du projet politique des FARC. Le parti des FARC n’existe pas parce que la politique, la vision progressiste de gauche en Colombie, ce n’est pas les FARC qui l’incarnent actuellement. » Mais, quel que soit le résultat des urnes, le nouveau parti est assuré d’obtenir 5 sièges de députés et 5 sénateurs. C’est ce que prévoit l’accord de paix. Il fait évidemment grincer des dents à droite.

Le pari des législatives

Selon Angelica Montez, « les FARC, en tant que parti, c’est un mort-né, qui va devoir se rapprocher des forces progressistes déjà existantes pour pouvoir progressivement reconstituer ou créer un noyau politique crédible et ça, ça ne va pas se faire du jour au lendemain. » C’est ce qui expliquerait le choix de ne pas présenter d’autre candidat à la présidentielle, pour cette spécialiste de la Colombie.

L’enseignante à Paris 13 estime que les FARC ont plutôt intérêt à miser sur les prochaines législatives. « Ils se sont rendu compte qu’ils n’ont aucun rôle à jouer dans cette campagne présidentielle. Il faut plutôt s’organiser autour des législatives. C’est vraiment là où ils pourraient éventuellement peser pour l’élection présidentielle à venir. »

rfi