En Espagne, l’Eglise pratique l’omerta concernant la pédophilie

Alors que dans d’autres pays, tels l’Australie, l’Irlande, l’Italie, la France, les Eglises prennent de plus en plus au sérieux les affaires de pédophilie mettant en cause des prêtres. En Espagne, ce n’est pas le cas. Ici, la Conférence épiscopale n’écoute pas les injonctions papales et se réfugient dans le déni. L’Espagne serait donc une exception dans ce sens ? Eclairages de notre correspondant à Madrid.

De notre correspondant à Madrid,

Il est étonnant de remarquer à quel point les prélats espagnols font le dos rond, ne répondent pas aux requêtes, pratiquent l’évitement sur la question. Lorsque l’on insiste vraiment pour que des responsables ecclésiastiques se prononcent, alors on obtient des positionnements très flous et qui tentent de minimiser la question. L’actuel secrétaire général de l’Eglise, Luis Arguello, par exemple, reconnait tout juste que ce sont des « problèmes ponctuels, des cas isolés ». C’est un peu comme si l’Espagne vivait dans sa bulle, sans voir l’environnement mondial.

Y a-t-il des raisons de penser que les cas de pédophilie ont été ici aussi importants que les autres grands pays catholiques ?

Oui, aussi importants ou plus. Rappelons que l’Espagne est l’une des nations catholiques les plus importantes et que le poids de la religion sur la société, l’éducation, les médias reste très fort. Le problème est que la hiérarchie ecclésiastique ne reconnait pas vraiment le fléau. Sur les 70 diocèses, seules trois ont l’obligation d’informer des plaintes à des tribunaux civils. Cette même hiérarchie n’a pris aucun contact avec des victimes. Plusieurs intellectuels, comme le cinéaste Pedro Almodovar, dénoncent ce silence. Mais, rien à faire, le sujet demeure un tabou.

Aujourd’hui, de quelles informations tangibles on dispose, et comment cela peut-il avancer ?

il y a en Espagne 23 000 paroisses et 18 000 religieux. C’est beaucoup. Officiellement, au cours des 30 dernières années, on dénombre 33 condamnations infligées à des prêtres pour « abus sur des mineurs ». Parfois, cela a donné lieu à des peines de prison, mais le plus souvent à des amendes sans grande importance. Bref, il y a un déni de la part de l’Eglise et des congrégations ou des ordres, à la seule exception des Jésuites. Mais de leur côté, les médias canalisent des centaines et des centaines de témoignages pour abus sexuels commis par des prêtres.

 

Rfi