En Inde, la protection des vaches sacrées coûte cher aux éleveurs

Le gouvernement nationaliste hindou, au pouvoir à New Delhi depuis quatre ans, a rendu l’abattage des bovins très difficile ; des miliciens hindouistes attaquent en plus régulièrement ceux qui transportent leurs vaches au marché. Résultat, les fermiers n’ont d’autre choix que d’abandonner ces bovins non productifs, qui vont ensuite saccager les champs qu’ils trouvent pour se nourrir. Les autorités cherchent des solutions au problème et pensent revenir sur ces restrictions.

De notre correspondant à New Delhi,

L’abattage de vaches a toujours été très régulé en Inde. Il est interdit dans la plupart des Etats régionaux et certains l’autorisent seulement pour les vaches malades ou les bœufs qui sont âgés de plus de 20 ans et ne sont plus productifs. Le créneau était donc déjà étroit, mais permettait au moins aux fermiers de revendre les vieilles bêtes pour leur viande et d’en racheter de plus jeunes.

Cela est quasiment impossible depuis le passage, il y a près d’un an, d’un décret national qui interdit d’utiliser les marchés publics pour vendre du bétail à l’abattoir. Cette mesure a depuis été suspendue par la Cour suprême, mais les miliciens hindouistes attaquent les véhicules transportant du bétail, car ils les suspectent de faire du commerce illégal de vache.

Tout cela fait que les fermiers ne trouvent plus aucun débouché pour leurs vieilles bêtes. Et comme cela coûte trop cher de les nourrir, ils les abandonnent. Voilà donc ces bovins qui errent à la recherche de nourriture et détruisent les champs voisins. Cette mesure purement idéologique de protection de la vache représente donc une double peine pour les agriculteurs.

Centres d’accueil

Le gouvernement nationaliste hindou a donc développé des centres d’accueil pour ces vaches abandonnées, particulièrement dans les grands Etats du nord et du centre de l’Inde, cœur de l’hindouisme radical et gouvernés par le parti nationaliste hindou du BJP. Rien que le Rajasthan comptait 2 000 centres d’accueil pour vaches il y a 3 ans et le gouvernement régional a dépensé l’année dernière plus de 19 millions d’euros pour ouvrir de nouveaux abris.

Mais cela semble bien insuffisant : on estime que près de la moitié des bovins indiens de cette région sont non-productifs et inutiles pour la reproduction, ce qui représente plusieurs dizaines de millions de têtes. Maintenant qu’ils ne peuvent plus être abattus, les fermiers se battent pour les faire accueillir dans ces centres, et dès qu’il y en a un qui ouvre, il reçoit 10 fois plus de bêtes qu’il peut héberger.

Quelles solutions sont envisagées ?

A un an des élections parlementaires nationales, le gouvernement nationaliste hindou ne peut se permettre de perdre le soutien du monde rural, où vit un indien sur deux. Les agriculteurs sont déjà dans la misère, ils n’arrivent pas à vivre de leurs récoltes à cause de la volatilité des prix et du manque d’eau. Des milliers se suicident chaque année car ils ne peuvent rembourser leurs dettes.

Cette réalité économique est certainement bien plus importante pour ces électeurs que la protection idéologique de la vache. Le gouvernement est donc en train de rédiger une version moins stricte de ce décret. Cela devrait permettre un retour progressif à la normale, surtout si les autorités contrôlent plus fermement les miliciens qui attaquent les transports de bétail.

RFI