France: la suppression de l’«exit tax» crée la polémique

Dans une interview au magazine américain Forbes, Emmanuel Macron a annoncé la suppression de « l’exit tax », cette taxe mise en place par Nicolas Sarkozy pour dissuader les contribuables de partir à l’étranger avec leur patrimoine. La mesure aurait pour but de renforcer l’attractivité de la France, mais elle est déjà vivement critiquée par plusieurs formations politiques.

Le surnom attribué par le magazine Forbes à Emmanuel Macron se veut élogieux – « Leader of the free markets », le chef du libre marché -, plus que celui de « président des riches » qui lui colle à la peau en France. Dans les deux cas, la politique fiscale du président en est au centre et la suppression de cette taxe en est la dernière expression.

Instaurée en 2011 sous le mandat de Nicolas Sarkozy, elle concerne les patrons d’entreprises et les contribuables qui détiennent un important patrimoine en actions ou en obligations et a pour objectif de lutter contre l’exil fiscal : l’entrepreneur qui quitte la France est taxé sur la différence entre la valeur de sa société lors de sa création ou de son acquisition et sa valeur au moment du départ.

Soit « un message négatif » pour les entrepreneurs, juge le président français, qui estime que cet impôt, qui a rapporté 70 millions d’euros l’année dernière, contre 200 millions espérés, n’est « pas particulièrement intéressant pour les finances publiques. » Surtout, il serait trop dissuasif pour les jeunes chefs d’entreprises qui préféreraient, à cause de lui, s’installer dès le départ à l’étranger, selon le président français.

La Cour des comptes, elle, annonce un chiffre beaucoup plus conséquent. Selon l’institution présidée par Didier Migaud, cette « exit tax » a apporté 803 millions d’euros en 2016.

« Qui croira encore à cette fable ? »

Dès l’annonce, les critiques ont fusé, notamment à gauche. « En décembre, la fin de l’ISF et la flat tax devaient servir l’investissement en France. Qui croira encore à cette fable? Même l’évasion fiscale n’est plus découragée », a dénoncé sur Twitter le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure.

Du côté de la France insoumise, le député Adrien Quatennes y voit une illustration supplémentaire d’un président tourné vers les riches. « Emmanuel Macron est dans son rôle et dans la cohérence qui est la sienne: Il aura réussi finalement en moins d’un an, et sans le dire, à devenir le chef de cette droite libérale qu’il représente magnifiquement aujourd’hui si on en croit notamment cette publication. »

La suppression « s’adresse à un public extrêmement microscopique»

Même son de cloche chez le Front national : « Finalement ce président sera resté un banquier et ne sera jamais entré dans le costume d’un président au service de l’intérêt général de tous, en tous les cas de l’intérêt général de tous les Français, estime le député Sébastien Chenu. [Cette suppression] s’adresse à un public extrêmement microscopique. C’est plutôt un cadeau fait effectivement à ceux qui ont soutenu Emmanuel Macron, qui sont ses amis. Il nous montre quel est son penchant naturel, celui d’être le président des très très riches. »

Le Premier ministre, Edouard Philippe, a pourtant essayé de justifier la mesure dans une interview accordée hier à BFM TV, par le « signal symbolique » de cette taxe, un signal « mauvais » selon lui. « Je ne crois pas du tout à la portée de cette taxe et je ne crois pas beaucoup à la portée des symboles en matière de fiscalité. Je crois que ce qui est important, c’est de viser l’efficacité: nous voulons faire de la France le pays le plus attractif économiquement d’Europe ».

rfi