Indaba Mining: la RDC dans l’attente du nouveau code minier


Coup d’envoi ce lundi 5 février de la grand-messe des investissements miniers au Cap, en Afrique du Sud. Mining Indaba, c’est le nom de cette rencontre qui va durer quatre jours. L’occasion pour les grands patrons de faire le point sur la santé de leurs entreprises. Albert Yuma, le président du conseil d’administration de la Gecamines, l’entreprise minière publique congolaise et patron des patrons congolais, va y donner, ce lundi, une conférence de presse très attendue.
On attend notamment les résultats de l’audit des partenariats de la Gecamines, audit lancé après qu’Albert Yuma a été accusé de gestion opaque par le centre Carter. 750 millions de dollars auraient tout simplement disparu des comptes de la société. La Gecamines renvoie la responsabilité sur ses partenaires étrangers. Cette conférence de presse intervient également en pleine crise de confiance entre le gouvernement et les entreprises minières après l’adoption, par le Parlement, d’un nouveau code minier en attente de promulgation par le président Kabila.

Que changerait ce texte s’il entrait en vigueur, et pourquoi fait-il polémique ?

La plupart des taxes et redevances sont revues à la hausse. L’exemple emblématique, c’est la redevance minière. Elle était à 2% du chiffre d’affaires dans le code de 2002, elle est de 3,5% aujourd’hui pour les métaux précieux, autant dire qu’elle a presque doublé. Mais cette redevance pourrait devenir encore plus élevée pour certaines entreprises, puisque le texte adopté par le Parlement prévoit que pour des substances dites «stratégiques», elles pourraient payer jusqu’à 10% de leur chiffre d’affaires. Soit cette fois une multiplication par cinq…
Cette mesure est celle qui fait l’objet de «la plus grande controverse», explique à RFI Elisabeth Caesens, directrice de l’ONG Resource Matters et spécialiste du secteur minier congolais.

Ce serait le Premier ministre qui pourrait décider, par un simple décret et en fonction de la conjoncture économique, quels minerais seraient classés comme «stratégiques». Le ministre des Mines a insinué qu’il pourrait s’agir du cobalt dont la RDC possède 50% des réserves mondiales connues et assure 80% de la production mondiale. Un métal qui sert pour tout, les batteries rechargeables notamment des téléphones portables et surtout des voitures électriques. Le cours du cobalt a fait d’ailleurs un bond de 130 % entre janvier 2017 et 2018, porté par la course aux véhicules électriques.

Pire, pour les entreprises minières, l’ancien code prévoyait une clause de stabilité de dix ans en cas d’adoption d’une nouvelle législation, c’est-à-dire un moratoire sur le régime de taxes et d’impôts. Non seulement cette clause n’existe plus, mais les hausses s’appliqueront dès la promulgation de ce nouveau code.

De telles hausses risquent de braquer les entreprises minières

D’abord parce que la RDC pensait obtenir plus de son exploitation minière. Le code minier de 2002 était certes un texte conçu pour être favorable aux entreprises et donc aux investisseurs. Mais même avec ça, les autorités congolaises espéraient tirer beaucoup de l’impôt sur le profit, jusqu’à peut-être 50% de leurs recettes. Quinze ans plus tard, très peu d’entreprises minières le paient, assurant ne pas faire les bénéfices escomptés. Envisagées depuis 2012, les discussions autour d’un nouveau code minier se sont accélérées ces derniers mois.

Frappée par la crise économique, la RDC a plusieurs fois répété qu’elle comptait faire payer les miniers, une position étrangement soutenue par Albert Yuma, patron des patrons, au point qu’il est accusé aujourd’hui de faire le jeu du pouvoir. Inquiet par la tournure des débats parlementaires, le patron de Glencore, principal producteur mondial de cobalt, est lui-même venu plaider auprès du président Kabila avant Noël. En vain, le texte est pire aujourd’hui qu’il ne l’était avant sa visite. Au point que certains observateurs y voient un lien avec les sanctions américaines prises le 17 décembre contre l’ami du président, l’Israélien Dan Gertler. Glencore lui doit cette année encore quelque 120 millions et pourrait choisir de ne pas payer pour ne pas tomber dans le collimateur du trésor américain. Spéculation, retorque-t-on du côté des autorités.

à (re)lire: «Paradise Papers»: comment Glencore s’est emparé d’une mine de cuivre en RDC

Autre changement: la suppression de la clause de stabilité de dix ans

La clause de stabilité de dix ans dans le régime fiscal, qui devait pourtant s’appliquer malgré l’adoption d’une nouvelle législation, disparaît dans le nouveau texte or « il faut comprendre que pour des entreprises minières qui viennent dans un pays, une opération minière se calcule sur le long terme, poursuit Elisabeth Caesens. Ce sont souvent de grands, grands investissements. Des investissements d’un milliard, 2 milliards de dollars. Et puis il faut produire pendant tout un bout de temps pour pouvoir récupérer cet argent et commencer à faire un profit». D’où l’existence de ces clauses de stabilité dans le secteur extractif poursuit la chercheuse: quand un investisseur « prend sa décision d’investir et de vraiment y aller pour un certain projet, il calcule dans son modèle financier. Il prend, en fait, cette période de dix ans pour voir s’il va récupérer l’argent ou pas ».

La suppression de cette clause est-elle légale ? «… Je pense que, même au niveau du droit international, les entreprises risquent de ne pas se laisser faire. Je pense que si ce texte est adopté comme tel, on ne peut pas exclure que certaines essaient d’attaquer la loi en arbitrage pour (la) perte de recette qu’elles attendaient, etc. Je ne l’exclus pas», conclut Elisabeth Caesens.

En pleine crise politique en tout cas, promulguer ce texte pourrait représenter un pire danger pour Joseph Kabila que l’Eglise catholique, s’amuse un exploitant qui voyant le président tarder à promulguer ce code pense qu’il est peut-être juste «en train de faire monter les enchères».

«Creuseurs» sur le site minier (cuivre et cobalt) de Kawana (RDC). © Michael Robinson Chavez/Getty