«La scène musicale était saturée, je ne m’en sortais plus…»

Alors qu’elle s’était terrée dans son coin depuis une dizaine d’années, il a fallu une vidéo pour qu’elle revienne au-devant de la scène. D’une manière insolite, mais c’est du Fatou Laobé. La chanteuse, aussi singulière que déterminée, a réussi à marquer son retour avec fracas. Face à l’Obs, elle revient sur sa période off et déroule ses ambitions futures…

Après plusieurs années de retrait, vous avez refait surface avec un single de sensibilisation sur le coronavirus…

Avant tout, j’adresse mes salutations à tous les Sénégalais. En cette période de crise sanitaire, je les encourage à la vigilance. Je suis une artiste et tout ce qui touche mon pays, m’engage au plus au haut point. C’est ce qui explique qu’après plusieurs années de léthargie, j’ai décidé de participer à ma manière à la sensibilisation sur l’épidémie du Coronavirus, qui secoue le monde entier. Je suis un porteur de voix, une brave femme, j’ose croire que mon opinion ne va pas laisser de marbre la population et qu’elle m’écoutera. Le gouvernement, à travers le ministère de la Santé, déroule un certain nombre d’actions dans le but de venir à bout de cette maladie. Il est donc normal que nous apportions notre petite pierre à l’édifice. Depuis quelques mois déjà, je prévoyais de faire mon retour sur la scène. Malheureusement, cela a coïncidé avec l’apparition du Covid 19 sous nos cieux. De ce fait, j’ai changé mes plans. J’ai mis la sortie de mon album en stand- by. En lieu et place, il y a ce single de sensibilisation. En espérant que tout rentrera très bientôt dans l’ordre et que nous pourrons tous reprendre nos acticités. Cela fait 10 ans que je n’ai pas sorti d’album. J’en compte 9 à mon actif et je peux dire que je fais partie des artistes qui comptent ici au Sénégal. Donc, les Sénégalais ont envie de me revoir.

10 ans sans vous produire. Qu’est-ce qui explique cette si longue absence de la scène musicale ?

Je ne suis pas restée les bras croisés. Chaque année, je me rendais aux Etats-Unis et j’y restais au moins 6 mois. En parallèle, je continuais à mener mes activités de commerce. Il faut avouer que la scène musicale était saturée à un moment donné. Je ne m’en sortais plus et j’ai décidé de reculer pour mieux sauter. Tout ce que je gagnais, je le réinvestissais en vêtements, pour enregistrer un morceau ou réaliser un clip. On est obligé d’être tout le temps bien apprêté, avec de nouveaux vêtements, une nouvelle coiffure… Ce qui est loin d’être évident. J’ai fini par me rendre à l’évidence, à ce rythme, je n’aurais jamais pu mettre de l’argent de côté. Mes cachets partaient en fumée. Je me suis dit qu’il valait mieux que je me concentre sur mon commerce, histoire de pouvoir réunir des fonds pour pouvoir repartir sur de bonnes bases. Etant donné que je suis seule, je n’ai pas une maison de production derrière moi pour m’encadrer. Je précise également que j’étais en bonne santé et que je vivais bien, sans le moindre souci.

«Je n’ai jamais été dans le besoin, au point de hanter les cérémonies ou quémander»
Justement, selon certaines indiscrétions, vous étiez dans le besoin, en proie à des difficultés financières…

Ce sont des contrevérités, je n’ai jamais été dans le besoin. Je n’ai jamais frappé à la porte de qui ce soit pour quémander ou emprunter de l’argent. Je ne manque de rien, j’ai de grands enfants qui s’occupent bien de moi. Je ne hante pas non plus les cérémonies pour demander de l’argent. Je ne sors même pas beaucoup. On ne me verra jamais aller vers des bienfaiteurs pour tendre la main. Tout ce que j’ai, je l’ai gagné à la sueur de mon front. J’ai ma propre maison et tout ce qu’il me faut. Si j’étais ruinée, comment aurais-je pu me payer des billets d’avion à 600 000 FCfa pour séjourner aux Usa tous les ans. Ce sont juste des messes-basses véhiculées par des personnes malintentionnées. Mais ça ne m’ébranle pas plus que ça. Je n’ai pas des milliards FCfa, mais j’ai ma dignité et ma personnalité. Rien ni personne ne pourra me l’enlever. Je ne vais pas m’abaisser à faire des choses contre la morale pour m’en sortir. Je ne bois pas, je ne fume pas, je suis une femme de valeur et de principes. Je fais en sorte d’être respectable. Malheureusement au Sénégal, tu trouveras toujours des gens pour casser du sucre sur ton dos, gratuitement et sans aucun scrupule. Même le Prophète n’y a pas échappé, je ne vois pas comment moi, simple mortelle, je sortirais du lot. N’empêche, je rends grâce à Dieu et je laisse tout entre ses mains. Il se chargera de rétablir la vérité au moment opportun. Ma mère et ma grand-mère m’ont transmis des valeurs. C’est d’elles que j’ai hérité ma passion pour le commerce. Je vends du «thiouraye» (encens) et des tenues traditionnelles, que je confectionne. Lors de mes séjours aux Etats-Unis, j’emmène au minimum 5 valises remplies d’habits et de l’encens. Je les revends à travers les 52 Etats. Il m’arrivait aussi d’être sollicitée là-bas pour des prestations et je me fais un peu d’argent en plus.

Comment allez-vous faire pour ne pas retomber dans le même carcan, si vous revenez ?

J’ai fait des prévisions et cette fois-ci, je ne vais pas me laisser happer. Je vais partir d’un budget qui couvrira toutes mes dépenses. Durant cette période, j’ai pesé le pour et le contre. Je pense que dorénavant, je saurai où mettre les pieds. J’ai aussi pu mesurer ce que je vaux dans la musique et cela m’a aidé à me refaire. Je me suis beaucoup remise en question et donc, c’est une autre Fatou Laobé qui va rebondir.

«Je suis une grande chanteuse et j’ai ma place dans la musique»
Votre retour ne s’est pas fait sans bruit. Sur les réseaux sociaux, on vous tourne en dérision et un challenge est même né de votre gestuelle dans le clip. Qu’est-ce cela vous fait ?

Cela m’a fait plus sourire qu’autre chose. J’en suis très heureuse car, c’était l’effet recherché. C’est moi-même qui ai pris ce passage du montage pour le diffuser sur les réseaux sociaux. Au final, ce n’est pas plus mal, les gens ont bien rigolé. Je suis une artiste très portée sur l’humour. Je ne m’encombre pas de stress et je ne veux pas que les gens autour de moi en aient. J’adore faire rire, il suffit de passer quelques minutes avec moi pour se rendre compte de cet aspect de ma personnalité. Je n’irais pas jusqu’à me jeter des fleurs, mais je sais que j’ai un bon cœur et je ne souhaite du mal à personne. Les challenges et autres railleries démontrent à souhait que je suis une artiste qui compte dans le landerneau musical sénégalais. Les gens prêtent attention à ce que je fais. Le meilleur reste à venir, dans les prochains jours. Ils verront de quel bois je me chauffe. Je prévois de sortir un single en prélude de mon prochain album, la veille de la Korité et une nouvelle danse qui s’appelle «Dakhoum Corona» (chassez le Corona). Ce sera du lourd, que tout le monde se le tienne pour dit.

Vous l’avez dit tantôt, la scène musicale est saturée. Pensez-vous pouvoir revenir et reprendre votre place, après 10 ans d’absence ?

Je le revendique haut et fort, je suis une grande chanteuse et je maîtrise mon art. J’écris et je compose moi-même mes chansons, ce n’est pas l’inspiration qui me manque. C’est inné en moi. Donc, mon retour sera gagnant, j’en suis persuadée.

Quelle est votre appréciation sur cette épidémie et ses conséquences, notamment sur le secteur de la musique, qui vous concerne ?

Cela devait arriver, c’était écrit et on n’y peut rien. Le monde entier est bouleversé et la seule chose à faire c’est de se protéger au maximum, en respectant scrupuleusement les consignes du Ministère de la Santé. La prière aussi est une alternative, alors prions afin que cette épidémie s’en aille à tout jamais, que les malades recouvrent la santé. Nos déplacements sont limités et c’est dur pour tout le monde. En ce qui concerne le monde de la musique, j’exhorte la tutelle à tenir compte des difficultés des acteurs. Il faut loger tous les artistes à la même enseigne. Qu’il s’agisse du chanteur, du peintre, du comédien, du danseur, du plasticien, nous avons les mêmes droits. Si le Ministre de la Culture prend l’initiative de leur rendre visite, qu’il le fasse pour tous. A défaut, qu’il ne le fasse pas…

igfm