Le Sénégal à la recherche du temps perdu en matière de recherche scientifique

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’Aas et ses partenaires œuvrent pour la multiplication de la recherche scientifique et des productions journalistiques dans le domaine de la science. Durant près d’une semaine, Dakar va bénéficier de ces initiatives.

L’Afrique participe, à hauteur de 0,3 %, aux recherches mondiales sur la santé et seulement 2,6 % de la production scientifique sont issus du continent. Des chiffres qui montrent aisément le gap assez important à rattraper, surtout que 25 % des maladies mondiales viennent du continent. A ce sujet, le programme Marcad – Malaria Research Capacity Development (Afrique de l’Ouest et du Centre) soutient d’un point de vue financier les scientifiques africains (niveau Phd ou postdoctoral) dans leurs recherches, ceci, par un financement et un encadrement scientifique. Ce sont, au total 15 boursiers du Mali, du Ghana, de la Gambie, du Cameroun et du Sénégal qui bénéficient de cet accompagnement.

Au Sénégal, c’est la faculté de Médecine de l’Ucad qui abrite ce programme, en comptant plusieurs boursiers qui travaillent pour la prévention et la prise en charge du paludisme. ‘’Les recherches de nos scientifiques ont prouvé que le plasmodium vivace (parasite) qu’on avait uniquement en Afrique de l’Est est aujourd’hui présent en Afrique de l’Ouest. Nous avons aussi réussi à démontrer que la nouvelle forme de prévention chez l’enfant, la chimio prévention, dont la cible est la tranche d’âge de 0 à 5 ans, est dépassée. Aujourd’hui, des enfants de plus de 5 ans et les adolescents sont touchés. Une avancée majeure qui a permis à l’Oms (Organisation mondiale pour la santé) de changer sa stratégie’’, renseigne le président de Marcad Sénégal, Oumar Guèye. Il ajoute : ‘’Voilà quelques exemples qui prouvent qu’en investissant dans la formation de nos jeunes chercheurs, ils peuvent nous apporter des solutions.’’

A son avis, même si la maladie recule sur le continent, il existe néanmoins des foyers chauds, notamment à Kolda, à Kédougou, à Tamba et à Kaolack. ‘’Le taux du paludisme avoisinait les 80 % auparavant. Maintenant, c’est entre 20 et 10 %. On peut être optimiste quant à l’élimination de cette maladie, puisque l’agenda international va jusqu’à 2030’’, a-t-il ajouté. L’élimination au Centre et au Nord du pays pourrait être effective, mais la zone Sud devra attendre cinq ans après.

Par ailleurs, le programme Marcad a su, grâce à ses chercheurs, montrer la faisabilité et l’efficacité du traitement de masse dans l’éradication du paludisme. Les résultats des recherches ont aussi démontré que les Act (Athermisinin-based Combination Therapy) tels que la chloroquine constituent jusqu’à ce jour des médicaments efficaces.

Les défis majeurs

Aujourd’hui, le principal défi dans la lutte contre le paludisme est celui de la résistance des parasites, mais également des malades aux médicaments. A cela s’ajoute le niveau de protection du vaccin qui est loin d’atteindre les 80 % et dont les effets disparaissent après seulement quelques mois. ‘’Il faut que l’on s’attèle à éliminer totalement le paludisme et à renforcer, par la suite, les systèmes de surveillance’’, affirme Oumar Guèye. Il estime que la collaboration interafricaine est un déterminant majeur dans l’approche globale.

Toutefois, une méthode holistique a été soulignée par le vétérinaire Bonfoh Bassirou, Directeur d’Afrique One. A l’en croire, la santé humaine est étroitement liée à l’environnement et à la santé animale. ‘’Le moustique vit dans un environnement propice. Pour arrêter son développement, il faut assainir l’environnement. Voilà l’un des plus gros problèmes’’, explique-t-il.

Au-delà de l’aspect scientifique, il invite à une attention particulière au comportement de la société dans cette lutte contre le paludisme. En effet, la réticence à l’utilisation des moustiquaires dans plusieurs localités relève, selon lui, des sciences sociales qui doivent expliquer le pourquoi de ce refus qu’il appelle ‘’résistance humaine’’. Ainsi, les chercheurs doivent être à l’écoute de la société et non se limiter à des résultats de laboratoire entre quatre murs.

Un autre défi majeur de la recherche scientifique en Afrique n’est autre que la barrière linguistique. Anglophones et Francophones ont très souvent du mal à se comprendre.

Vers plus de productions journalistiques

Marcad est l’un des 11 programmes du Developing Excellence in Leadership, Training and Science (Deltas) et sont tous deux partenaires de l’Académie africaine des sciences basée à Nairobi (Kenya) créée en 2017. Vu la rareté des productions journalistiques en science, l’académie a entrepris une formation des journalistes en écriture scientifique. Ces derniers sont souvent confrontés à un problème de financement, une absence de formation et des contraintes de temps. Pour contourner ces obstacles, l’académie entend les soutenir par un encadrement professionnel et financier. L’objectif est de multiplier les investigations en vue de faire comprendre aux populations des enjeux d’ordre scientifique et d’influencer les politiques en matière de santé, de sécurité alimentaire, d’environnement et de changements climatiques. Ce projet touche, dans une phase pilote, le Kenya, l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Sénégal. Comme autre initiative, elle œuvre pour le retour des scientifiques africains sur le continent, en leur permettant de bonnes conditions de travail et ainsi que des opportunités financières, en mettant en place un environnement qui leur permet de tirer des fonds.

L’académie compte à ce jour 348 chercheurs et plus de 200 publications. Dans la même optique, une rencontre panafricaine est prévue du 22 au 24 juillet 2020. L’Afrique francophone, en particulier l’Afrique de l’Ouest, absente du système de recherche, faute de financement, va plaider sa cause en s’appuyant sur la qualité de ses chercheurs. Ce sera une occasion de mutualiser les recherches et de briser les barrières linguistiques par la traduction des résultats de recherche en plusieurs langues.

AMINATA DIAW, BOURSIÈRE DU PROGRAMME MARCAD

“J’essaie de comprendre pourquoi ces moustiques ne meurent pas’’

Boursière du programme Malaria Research Capacity Development, Aminata Diaw, de niveau Phd, s’attache, dans la localité de Saraya (région de Kédougou) à étudier la transmission du paludisme par des porteurs sains.

Parasitologue de formation, elle explique : ‘’Ces personnes qui hébergent le parasite n’ont aucun signe de maladie, mais elles peuvent infecter un moustique qui, à son tour, va le transmettre à d’autres personnes. Ces dernières peuvent être malades.’’

Selon elle, cet état de fait menace l’élimination du paludisme au Sénégal. Son travail consiste donc à identifier et à recenser ces porteurs sains et contrôler le parasite. Ses recherches ont montré que les enfants, faute de défense immunitaire solide, sont plus touchés par le paludisme que les adultes.

En cette veille de saison des pluies propice à l’émergence de la maladie, il est prévu une sensibilisation des populations à l’utilisation des moustiquaires et à la prise en charge des enfants sains porteurs du parasite en vue d’avoir le résultat escompté.

Pour sa part, Matthew A. du Kenya, également boursier de Marcad, travaille sur les déplacements du moustique, source d’infection. Il fait remarquer que les pays frontaliers à la Gambie sont dans le rouge, du fait de ces mouvements du vecteur et que, dans ce cas, une surveillance s’impose. ‘’J’essaie de comprendre pourquoi ces moustiques ne meurent pas et leurs interactions avec les populations’’. Matthew préconise une combinaison des méthodes d’éradication, si l’on veut atteindre l’objectif visé.