L’HISTOIRE DE LA FONDATRICE DE DIONEWAR ET SANGOMAR REVISITEE

A cheval entre Djifère et l’île de Sangomar, Dionewar a vibré au rythme de la première édition des 72h de «Ngodane», les 5, 6 et 7 avril derniers. Une occasion pour les populations locales de revisiter toute l’histoire de cette dame fondatrice de village des îles du Saloum.

Même si par contradiction certains récits historiques racontent la présence de communautés humaines non encore identifiées dans l’île de Dionewar, bien avant la période précoloniale, comme l’atteste la découverte au courant de ces dernières années d’une squelette humaine appelée «l’homme de Dionewar» en plein cœur dans ce périmètre insulaire, les populations de Dionewar, sont toujours persuadées que leur village est fondée par «Ngodane». Situé à cheval entre Djifère et l’île de Sangomar, toujours fidèles à la tradition orale, Dionewar a vibré au rythme de la première édition des 72h de «Ngodane», tenue les 5, 6 et 7 avril derniers. Une occasion pour les populations locales de revisiter toute l’histoire de cette vaillante dame, connue par sa bravoure, sa générosité, mais surtout son génie de pouvoir fonder une collectivité solidaire, travailleuse, hospitalière et dont les membres n’ont qu’un projet commun: celui de réécrire l’histoire de «Ngodane» et faire face au phénomène de l’érosion côtière qui menace en permanence la plupart des îles situées sur les contours de la pointe de Sangomar.

«Ngodane» ! Une femme originaire du Gabou, dans l’actuel Guinée-Bissau qui, sous la menace des nombreuses guerres tribales qui frappaient son royaume à l’époque, s’est exilée vers le Nord, à la conquête d’une terre paisible où elle pouvait vivre, elle et ses enfants, dans une parfaite tranquillité et harmonie. C’était en 1136, au XII siècle; d’autres parlent de 1234, au XIII siècle. Mieux, «Ngodane», telle que son histoire est racontée, n’a pas choisi sa nouvelle terre d’asile au hasard. Car, d’après les récits historiques détenus par la famille «Simala Ngodane», sa famille, l’île lui a été décrite en rêve par le génie protecteur de Sangomar. Celui-ci l’a exhorté d’occuper une terre entourée par la mer et l’a accompagné tout au long de son trajet jusqu’à son arrivée à Sangomar. En ces moments précis, comme c’est d’ailleurs le cas aujourd’hui, Sangomar n’avait pas encore d’occupants, nous dit-on. Elle constituait une île vierge, sans habitants, à part la faune sauvage, la diversité d’espèces végétales et le génie protecteur que, nous dit-on, personne n’arrive à voir à l’œil nu. A part les sages du village.
Les années passèrent alors vite et puisque l’eau se faisait rare dans cet environnement quasi désert, le génie de Sangomar ordonna ainsi à Ngodane de traverser le lit de l’affluent et rejoindre l’autre île d’en face pour se procurer de l’eau. Cette île-là, selon les directives du génie, se distingue par un grand arbre dénommé «Ngane», en Sérère, qui a poussé quelque part dans ses périmètres. Et, plus tard, cette île nouvellement découverte, deviendra le village de Dionewar d’aujourd’hui.
«SANGOMAR», UNE ÎLE MYTHIQUE, SOLITAIRE, TREMPÉE DANS L’OCEAN
Le nom de «Sangomar» renvoie aussitôt au site abritant l’embouchure du Sénégal où le Fleuve «Saloum» se jette à l’Océan. Cette partie de la mer qui est naturellement caractérisée par l’intensité des vents et la furie des eaux qui perturbent régulièrement la navigation d’un sens comme de l’autre. Mais «Sangomar» est aussi le nom de cette île mythique, quasi solitaire où une forêt dense, parsemée de palmerais, baobabs et d’autres espèces végétales, cohabite singulièrement avec une faune enrichie par des oiseaux de toutes espèces, crabes et autres genres de reptiles difficiles à surprendre dans leurs cachettes. C’est en effet dans cette île que les populations de Dionewar ont effectué le pèlerinage aux ancêtres, lors de la 1ère édition des 72h de «Ngodane». Pardon, la visite au génie protecteur de leur village et ses environs.
Contrairement aux autres périmètres insulaires où l’on peut entrer et sortir en toute liberté, la visite à l’île de «Sangomar» nécessite tout un faisceau de dispositions à prendre. Car, à quelques mètres du rivage, les nombreux pèlerins en partance pour l’île ont été briffés: interdiction de prise de vue, de coupe des espèces végétales en pousse, port de vêtements de couleur rougeâtre et surtout éviter toute question relative au site et ses occupants invisibles.
LES POPULATIONS A CHEVAL ENTRE ISLAM ET CROYANCES TRADITIONNELLES
Même si aujourd’hui les populations de Dionewar, dans leur grande majorité, se sont toutes reconverties à l’Islam, il n’en demeure pas moins qu’elles continuent encore de croire fermement à leurs traditions, pour ne pas dire leurs croyances orthodoxes. Ainsi, arrivées dans ce lieu où l’on a trouvé une marre à eau rougeâtre, un puits, une petite mosquée entourée de briques en ciment et une chambrette avec une seule fenêtre rectangulaire, les pèlerins se sont ensuite livrés à un certain nombre de rites: ablution avec l’eau puisée du puits, prières à la mosquée, avant de migrer vers le baobab d’à côté et démarrer, quelques minutes après, de larges discussions internes autour de ce grand arbre enraciné à quelques mètres du logement supposé appartenir à la maîtresse des lieux. Là aussi, tout le monde a prié pour tout ce qu’on pouvait imaginer comme bonheur dans la vie.