Libye : comment le « silence complice » de la France permet à Khalifa Haftar de peser diplomatiquement

Le ministre de l’Intérieur du gouvernement de Fayez-al-Sarraj a accusé la France d’appuyer le maréchal Haftar dans son avancée vers Tripoli, et décidé de suspendre toute relation avec l’Hexagone. Si un appui militaire direct est peu probable, le « silence complice » de Paris permet au maréchal de s’arroger une place diplomatique importante, estime le spécialiste Jalel Harchaoui.

« Tout lien entre le ministère libyen et la partie française, dans le cadre des accords sécuritaires bilatéraux, est suspendu, à cause de la position du gouvernement français soutenant le criminel Haftar. » Pour la première fois, un communiqué de presse, diffusé jeudi 18 avril par le ministre de l’Intérieur du Gouvernement d’entente nationale (GNA), Fathi Bashagha, pointe du doigt Paris et son présumé double jeu en Libye.

Le soutien de la France au maréchal de l’Est libyen est suspecté depuis 2016, quand la mort de trois soldats français à cause de la chute d’un hélicoptère près de Benghazi avait semblé confirmer la présence opérationnelle française. Mais l’Élysée a de nouveau réfuté les accusations du ministère libyen, qu’il considère « complètement infondées », réitérant son soutien officiel au gouvernement reconnu par la communauté internationale, celui de Fayez al-Sarraj.

Depuis le lancement de l’offensive militaire du maréchal Haftar dans l’ouest libyen, des manifestations hostiles à l’homme fort de l’est libyen se succèdent à Tripoli. Sur plusieurs pancartes, on peut lire des accusations contre le gouvernement français, qui serait « le premier complice » des frappes qui ravagent depuis deux semaines la banlieue sud de la capitale.

« La Russie et les États-Unis ne sont pas perçus de la même façon par les Libyens. Concernant la France, qui a d’évidentes responsabilités en Libye, la charge émotionnelle est plus importante », explique Jalel Harchaoui, spécialiste de la Libye et chercheur à l’Institut néerlandais de relations internationales de Clingendael. Mais alors, quelle est la réelle implication française dans le combat politique – et désormais militaire – qui fait rage en Libye ?