L’Institution Sainte Jeanne d’Arc a raison mais le Ministère de l’Education nationale devrait éviter de s’enliser (par Adama Diouf)

Depuis quelque temps une polémique est entretenue à propos de l’interdiction du port du voile à l’école, Institution Sainte Jeanne d’Arc de Dakar. Pour trancher le débat retournons à l’historique et à l’orthodoxie du Règlement intérieur (RI) dans les écoles publiques sénégalaises et même privées. A l’indépendance, toutes les écoles publiques sénégalaises avaient un seul règlement intérieur produit depuis le Ministère de l’éducation sur le modèle français et affiché dans toutes les classes. Il faut rappeler qu’en visite de classe (inspection de maître) il fait obligation au maître d’école de respecter l’affichage réglementaire qui comprend, entre autres éléments, le RI. Ce RI a subi des modifications dans sa philosophie et sa conception suite à la réforme de 1972 ( après les événements de 1968) et de 1981 (après les Etats généraux de l’éducation). Le RI a toujours régi la vie de la communauté éducative à l’école et en fonction des réalités locales. Tous les permis et interdits y étaient mentionnés. Ce RI était lu, pour information, en début d’année lors de la première réunion de rentrée avec les parents d’élèves, ensuite commenté dans toutes les salles de classe; par exemple les heures de rentrée et de sortie, les jours de fêtes, les dates d’ouverture et de fermeture des classe étaient indiquées mais adaptées en fonction des intempéries et du climat de la localité. Et ceci est mentionné dans le RI, partagé et paraphé par l’inspecteur chef de la circonscription. Par exemple Bakel, Kedougou, Tambacounda, Matam, Kaolack, Dakar et Saint Louis avaient, chacun, son propre emploi de temps adapté et validé par un RI.
Donc l’Institution Sainte Jeanne d’Arc, en fonction des réalités du moment (institution éducative mais à audience privée catholique, environnement mondial délétère), s’est dotée d’un RI suffisamment partagé, a le droit de faire respecter ce qui y est mentionné. Les responsables de l’école ont déclaré avoir informé les parents d’élèves, à la fin de l’année 2019, de ces nouvelles dispositions. L’Institution Sainte Jeanne d’Arc est donc bien dans ses droits. Je comprends tout de même l’amertume des élèves et des parents; c’est pourquoi l’école devrait, en parfaite intelligence avec les concernés, trouver un mécanisme de transfert dans d’autres établissements pendant les vacances. C’est même humain d’autant plus que certains de ces élèves ont passé la majorité de leur scolarité à Sainte Jeanne d’Arc.
Quant au MEN, cette question, en vérité, ne le concerne pas. Je me rappelle d’une circulaire datant des années 1980 des ministères de l’éducation de l’époque, Kader Fall reprise par le Pr. Iba Der Thiam, demandant aux chefs d’établissements, sans lui donner un caractère obligatoire, d’instituer la tenue scolaire à l’école. Cette lettre circulaire suggestive était différemment appliquée en fonction des réalités du milieu et des possibilités des parents. Certaines écoles ne l’avaient même pas appliqué. Et il n’y avait pas de préjudice. Les missions du MEN devraient s’orienter basiquement dans l’organisation des enseignements-apprentissages, le respect des programmes du Sénégal et des autres pays en fonction des règles et conventions signées entre le Sénégal et ces pays comme la France (école franco sénégalaise), Angleterre (British concil), États-unis, Allemagne, Espagne, Russie, Portugal etc et ne pas s’immiscer dans ces questions ethnico religieuses. La communauté a toujours la solution de son problème. Comment s’habiller pour aller à l’école devrait être, par essence, de la responsabilité des parents et fondamentalement de la communauté; le MEN restant dans l’obligation de veiller au respect des lois et règlements basiques pour le fonctionnement correct des écoles. Il faut éviter de s’enliser dans des difficultés qui, à première vue, pourraient être évitées. Laissons à chaque acteur ses missions et ses prérogatives au regard des problématiques sociétales que cela charrie. Maintenant que ça “brûle”, des solutions doivent être trouvées et les responsabilités situées. On ne peut rester sans se poser des questionnements. Pourquoi le MEN, depuis l’année dernière, n’a pas mis en place un dispositif pour anticiper et parler aux acteurs sur les prérogatives des uns et des autres? Mais aussi à l’école Sainte Jeanne d’Arc, pourquoi maintenant? Et sans concession? La médiation souhaitée devrait trouver des réponses à ces questions.
Dr Adama Diouf ex Inspecteur d’académie et actuel Président de l’ADS et de l’UAEL.