Nadal: “Je suis resté seul, et j’ai réfléchi…”

Rafael Nadal est heureux d’avoir remporté son douzième Roland-Garros, alors qu’il était il y a quelques semaines en plein doute, en difficulté mentalement et physiquement. C’est à Barcelone que sa saison a basculé.

Rafael, vous avez eu un superbe ratio au filet sur ce match, avec 23 points sur 27 montées…
Normalement, quand je vais au filet, c’est que je suis en bonne position, que j’ai une bonne volée à faire pour finir le point. C’était important, aujourd’hui, de ne pas perdre de terrain contre Thiem. Il est très puissant avec son coup droit. J’ai bien géré la situation. Le premier set a été très dur, très intense. C’était difficile de tenir ce rythme. Le deuxième set, on gagnait nos jeux de service avec confort. Puis j’ai fait un très mauvais jeu, et lui un très bon jeu. Ensuite, je suis allé au vestiaire. J’ai pu penser à ce qu’il se passait, et je suis revenu avec les idées claires.

Vous avez eu une année difficile, avec des blessures, des défaites. Est-ce que cela rend ce 12e titre encore plus satisfaisant?
Il n’y a pas que cette année qui a été difficile, l’année dernière a été difficile aussi, même si elle avait été bonnes en termes de tennis. J’ai dû me retirer à l’US Open, j’ai eu des problèmes au genou en fin d’année, une opération au pied. Cette année aussi j’ai eu des blessures, à Indian Wells, Brisbane, Acapulco. Beaucoup de problèmes en 18 mois. C’est ce qui rend ces dernières semaines vraiment spéciales.

Même durant la saison sur terre battue, il y a eu des moments difficiles…
C’est dur d’avoir plusieurs blessures à la suite. Mentalement, après Indian Wells, j’étais très bas. Physiquement aussi, mais je fais toujours plus attention au côté mental. J’ai perdu de l’énergie. Ma famille a été là pour moi, j’ai été bien entouré. A Monte-Carlo, à Barcelone, je ne prenais pas de plaisir, j’étais trop négatif, je m’inquiétais trop de ma santé. Après le 1er tour à Barcelone (victoire difficile contre Mayer, ndlr), je suis resté seul dans une salle pendant deux heures, et j’ai réfléchi à ce que je devais faire. L’une des possibilités était de faire une pause pour récupérer. L’autre était de changer mon attitude et ma mentalité pour les semaines suivantes. Depuis le match d’après, et jusqu’à aujourd’hui, les choses sont allées mieux de jour en jour. Je n’ai pas trop mal joué à Barcelone. C’était mieux à Madrid, beaucoup mieux à Rome. Et ici j’ai fait un grand tournoi. Faire les choses avec la bonne attitude, avec passion, c’était le seul moyen de revenir là où je suis aujourd’hui. Avoir changé cette dynamique, c’est ce dont je suis le plus satisfait.

Le record de Federer ? C’est la dernière chose à laquelle j’ai pensé
Après son titre à l’Open d’Australie, Novak Djokovic avait dit que rattraper Roger Federer et ses 20 titres en Grand Chelem était son objectif. Avec 18 titres, vous n’avez jamais été aussi proche de Roger…
Je ne pense jamais à ce genre de choses. Vous ne pouvez pas être jaloux du voisin parce qu’il a une plus grande maison, ou une plus grande TV. Ce n’est pas comme ça que je vois la vie. Je fais à ma façon. Je me sens chanceux, avec tout ce qui m’est arrivé. A la fin de ma carrière, si je me rapproche de Roger, ce sera incroyable. Et si ça n’arrive pas, ce sera quand même incroyable. Aujourd’hui, la dernière chose à laquelle j’ai pensé, avant votre question, c’est ça (le record de Federer, ndlr). Roland-Garros, prendre du plaisir sur le court, c’est le principal. Je vais essayer de continuer à jouer à ce niveau, et on verra.

Il y a quelques années, certains disaient qu’avec votre style de jeu physique, vous aurez du mal à avoir une certaine longévité…
Les gens aiment prédire le futur. Moi je ne prétends jamais cela. Donc quand j’entends ces commentaires, je me dis : « OK, peut-être, mais peut-être pas… » Le point positif, c’est que j’ai eu des problèmes, mais j’ai toujours trouvé le moyen de faire mon chemin. Et me voilà, à 33 ans, je prends toujours du plaisir, je joue du bon tennis. On va voir combien de temps j’arriverai à tenir.

Pensez-vous que Thiem a été pénalisé de devoir jouer quatre jours de suite ?
C’est une question pour Dominic. Je ne sais comment il se sentait. (Il réfléchit longuement) Il a 25 ans, c’est ça ? Physiquement, je ne pense pas qu’il était fatigué. Sa routine de veille de match a été modifiée, ça aurait été mieux pour lui d’avoir un jour “off”. Mais il est jeune. Il est très affûté, très bien préparé. Je l’ai trouvé très bien physiquement, je ne pense pas qu’il avait de problème. Il courait beaucoup (rires).