Nucléaire iranien: comment l’Europe peut risposter aux sanctions des Etats-Unis ?

Avec le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien, les entreprises européennes travaillant dans la République islamique sont aujourd’hui directement menacées de sanctions américaines. Comment l’Europe peut-elle les défendre?

L’Europe dispose d’un outil juridique de blocage pour contester des mesures extra territoriales et elle l’a utilisé avec succès il y a un peu plus de vingt ans. C’était déjà face aux Etats-Unis, et déjà au sujet de l’Iran, après le vote au Congrès de la loi Damato interdisant à toute entreprise d’investir en Iran dans le secteur des hydrocarbures. Les Européens menacent alors d’aller jusqu’à l’Organisation mondiale du commerce pour obtenir une exemption pour Total qui s’apprêtait à réaliser un de ces plus beaux contrats en Iran pour exploiter le gaz off shore du gisement de South Pars. La Maison Blanche alors occupée par Bill Clinton a fini par céder. Patrick Pouyanné, le patron de Total, qui a signé l’été dernier un nouveau gros contrat toujours pour exploiter une partie de South Pars demande depuis plusieurs mois aux dirigeants européens de réactiver ce dispositif.

Les Européens ont-ils l’intention de le faire ?

Les services concernés restent vague sur le sujet. Car il faut, disent-ils, d’abord actualiser le texte européen avant de l’appliquer et cela se passe à Bruxelles, dans les services de la représentante de l’Union européenne Federica Mogherini. Et puis il faut que les dirigeants européens, unis pour dénoncer la décision américaine, le soient aussi pour défendre leurs entreprises. D’après l’ancien ambassadeur à Téhéran François Nicoullaud, quand leurs intérêts commerciaux sont en jeu, les Européens  deviennent de véritables « moutons enragés ». Il estime donc tout à fait plausible que cet instrument soit mis en œuvre et qu’il produise son petit effet. Avec beaucoup de réserves car le monde de 2018 n’a plus grand chose à voir avec celui d’il y a 20 ans.

Qu’est-ce qui pourrait faire céder Donald Trump aujourd’hui ?

Sans doute beaucoup, beaucoup, beaucoup de concessions politiques de la part des Européens. Il ne faut pas se leurrer. L’avantage est bien dans le camp américain. Le retour des sanctions, c’est un «levier», le mot a été employé par un conseiller de Donald Trump, pour faire plier et l’Iran et les autres pays impliqués dans l’accord. Total comme les autres entreprises concernées doivent d’abord faire des démarches individuelles pour demander une dérogation, c’est prévu par la règlementation américaine, mais le résultat dépendra d’intenses négociations qui seront purement politiques. Si l’Europe ne donne pas de gages de fermeté à l’égard de l’Iran, difficile d’imaginer qu’elle obtienne quoi que ce soit pour ses entreprises en général et pour Total en particulier, estime l’expert pétrolier Francis Perrin.

Le jeu en vaut-il la chandelle au regard des échanges entre l’Europe et l’Iran ?

Ces échanges ont explosé depuis la signature de l’accord sur le nucléaire. Leur volume total est passé de 7 milliards d’euros en 2015 à 20 milliards en 2017. La France est le troisième partenaire européen de l’Iran derrière l’Italie, et l’Allemagne, le numéro un. Le patron de l’industrie allemande Dieter Kempf affirme que les entreprises de son pays ne sont pas prêtes à renoncer à ce marché où elles ont beaucoup investi. De là à se fâcher avec les Américains, il y a un fossé qui reste infranchissable. Après tout,  l’Iran n’est que le trente-troisième partenaire commercial de l’UE et les Etats-Unis le premier.

►En bref,

Le géant chinois des télécom ZTE a annoncé avoir cessé toutes ces activités sur le sol américain

Pendant sept ans il n’a plus le droit d’importer des composants américains indispensables à sa chaine de fabrication. La survie du groupe est en jeu. Car ZTE a été puni par les Etats-Unis pour avoir commercé avec le Soudan et l’Iran. Un exemple à méditer pour tous ceux qui douteraient de la force de frappe de la loi américaine.

En Chine, le patron d’un tout puissant conglomérat chinois vient d’être condamné pour fraude à 18 ans de prison

Il a détourné l’équivalent de plus de 8 milliards pour renflouer ses propres entreprises. La compagnie d’assurance Anbang, célèbre pour ses acquisitions tous azimuts à l’étranger -c’est elle qui a racheté le Waldorf Astoria, le fameux palace new-yorkais-, est maintenant sous la tutelle de l’Etat.

 

RFI