Nucléaire: pourquoi EPR rime-t-il avec retard?

Après des années de débats, le groupe français EDF a enfin annoncé la fin d’un long feuilleton. La mise à l’arrêt pour 2020 de la doyenne des centrales atomiques françaises, celle de Fessenheim dans le Haut-Rhin. Pendant ce temps, les « EPR », les réacteurs de nouvelle génération qui sont censés prendre le relai des vieux modèles, accumulent les retards. L’EPR de Flamanville en Normandie pourrait ne démarrer au mieux qu’en 2022 soit 10 ans après la date prévue initialement !

Flamanville et Hinkley Point, deux chantiers cauchemardesques dont EDF est le maître d’oeuvre. Ils devaient être une vitrine du savoir-faire français en matière nucléaire, tant du point de vue de la technologie que de la sécurité, huit ans après la catastrophe de Fukishima.

Au lieu de ça, les ennuis s’accumulent. La semaine dernière, EDF a annoncé pour les réacteurs britannique, un « risque de report de livraison » de quinze mois. Quinze mois de retard pour le démarrage de la production électrique. En cause, selon le groupe français, des travaux de terrassement plus compliqués que prévu et un cadre réglementaire local plus contraignant. Le surcoût est estimé à plus de 3 milliards d’euros. Il sera à la charge d’EDF et son partenaire chinois sur le projet. Ce qui n’a pas manqué de faire réagir à Paris où les déboires de l’EPR font perdre sa patience au gouvernement.

Des dérives à la mise en route

L’État, principal actionnaire d’EDF, ne peut pas accepter les dérives « année après année » de la filière nucléaire. Voilà ce qu’a dit Bruno Le Maire le week-end dernier.

Car pendant ce temps, à Flamanville, dans la Manche, l’EPR français, en chantier depuis 2007, lui, ne devrait pas être mis en route avant 2022. Les problèmes s’y accumulent depuis des années. Après les anomalies détectées dans la composition de l’acier de la centrale, ce sont les soudures qui ralentissent désormais le chantier. EDF essaie en ce moment d’y remédier sous le contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme du secteur qui doit valider chaque étape. La procédure pourrait prendre deux ans. Adieu donc la mise en service prévue en 2020 et bonjour la facture salée qui dépasse les 10 milliards d’euros, trois fois plus que prévu.

Des chantiers qui ne rentrent ni dans les temps, ni dans les budgets

Le gouvernement français veut des réponses. Il a diligenté un audit « indépendant » qui doit être mené d’ici la fin du mois pour savoir ce qui est imputable à la mauvaise gestion par EDF.

La question se pose d’autant plus que pendant ce temps, en Chine, le même EPR est déjà opérationnel. En effet, Taishan 2 vient de démarrer, sur la mer de Chine, un an après Taishan 1. Le chantier a pourtant été lancé après Flamanville. Des experts de la filière estiment que côté français, le tissu industriel, sous-traitant compris, a perdu la main. Voilà vingt ans, que la dernière centrale fut construite. en France. Alors qu’en Chine, ce savoir-faire est relativement neuf et se pratique à plein-régime.

En France, surtout, le débat fait rage sur l’avenir du nucléaire et sa place future dans le mix énergétique. Les retards accumulés donnent raison aux partisans des énergies renouvelables pour qui l’atome est non seulement dangereux mais aussi dispendieux. Il faut arrêter les frais clament le camp écologiste.

Le gouvernement français devait initialement trancher d’ici 2021 sur la construction ou non de nouveaux réacteurs pour prendre le relais des anciens qui fournissent les trois quarts de l’électricité nationale. C’est aussi, bien-sûr, de l’avenir d’EDF qu’il s’agit. Le groupe a été chargé de réaliser un dossier sur le paysage futur du nucléaire. Mais l’exécutif devait surtout se décider en fonction du sort de Flamanville. Vu le retard pris, ce sera pour 2022. La décision devrait donc être prise par le prochain gouvernement.

rfi