PORTRAIT : LE SELF MADE MAN, AMETH AMAR RACONTE TOUTE L’HISTOIRE DE NMA SANDERS

Dans une entrevue accordée au magazine Financial Afrik, le président directeur général de NMA Sanders revient sur son parcours et dresse les perspectives de son groupe. Self made man, Ameth Amar incarne le renouveau industriel du Sénégal. Son entreprise, Nma Sanders, qui a racheté les Moulins Sentenac, joue les premiers rôles dans son secteur d’activité.

Pouvez-vous revenir sur l’histoire de NMA Sanders et les grandes étapes de son développement ?

NMA est une belle histoire qui a démarré en 1999. Elle est née de l’initiative d’un jeune entrepreneur qui, après des études en comptabilité et des expériences diverses, notamment dans le transport et la logistique, a décidé d’investir dans la minoterie. Un secteur qui était à l’époque le domaine réservé de deux mastodontes de l’industrie sénégalaise, les Grands Moulins de Dakar, propriété du groupe Mimran et premier groupe agro-alimentaire du Sénégal et les Moulins Sentenac, première minoterie de de l’Afrique de l’Ouest. Les débuts furent extrêmement difficiles car beaucoup de nos partenaires d’aujourd’hui, notamment du secteur bancaire, ne croyaient pas en notre projet. Mais au pessimisme de ces derniers, nous avons opposé l’optimisme de la volonté.
Parti d’un investissement initial d’un milliard de FCFA, dont 80 % sur fonds propres, NMA a réalisé dès la première année un chiffre d’affaires d’un milliard 500 millions de FCFA ; chiffre d’affaires qui a été porté à 32 milliards de FCFA 10 ans après. Aujourd’hui, en 2018, le chiffres d’affaires s’élève à 75 milliards de FCFA avec des investissements cumulés de près 25 milliards de FCFA en 18 ans, investissements parmi lesquels nous pouvons citer l’acquisition en 2015 des Moulins Sentenac, concurrent historique de l’entreprise. NMA, c’est désormais 3 grandes unités de production de farine, pâtes alimentaires et aliments de bétail et de volaille, près d’un demi millier d’emplois directs et indirects, un parc automobile d’une trentaine de camions et des produits de qualité (KHONTE, FERLO, SUPER LADOUM, TENOR LADOUM, PASTAMI…) prisés par les éleveurs et les populations du Sénégal.

Ce succès, nous le mettons en premier lieu à l’actif de nos clients éleveurs, boulangers jusqu’au client lambda. Ce sont eux qui ont porté haut le flambeau de la NMA et tout le mérite de notre réussite leur revient. Il a notamment été possible parce que, dès le départ, nous avons fait le choix de la qualité, en investissant dans une équipe, certes jeune, mais dont la compétence était avérée ainsi que sur un outil industriel de dernière génération (BUHLER, FAVA…). C’est ce qui a permis de mettre à la disposition du commun des sénégalais des produits de qualité à un prix accessible. Un autre choix déterminant a été de réinvestir systématiquement les bénéfices engrangés et de ne jamais concurrencer nos clients.

Quelles sont les difficultés que rencontre le secteur de l’agroalimentaire au Sénégal ?

L’État du Sénégal a lancé dans le cadre du Plan Sénégal Émergent de grands chantiers et de nombreuses réformes qui ont permis de faire évoluer favorablement l’environnement des affaires, avec une croissance attendue du PIB de 7,2 % pour 2018. Grâce à la réussite de la première phase du PSE, le gouvernement du Sénégal a pu obtenir récemment auprès du Club de Paris des promesses de financement pour la deuxième de phase du plan plus de 7 000 milliards de FCFA. Nous pensons donc que les conditions sont désormais réunies pour que les solutions idoines soient apportées aux difficultés du secteur agroalimentaires.
Ces difficultés portent principalement sur l’invasion du marché par des produits alimentaires importés, qui, pour la plupart, sont subventionnés par les pays exportateurs et, qui plus est, ne paient pas de droits de porte. Ces importations qui ont connu ces dernières années un niveau jamais égalé en dépit de l’entrée en vigueur du TEC CEDEAO mettent sérieusement en péril la survie de nombreuses industries du secteur. Une autre difficulté est la forte congestion du port de Dakar qui a pour conséquence le surenchérissement du coût d’achat de nos matières premières et, conséquemment, de nos coûts de revient. Il faut également relever la forte pression que nous subissons à travers l’instauration d’une pléthore de nouvelles taxes sur l’année 2018 dont la hausse des droits d’accises applicables aux corps gras alimentaire et l’augmentation, depuis le 1er octobre 2018, des redevances portuaires..

La ZLECA est perçue comme un signe d’espoir pour les uns, une crainte pour les autres. Pensez-vous que ce futur marché africain aura un impact positif ou non sur l’agroalimentaire et l’industrie en général ?

La mise en œuvre de ce grand projet africain devrait se traduire par la constitution d’un marché unique de plus d’un milliard deux cents millions de consommateurs et un PIB de plus de 3.000 milliards de dollars et devrait permettre d’augmenter de près de 60% le commerce intra-africain à l’horizon 2022. Seulement, il faut noter que près de 10 mois après la signature de l’accord beaucoup de pays ne l’ont pas encore ratifié. C’est dire toute la méfiance que suscite auprès des milieux économiques et syndicaux cet accord, même dans les grands pays d’Afrique comme le Nigéria ou l’Algérie. Comme de nombreux opérateurs économiques, avec l’entrée en vigueur de la ZLECA, nous éprouvons beaucoup de crainte pour l’avenir de l’industrie en général et de l’agro-alimentaire en particulier pour un petit pays comme le Sénégal.
En effet, comme indiqué plus haut, notre industrie locale est déjà fortement fragilisée par un environnement des affaires très hostile malgré les évolutions positives constatées ces dernières années. Il en résulte que beaucoup de nos pays ne disposent pas d’industrie suffisamment forte pour pouvoir compétir équitablement à l’échelle du continent. Le cas échéant, l’Union Africaine devra mettre en place des mesures d’accompagnement fortes pour la plupart des états et prévoir une période transitoire pour permettre la mise à niveau des industries des différents pays.

Le protectionnisme bat son plein entre les grandes économies. L’Afrique doit-elle continuer à ouvrir ses marchés ou prôner une sorte de réciprocité ?

L’agressivité des pays émergents tels que la Chine, la Russie, le Brésil ou encore la Turquie ont poussé les grandes économies mondiales à revenir au protectionnisme pour protéger leurs industries et préserver les emplois. Leur puissance financière et leur haut niveau de technicité n’ont pas suffit à les protéger de la vélocité et de la faiblesse du coût des produits issus des pays émergents. Que dire alors de nos pays d’Afrique dont les économies si situent à des années lumières de celles des pays concernés. Nous sommes donc d’avis que l’Afrique doit appliquer la réciprocité.
Quelle est la feuille de route de NMA Sanders à moyen terme ?
Notre feuille de route est de consolider nos acquis sur le marché local et devenir un champion sous régional dans les 5 ans.