Pourquoi les dirigeants populistes veulent reprendre le contrôle des banques centrales

En Turquie, le président Erdogan a limogé le gouverneur de la banque centrale ce week-end. Tandis qu’aux États-Unis, Donald Trump multiplie les tweets injurieux contre le patron de la Réserve fédérale des États-Unis (Fed). Pourquoi l’indépendance dont jouissent ces grands argentiers est-elle aujourd’hui remise en cause ?

Il y a quelques mois encore la plupart de ces hommes étaient vénérés comme les grands prêtres du capitalisme mondial. Une aura acquise après la crise financière de 2008 quand certains d’entre eux, à Washington, à Londres et à Francfort, ont réussi à restaurer la confiance, quitte à employer des méthodes de politique monétaire pas très orthodoxes.

Or aujourd’hui certains d’entre eux sont ouvertement remis en cause. Mais pas n’importe où. De préférence dans les pays dirigés par des élus populistes, voire nationalistes. C’est le cas en Turquie, c’est le cas en Inde où Narendra Modi une fois réélu s’est débarrassé en catimini d’un gouverneur gênant, et c’est le cas aux États-Unis où Donald Trump ce week-end encore ne s’est pas privé de tirer à boulets rouges sur Jerome Powel, le président de la Fed qu’il a pourtant eu le choix de nommer librement à ce poste.

Qu’est-ce qu’on reproche à ces grands argentiers ?

En clair ils font trop bien leur métier ; ils préfèrent s’en tenir au mandat fixé par la loi de leur pays, en général leur objectif numéro un est de contrôler l’inflation, en toute indépendance, plutôt que de céder aux ordres des gouvernants. Le cas de la Turquie est le plus explicite : Recep Erdogan dit clairement qu’il veut des taux bas (ils sont aujourd’hui à 24 %) pour relancer l’économie. Il est le seul à affirmer que la baisse des taux est le meilleur moyen de lutter contre l’inflation, une théorie fumeuse pour à peu près tous les économistes, en général c’est l’inverse qui se vérifie.

En Inde, le gouvernement de Narendra Modi doit lui aussi faire face au ralentissement de l’économie et il aimerait bien 1 puiser dans les réserves de la banque centrale pour financer son déficit, et 2 que la baisse des taux aille un peu plus vite, là aussi pour doper la reprise. Des injonctions qui ont fait partir le gouverneur il y a 6 mois et qui ont provoqué il y a quelques jours le départ d’un autre membre du conseil des gouverneurs.

Pour Donald Trump la Fed est devenue le problème de l’économie américaine. « Si la Fed baissait les taux d’intérêt, nous serions comme une fusée » tweete le président, lui aussi veut à tout prix une activité vrombissante. Ces trois dirigeants prompts à tirer les ficelles de leur banque centrale cherchent d’abord à créer l’illusion d’une amélioration de la situation, pour des raisons électorales patentes pour un Erdogan fragilisé par l’élection d’un opposant à Istanbul et pour Trump qui prépare sa réélection. Modi lui a besoin de soigner son image de champion de la croissance, c’est sur ce thème qu’il a été réélu, mais le chômage et l’inflation qui explosent mettent à mal sa réputation de gestionnaire.

Quelles peuvent être les conséquences économiques de ces mises au pas ?

Dans le cas de la Turquie, le contre coup est déjà sensible. Ce matin dans les premiers échanges numériques avant l’ouverture des marchés, la livre turque a perdu 2 % de sa valeur, accentuant son décrochage qui est de 40 % depuis le début de l’année. La suite de l’histoire est connue : plus la monnaie dégringole plus l’inflation va flamber et tous ceux qui ont emprunté en dollar, une situation très courante en Turquie, auront alors encore plus de mal pour rembourser. À moins que le nouveau gouverneur ne reprenne son indépendance et renonce à baisser les taux trop rapidement, la situation économique de la Turquie pourrait très vite se dégrader.

Aux États-Unis, les marchés attendent fébrilement la décision de la Fed à la fin du mois, sachant que les bonnes nouvelles sur le front de l’emploi devraient l’inciter à la plus grande prudence. Une réserve fédérale aux ordres de la maison blanche pourrait être positive à court terme pour l’économie américaine, mais cela éroderait durablement la confiance des investisseurs dans la devise américaine.

En Bref,

La compagnie saoudienne flyadeal annule la commande de 50 « 737 MAX » passée avec Boeing

La filiale lowcost de la compagnie nationale Saudia va acheter à la place des Airbus A320neo. C’est le premier gros revers commercial pour le constructeur américain depuis l’immobilisation forcée de son appareil.

La Deutsche Bank, la première banque allemande, prévoit la suppression de 18 000 emplois d’ici trois ans et un recentrage sur son cœur de métier

C’est un traitement de cheval que la banque en difficulté constante depuis la crise financière de 2008 a fini par s’auto administrer. Elle doit renoncer à ces rêves de grandeur : la branche banque d’investissement qui lui permettait de rivaliser avec les géants américains va fermer, la Française BNP Paribas pourrait récupérer certains de ces actifs ainsi que du personnel.

 

Rfi