Que faut-il attendre de l’audition de Zuckerberg devant le Congrès américain?

Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, sera entendu ce mardi 10 avril 2018 et le lendemain par le Congrès américain. Une première, puisqu’il avait refusé de le faire au sujet de l’ingérence russe dans l’élection présidentielle. C’est l’affaire Cambridge Analytica qui l’y pousse. Cette audition risque cependant d’accoucher d’une souris.

C’est en 2014 que débute la pire crise jamais connue par Facebook. GSR, une société britannique, décide cette année-là de se lancer dans le profilage politique. L’idée est de récupérer un maximum d’informations sur des personnes, pour ensuite déterminer quelles sont leurs orientations politiques.

Pour y parvenir, GSR va utiliser Facebook et ses 2 milliards d’utilisateurs. Une application est lancée sur le réseau social. Comme souvent, les internautes qui l’installent autorisent alors la captation des données de leur profil, comme leur âge, leur adresse mail, le contenu qu’ils ont aimé… Mais également celles de leurs amis.

Cette pratique est tolérée par Facebook. Ce qui ne l’est pas, en revanche, c’est de revendre ces informations. C’est pourtant ce que fait GSR, même si l’entreprise s’en défend : les données de 87 millions d’usagers de Facebook sont vendues à une autre société, Cambridge Analyctica.

« Nous ne nous sommes pas suffisamment consacrés à éviter les abus »

Un an après, Facebook a vent de cette opération et demande à Cambridge Analyctica de tout supprimer. Mais le réseau social ne s’en assure pas, et de fait, rien n’est effacé. Ces données auraient même été utilisées lors des campagnes de Donald Trump et du Brexit, en permettant de proposer aux internautes de la publicité ciblée, en se basant sur les informations recueillies par eux.

L’affaire éclate il y a un peu moins d’un mois, quand un ancien de Cambridge Analyctica révèle tout. Un coup dur pour Facebook, et un scandale énorme en perspective. Chose rare, le numéro un de Facebook Mark Zuckerberg est alors contraint de s’exprimer. Des aveux sous forme de mea culpa.

« Nous ne nous sommes pas suffisamment consacrés à éviter les abus et à se demander comment empêcher certaines personnes d’utiliser Facebook à de mauvaises fins. C’était une énorme erreur, c’était mon erreur », dit-il. Le patron du réseau social prend donc sur lui et assume toute l’affaire. Un discours de pénitence qu’il devrait répéter devant les parlementaires américains.

« Donner des garanties avant que le couperet de la régulation tombe »

Mark Zuckerberg devrait également annoncer les mesures prises par son entreprise pour qu’une telle histoire ne se reproduise pas. Facebook a en effet sérieusement serré la vis sur l’accès aux données de ses utilisateurs. Chose rare, cela a été fait sans préavis, alors que le réseau laisse d’habitude quelques mois aux entreprises qui gravitent autour de lui pour s’organiser.

« Mark Zuckerberg veut montrer qu’il n’y a pas besoin de régulation, que l’autorégulation suffit, explique Guénael Pépin, journaliste à NextINpact. Ces derniers jours, Facebook a tout fait pour prouver qu’ils avaient compris leurs erreurs, que les dix années passées à ouvrir toutes les portes sur les données, sans s’occuper de ce qui leur arrivait, est une époque révolue. »

Selon notre confrère, il lui faut « donner des garanties avant que le couperet de la régulation tombe ». Cela sera-t-il suffisant pour convaincre le Congrès ? Rien n’est moins sûr. Certes, de plus en plus de voix appellent à une régulation. Mais elles sont encore plus nombreuses à estimer que cela serait préjudiciable pour les performances économiques d’un champion américain.

Il est désormais loin le temps de l’étudiant de Harvard en claquettes et t-shirt

Le couperet va en revanche tomber en Europe. Le Règlement général de la protection des données (RGPD) va en effet entrer en vigueur le 25 mai. Il impose aux sociétés d’obtenir un consentement de leurs utilisateurs avant de collecter leurs données, sous peine de lourdes amendes.

Mark Zuckerberg devrait également être interrogé sur un autre dossier : celui de l’ingérence russe lors de campagne de Donald Trump durant l’élection présidentielle américaine de 2016. Dans le viseur, l’IRA, l’agence de recherche sur Internet, considérée comme un organe de propagande russe qui a multiplié les faux comptes sur Facebook pour influencer l’opinion publique.

Là aussi, la réponse du patron de Facebook est déjà prête : « Depuis que nous avons pris connaissance de ces activités, nous avons tout fait pour les empêcher et protéger l’intégrité des scrutins tout autour du monde. » Dont acte. Mais il est désormais loin le temps de l’étudiant de Harvard en claquettes et t-shirt.

Mark Zuckerberg est désormais auditionné devant le Congrès, doit répondre de la sincérité des élections autour du monde ; on lui reproche de ne pas faire assez dans la lutte contre le terrorisme. Facebook semble avoir désormais des responsabilités équivalentes à celles d’un Etat. A ce titre, l’audition de son chef vaudra tout de même le détour.

rfi