Quiproquo électoral : Les chiffres de la discorde…

Acquittés de leur devoir citoyen ce dimanche 24 février, les Sénégalais auront longtemps souvenance de cette date, surtout si le président sortant venait à perdre le pouvoir au profit de ses deux plus sérieux challengers, Idrissa Seck ou Ousmane Sonko, lesquels opposants unissent leur voix pour un second tour inévitable. Une première aussi dans l’histoire politique du Sénégal qui verrait un président sortir après un seul mandat.

Chat échaudé craint l’eau froide, dit-on. Candidat arrivé au pouvoir par le second tour, serait-on tenté de dire, craindrait aussi d’y replonger. Et sous nos tropiques, la principale crainte du régime sortant, en ce contexte électoral, est d’aller à ce second tour.

Macky Sall ne voudrait pas vivre l’expérience qui avait perdu deux de ses prédécesseurs, en l’occurrence, Abdou Diouf en 2000 et Abdoulaye Wade en 2012. Là résiderait la propension depuis quelques années, à préparer l’opinion et les esprits à une victoire de Macky Sall au premier tour, avec une majorité qui tant soit peu, l’absoudrait du spectre de ce tour deuxième, synonyme de victoire de l’opposition, les Sénégalais sachant chasser du pouvoir, quand ils veulent?

Aussi de 52, 55, à 60%, en passant par 57%, les présages des tenants du pouvoir ont-ils rythmé la précampagne, la campagne électorale et maintenant, le vote du 24 février, dont on attend les résultats et qui divisent la population sénégalaise, chacun brandissant le score qui satisfasse ses desiderata. Le hic est que dans cette bataille des chiffres, le référentiel sur lequel on s’adosse, militant de l’opposition ou du pouvoir, vicie les arguments et fausse les projections. Ce qui rend impératif une expertise électorale pour normer les concepts et recadrer les positions.

Senego s’intéresse à cette bataille des chiffres où chaque candidat, par lieutenants interposés, spécule qui, sur sa victoire dès le premier tour qui, sur l’impératif d’un second tour. Brouillant ainsi nombre de Sénégalais qui, pour une première, n’auront claire conscience des résultats de leur vote ou des fortes tendances, le soir même du scrutin. Recul démocratique, diront certains. Voyons voir !

Avis d’expert

Senego a requis l’expertise d’une voix autorisée en la personne de Issa Sall, président du comité de suivi du fichier électoral et membre de la Cena. « Si le président sortant, parce que c’est lui le mieux placé, a plus de 50%, il sort au premier tour… S’il a moins de 50%, il a 49,… (virgule), automatiquement, il y aura un second tour entre les deux candidats les mieux placés« , campe M. Sall.

Pour notre gouverne, une élection, c’est au niveau des bureaux de vote où sont présents, outre les membres, les représentants de chaque candidat et de la Cena qui, à la fin du scrutin, décomptent des voies, avant tous signent un Pv, une fois d’accord sur les chiffres. Affichés à la porte de chaque bureau de vote. Ces résultats relayés par les journalistes dans les radios, télévisions, entre autres voies de presse, établiront, cumulés, les premières tendances.

De plus, un convoi composé du représentant de la Cena et ceux des partis le souhaitant, ramasse les Pv pour les acheminer aux différentes commissions départementales présidées par trois (3) magistrats. A ce niveau aussi, les candidats et la Cena sont représentés… A partir de là, on procède aussi au décompte de tous les Pv. « On calcule. On additionne seulement. Là-bas, il n’y a pas de soustraction« , précise notre interlocuteur qui rappelle que par la suite, chaque représentant a le droit de dire s’il est d’accord ou pas sur les calculs…

Entre autres procédures jusqu’à l’acheminement des Pv de chaque département à Dakar, à la Cour d’Appel, où le premier président de la Cour d’Appel préside la Commission nationale de recensement des votes. Ici aussi, chaque candidat a un représentant plus celui de la Cena et trois magistrats. Et devant tout le monde, on prend les Pv de chaque département, une enveloppe cacheté avant de lire son contenu. « Donc les représentants des candidats ont le PV de chaque département…« , poursuit M. Issa Sall.

C’est ainsi qu’on procède pour chaque département, soit les 45, avant de faire une addition de chaque département « et on dit à chacun voici ce que tu as. On te remet un Pv et on te demande de le signer. Si ces derniers ont une remarque à faire, ils le mettent sur le Pv que le Président de la Cour d’appel lira. Ce sont là des résultats provisoires… » , précise M. Sall. C’est par la suite que ce Pv sera transmis au Conseil constitutionnel… Et si les candidats ont des remarques à faire, c’est au niveau du Conseil constitutionnel qu’ils le font.

Ce qui est déterminant, c’est la majorité absolue. « Ce qu’on appelle la majorité absolue, c’est 50,001% (…) Il faut aussi que les 4 autres candidats, si on additionne leur résultat, aient plus de 50% pour que Macky soit au second tour. Si Macky Sall a plus de 50% des résultats, il passe au premier tour. Donc, s’il a 49% seulement, c’est sûr qu’il passe au second tour. Même si les résultats additionnés de l’opposition sont estimés à 49,99999%, si Macky a plus de 50% des résultats, il passe au premier tour« , insiste M. Sall  qui persiste que même si Macky Sall devance les opposants d’une seule voix, il s’assure le premier tour.

In fine, l’expert électoral de dire : « Il faut qu’on se calme, une élection, ce n’est pas la fin du monde. Les Sénégalais ont voté tranquillement, sans problème. Il faut que les candidats soient dans la même disposition que les citoyens qui ont voté pour eux…«