RDC: les politiques réagissent à l’appel de la SADC pour un gouvernement d’union

C’est un communiqué qui a surpris plus d’un observateur, à la tonalité très différente de ceux auxquels la SADC nous avait habitués. Le président de la Communauté de développement d’Afrique australe appelle à un gouvernement d’union nationale en RDC pour restaurer la confiance. Comment réagit-on à Kinshasa ?

Du côté de la coalition du président Kabila, on accueille ce communiqué avec scepticisme. « Nous sommes toujours en train de vérifier » son « authenticité », expliquait dimanche soir Kodjo Ndukuma, l’un des porte-parole du FCC. Notant que le document était signé par le conseiller aux relations publiques du président zambien plutôt que par la Namibie, actuellement à la tête de la SADC.

Sur le fond, le porte-parole répond tout de même que le contentieux électoral est du ressort de la Cour constitutionnelle, une cour, précise-t-il, sur laquelle « ni les coalitions politiques ni les autorités étrangères ne devraient appliquer une quelconque injonction ».

Tonalité tout autre du côté de la coalition Lamuka. Sur son compte twitter Martin Fayulu, « remercie »  la SADC d’avoir demandé un « recomptage » de voix afin que soit proclamé président « celui qui a véritablement gagné ». Le candidat malheureux estime qu’il « serait dangereux de ne pas soutenir le processus démocratique en RDC ». Il ne se prononce pas clairement sur l’hypothèse d’un gouvernement d’union nationale. Mais Eve Bazaiba sa porte-parole durant la campagne précise : « Ce que nous voulons c’est uniquement la vérité des urnes ».

Pas de réaction en revanche dimanche soir du côté de la coalition Cach de Félix Tshisekedi qui se fait discret depuis que la Céni a annoncé sa victoire.

Autre réaction celle de la Lucha. Fred Bauma, l’un des fondateurs du mouvement citoyen, juge qu’il est « important que la SADC » demande « un recomptage des voix » afin que  « la vérité des urnes soit rétablie ». Sans cela, estime Fred Bauma « toute démarche sera illégitime et maintiendra l’instabilité actuelle ». Il estime en revanche « que les gouvernements d’union nationale n’ont jamais été une solution en RDC » et n’ont jamais « rien résolu » ni en termes de légitimité du pouvoir, ni en termes de résolution des problèmes économiques, sociaux et politiques du pays.

Les demandes qui ont été faites par la SADC sont assez contradictoires…
Analyse de Stéphanie Wolters, de l’Institut pour les études de sécurité de Pretoria en Afrique du Sud.

 

Les inquiétudes de la CIRGL

La Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) a à son tour exprimé sa « vive préoccupation » dimanche soir à propos de la situation en RDC et exhorte les autorités à apporter plus d’ « éclairage sur tous les éléments de doute pouvant jeter le discrédit sur le processus électoral ». Des prises de position inhabituelles dans la sous-région.

Changement de tonalité dans la sous-région. Plutôt conciliantes après l’annonce des résultats de la présidentielle et la promesse d’alternance à la tête du pays, la SADC et la CIRGL ne cachent plus aujourd’hui leur inquiétude face à la tournure que prend le processus électoral, et unissent leurs voix pour lancer aux autorités congolaises un appel à la formation d’un gouvernement d’ « union nationale » mais aussi – et c’est inhabituel – suggérer  un « recomptage des voix » qui permettrait de « rassurer gagnants et perdants ».

Une demande inédite au sein de la SADC, souligne la chercheuse Stéphanie Wolters, qui émet cependant des doutes sur la faisabilité de ces recommandations.

Comment expliquer ce virage ? Dans son communiqué, la CIRGL s’inquiète des « contestations » qui se multiplient depuis la proclamation des résultats des législatives et sont selon elle de « nature à compromettre les efforts fournis ».

La SADC parle même d’un « danger pour la paix et la stabilité du pays ». Mais ce qui irrite surtout dans la région, c’est la perspective qui se dessine d’un président élu aux pouvoirs finalement limités face à la coalition du président Kabila. « A quoi bon un nouveau président aux affaires s’il n’a pas les leviers du pouvoir », s’interroge un diplomate de la région qui redoute que Félix Tshisekedi ne soit réduit « à devenir un président protocolaire, lui dont le père symbolise le combat pour la démocratie en RDC ».

 

 

Rfi