RDC: l’inquiétante dégradation de la situation sécuritaire dans le Nord-Kivu

Exécutions sommaires, tortures, viols, travail forcé… Un rapport de l’ONU, fruit d’une enquête menée entre janvier 2017 et octobre 2018 et publié mercredi 19 décembre, rapporte des centaines de violations des droits humains dans cette province du nord-est et particulièrement dans les territoires de Masisi et Lubero. La multiplication des groupes armés et les conflits interethniques sont les principales sources d’instabilité, explique le document.

Le directeur du bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme en RDC, Abdoulaziz Thioye, s’inquiète de la détérioration de la situation dans la province orientale du Nord-Kivu. « Plus du tiers des violations que nous avons documentées sur l’ensemble du territoire de la République démocratique du Congo l’ont été dans le Nord-Kivu. Nous y recensons notamment 9% des victimes d’exécution extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et 25% des victimes des violences sexuelles », explique le dirigeant.

Les rédacteurs du rapport se sont intéressés au territoire de Masisi et de Lubero « très illustratifs des relations complexes et changeantes entre les groupes armés », selon eux. « La situation est alarmante depuis de très nombreuses années » poursuit Abdoulaziz Thioye, et elle « favorise un environnement propice à la commission de violation et atteinte aux droits de l’homme dans la population civile, dont les femmes et les enfants sont les premières victimes. A l’allure où vont les choses, on ne voit pas du tout la situation s’améliorer dans les mois et les semaines qui viennent. »

Les faits, hélas, confirment les craintes du cadre onusien. Dernier fait majeur en date, l’attaque signalée à Beni dans la nuit de samedi à dimanche, dans le quartier de Masiani. La ville est à nouveau endeuillée après l’irruption d’hommes armés, présumés ADF. Le bilan provisoire fait état de cinq personnes tuées par balles, et trois portées disparues.

Violences ethniques et des intérêts économiques

Kizito Bin Hangi, président de la société civile de Beni, s’inquiète de ces violences à une semaine des élections : « Maintenant, les gens ont peur, les gens craignent d’être massacrés les jours de vote. Nous sommes en train de nous demander : est-ce que réellement les élections à Beni vont se dérouler en toute quiétude. Nous venons d’avoir presque deux semaines d’accalmie dans la ville, et cette accalmie a vraiment donné espoir aux gens que peut-être la sécurité va être garantie. C’est comme ça que tout le monde s’attendait à aller au vote et avec l’espoir que l’ennemi ne va pas venir. Avec maintenant cette attaque, ça a mis tout le monde dans la peur en se disant, est-ce que le 30 décembre ne sera comme la nuit du 23 décembre ».

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Cette nouvelle attaque meurtrière à Beni, dans la même province n’est que la dernière en date d’une longue série.

Les raisons de ces violences dans cette province sont avant tout communautaires, mais pas seulement, reprend Abdoulaziz Thioye : « Les confrontations se font avec d’autres groupes sur la base effectivement des intérêts communautaires ou des intérêts ethniques. Donc c’est carrément dans un contexte de conflits interethniques, avec aussi une sorte d’insurrection contre l’autorité de l’Etat dans le territoire. Il y a très peu de présence de l’Etat. Vous avez certains territoires qui sont carrément sous la coupe réglée de certains groupes armés, où l’on note une présence pratiquement inexistante ou simplement très limitée de certains services, ce qui véritablement laisse libre cours à ces groupes-là. C’est sur des intérêts ethniques, mais également des intérêts économiques. N’oubliez pas que nous parlons de territoires où les ressources naturelles sont assez importantes et l’exploitation autour de ces ressources, où des conflits – il y a l’accès à la terre, ou à d’autres types de ressources -, font effectivement les lits de l’activisme de certains groupes armés. »

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