Rétro politique : 2018, année de transhumance et de procès «politiques»

L’année 2018 a été fortement marquée par une sphère politique bouillonnante en permanence. Etant une année préélectorale, à cause de l’élection présidentielle en vue, 2018 a vu se tisser et se dénouer des alliances les plus inattendues. De la condamnation de Khalifa Sall à la sortie récente et inédite de Karim Wade en passant par les nombreuses transhumances, cette année finissante aura été une étape décisive pour la vie et la survie des hommes politiques sénégalais.

Année de la transhumance politique

Année de la transhumance ! Beaucoup d’anciens libéraux, et chefs de partis de surcroît, n’ont pas attendu la période électorale pour rejoindre la mouvance présidentielle. Même si depuis 2014 le pouvoir en place avait commencé à perpétuer une pratique que le candidat Macky Sall fustigeait, la transhumance politique a atteint son apogée en 2018. La raison est simple : le président veut se doter un second mandat, quitte à renier ses convictions. Ainsi les plus proches du président Wade ont fini par retrouver leur ancien premier ministre, avec parfois des arguments tirés des cheveux. Les transhumances les plus spectaculaires, médiatisées et surprenantes demeurent celles de Souleymane Ndéné Ndiaye (qui proposait qu’on fusille les transhumants), Modou Diagne Fada (en juillet), le maire de Ziguinchor Abdoulaye Baldé (en Novembre) et le maire des parcelles assainies Moussa Sy (début Octobre) pour ne citer que ceux-là.

En face de ce peuple de transhumants se dresse un autre, de plus en plus convaincu que la solution n’est pas avec Macky Sall. Ce peuple-là paie pour sa détermination, son sens de la loyauté et ses convictions. Très jeunes, ces politiciens d’un autre ordre et qui ont comme leader Khalifa Ababacar Sall en ont vu des vertes et des pas mûres en 2018. D’abord la condamnation à 5 ans ferme de l’ancien maire de Dakar (le 30 mars), ensuite l’arrestation de Barthélémy Diaz le même jour pour outrage à magistrats qui lui vaudra 6 mois de prison, sans oublier la révocation du maire himself survenue par décret le 31 Août mettant ainsi fin à ses fonctions de premier magistrat de la ville de Dakar. Un mois après, le 29 septembre exactement, Soham El Wardini, une fidèle camarade de Khalifa Sall est portée à la tête de la commune. Comme on peut s’y attendre, toutes ces décisions politico-judiciaire n’ont fait qu’augmenter la tension qui existait déjà entre acteurs politiques. Dans la rue comme dans les représentations, mairies ou assemblée, on aura surfé sur des vagues très agitées en 2018.

Le parrainage, son vote et ses dégâts collatéraux

Sur le plan électoral, un consensus n’a jamais été obtenu pour envisager la modification du code électoral. Au contraire, se servant de sa majorité mécanique à l’hémicycle, la majorité présidentielle fera passer la loi sur le parrainage le 19 Avril, mettant ainsi fin aux ambitions de nombre de sénégalais qui voudraient être en lice pour l’élection de 2019. Des invectives, empoignades et injures ont accompagné le passage du projet de loi devant les députés ainsi que des manifestations de rue réprimées par la police. Le leader de REWMI, Idrissa Seck, dut passer toute la journée du 19 Avril en « mode veille » au commissariat central de Dakar.

Votée dans la douleur, la loi sur le parrainage intégral aura raison des candidats à la candidature qui ont fini par jeter l’éponge : Maitre Mame Adama Gueye, le capitaine Mamadou Dieye, Thierno Bocoum et bien d’autres qui ne réussiront pas à surmonter cette montagne. Comme dégâts collatéraux, on peut citer l’exclusion de l’ancien président du groupe parlementaire libéral Madické Niang pour avoir osé déclarer sa candidature. Après que Maitre Abdoulaye Wade a demandé son exclusion du PDS, le mois d’octobre, Madické démissionnera lui-même le 5 octobre 2018.

La pêche aux parrains terminée, le conseil constitutionnel fixa l’ouverture du dépôt des dossiers au 11 décembre. Là aussi, au nom de l’ordre de passage, par ailleurs très déterminant pour les futurs candidats, la presse a relaté des scènes de bagarre et d’insultes indignes d’une classe qui aspire à diriger un pays. Après avoir renoncé à sa candidature, maître Mame Adama Gueye porte un autre combat, celui de la sécurisation des élections. Il rencontre toutes les forces de l’opposition et leur soumet son projet qui rejoint d’office les attentes de ses interlocuteurs. Ainsi au terme de ces rencontres, la Plateforme Opérationnelle pour la Sécurisation des Elections (POSE) est mise sur pied le jeudi 13 décembre.

La communication, le buzz et le « bad buzz »

2018 a aussi été une année de « buzz » et de « bad buzz » chez les politiciens. Nombreux ont eu à défrayer la chronique mais les plus intéressantes furent les gaffes d’Idrissa Seck sur la question hautement sensible de « Bakka » ou « Makka » et les dérapages de Macky Sall sur les desserts servis aux tirailleurs, tous deux survenus le mois de Mai dernier. Pour s’être promené sur des terrains qu’ils n’ont pas bien maîtrisés, Idy et Macky ont attiré respectivement la foudre des religieux et les moqueries du peuple pendant une bonne quinzaine de jours.

Plus chanceux fut le jeune patriote, Ousmane Sonko, dont le livre « Solutions » a eu un succès retentissant dès sa présentation au public le 16 septembre. Le chef du parti PASTEF innove encore et devient le sujet de toutes les discussions. Mais ces détracteurs ne tarderont pas à l’accuser d’avoir plagié le livre d’Ismaila Badji. Ce livre-vision aura eu un effet de tempête sur la scène politique et propulsera son auteur qui verra son aura atteindre des proportions inattendues.

Karim Wade aussi, le candidat du PDS, a passé le clair de son temps à communiquer. Toutes les missiles, ou plutôt missives qu’il a envoyées durant cette année, l’ont été dans le dessein de déconstruire le régime Macky Sall. Mais son audio envoyé le vendredi 20 décembre l’a sorti de son aphonie dans laquelle il s’était emmuré depuis son exil à Doha. L’effet attendu se produira en l’espace d’une heure seulement puisque le porte-parole du gouvernement Seydou Gueye n’a pas tardé à répondre au fils « gâté » qui, selon lui, n’a fait que dépeindre le Sénégal sous son père.

L’année tire ainsi à sa fin sur des notes de meetings d’investiture de candidats. Le mois de décembre a enregistré plusieurs manifestations de ce genre avec des partis désireux de montrer leur force de frappe. D’abord le Bennoo Bokk Yaakaar qui investit le président sortant à Dakar Aréna le 1er Décembre, puis le PUR qui porte la candidature du professeur Issa Sall le 08 décembre, ensuite le PASTEF qui propulse son leader lors d’un meeting à Thiès et enfin le leader de REWMI, Idrissa Seck investi par des alliés le dimanche 23 décembre. Comme avec l’année 2018, il n’y a point de doute que les passions vont dominer les débats en 2019. Avant, pendant et après l’élection, il faudra s’attendre à des situations assez complexes, assez cocasses, avec l’opposition et le pouvoir qui ne cessent de se regarder en chiens de faïence.