Syrie : Emmanuel Macron accuse la Russie d’être «complice» de l’utilisation d’armes chimiques

Emmanuel Macron s’exprime pour la première fois depuis les frappes du 14 avril en Syrie menées conjointement par la France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Le président français a notamment déclaré avoir convaincu Trump de rester en Syrie.

Dans un entretien diffusé en direct sur Mediapart, RMC et BFMTV le 15 avril, Emmanuel Macron a répondu aux questions de Jean-Jacques Bourdin et d’Edwy Plenel. «De nombreux Français doutent de vous […] Où nous conduisez-vous ? […] Est-ce que ces frappes ont été efficaces ?», a interrogé le journaliste de RMC.

Aucune preuve présentée au public
Après avoir rendu hommage à l’armée française, Emmanuel Macron a affirmé que l’opération avait «été conduite de manière remarquable» grâce au «professionnalisme de nos militaires». Selon le président, «trois sites de production d’armes chimiques ont été visés par ces attaques» et les capacités d’armes chimiques du gouvernement syrien «ont été détruites». Il a ajouté : «Il n’y a eu aucune victime selon les dires des Syriens et des Russes.» Le président a ensuite affirmé avoir «obtenu des preuves que des armes chimiques [avaient] été utilisées» par le gouvernement syrien et notamment «du chlore». Le président français n’a toutefois pas détaillé ces «preuves» qu’il affirme avoir «depuis des mois». Des mois durant lesquels aucune communication au sujet d’armes chimiques n’a été faite par le gouvernement français.

Pas de déclaration de guerre contre Assad… mais des frappes légitimes selon Macron
Edwy Plenel, directeur de Mediapart, a ensuite interrogé Emmanuel Macron sur la légitimité d’intervenir en Syrie hors du cadre de l’ONU. Le président français a affirmé que l’intervention était «légitime», arguant : «C’est la communauté internationale qui est intervenue.» Tout en se félicitant des frappes qui ont été menées contre le pouvoir de Damas, Emmanuel Macron a assuré que la France et ses alliés n’avaient «pas déclaré la guerre au régime de Bachar el-Assad».

La Russie «complice»
D’autre part, Emmanuel Macron a accusé la Russie d’être «complice» du président syrien en ayant «construit méthodiquement l’incapacité de la communauté internationale par la voie diplomatique à empêcher l’utilisation des armes chimiques».
«Bien sûr qu’ils sont complices», a lancé le chef de l’Etat tout en concédant : «Ils n’ont pas eux utilisé le chlore.» Le président a encore accusé Moscou d’avoir «impuissanté» la communauté internationale, alors que le projet de résolution russe affirmant un plein soutien à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), organisme neutre de l’ONU, dans l’enquête sur le terrain, a été rejeté le 10 avril par le Conseil de sécurité.

Pourtant, Emmanuel Macron a dans la foulée déclaré qu’il parlait «de manière constante avec Vladimir Poutine» et il a affirmé que le président russe avait «nié [l’utilisation d’armes chimiques en Syrie] comme il le fait depuis le début». Le président français a ensuite reconnu : «Pour construire une solution durable, il nous faut parler avec l’Iran, la Russie et la Turquie.»

Pour le président français, il s’agit de «ne pas laisser la Syrie entre les mains uniques de Bachar el-Assad». Il a assuré que ses actions visaient à préparer «une transition durable en Syrie, en accord avec Vladimir Poutine».

 

La France a convaincu Trump de rester en Syrie
Concernant l’intérêt de travailler avec Donald Trump qui «se moque du sort du peuple syrien» selon les journalistes, Emmanuel Macron a affirmé : «La stabilité de la Syrie est notre priorité depuis le début.»

«Nous avons convaincu Donald Trump que c’était important de rester sur le terrain de la Syrie et nous avons réussi à la convaincre de limiter l’intervention aux armes chimiques», a précisé le président français.

En effet, quelques jours avant l’attaque chimique présumée de Douma, Donald Trump avait annoncé un retrait imminent des Américains de Syrie, affirmant que l’objectif des Etats-Unis avait été atteint, Daesh ayant été battu. Après la frappe de Washington et de ses alliés, Nikki Haley, l’ambassadeur américain aux Nations unies, avait fait savoir le 15 avril que le retrait des Etats-Unis de Syrie n’était plus d’actualité tant qu’ils n’auraient pas accompli leurs objectifs. Elle avait identifié trois objectifs : s’assurer que des armes chimiques ne soient pas utilisées d’une manière qui présente un risque aux intérêts américains, la défaite de Daesh et garder un œil sur les activités de l’Iran.
Enfin, concernant les rapports de force internationaux sur la question de la Syrie, Emmanuel Macron a mentionné le fait d’avoir, par ces frappes, «séparé les Russes des Turcs sur cette question». En effet, le président turc Recep Tayyip Erdogan a salué les frappes des alliés occidentaux sur la Syrie.

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Le 14 avril à l’aube, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont attaqué plusieurs cibles en Syrie. Cette attaque coordonnée a été menée sans mandat de l’ONU ni concertation avec le Parlement français. Les frappes ont été menées en représailles à l’attaque chimique présumée de Douma, une semaine plus tôt, que les Occidentaux attribuent au pouvoir de Bachar el-Assad. Celui-ci nie toute responsabilité et Moscou affirme détenir les preuves que l’attaque présumée était une mise en scène.

Après TF1, Emmanuel Macron se livrait à sa seconde interview de la semaine, le 15 avril, en direct sur BFMTV, la radio RMC et le site Mediapart. Pour mener cet interview fleuve de deux heures, l’Elysée avait tablé sur le fondateur de Mediapart Edwy Plenel et le journaliste de RMC Jean-Jacques Bourdin. L’entretien s’est déroulé au Théâtre national de Chaillot à Paris.

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