Une année 2020 politiquement chargée et à suspense débute aux États-Unis

Cette année, un procès en destitution doit s’ouvrir au Sénat américain contre Donald Trump, puis des primaires démocrates permettront de connaître le candidat qui affrontera le président sortant lors de l’élection présidentielle de novembre. Interview.

Romain Lemaresquier, du service international de RFI, s’est entretenu avec Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l’université Panthéon-Assas. Ce spécialiste des États-Unis vient de publier Joe Biden, le 3e mandat de Barack Obama, chez VA Éditions.

RFI : À quoi peut-on s’attendre lors de ce procès en destitution et comment Donald Trump va-t-il gérer ce dossier ?

Jean-Éric Branaa : Donald Trump va faire de son procès en destitution une formidable opération de communication pour sa campagne électorale. Le pari actuellement à Washington, c’est que Donald Trump ne se déplacera pas au Sénat pour son procès. En réalité, on peut s’attendre au contraire parce qu’il a l’habitude de nous prendre à contre-pied. C’est vrai qu’il pourrait se payer le plaisir lui-même d’aller affronter les sénateurs sachant qu’il ne risque rien dans cette affaire-là puisque l’ensemble des républicains sont fermement derrière lui.

Ce procès est à double tranchant par contre pour le camp démocrate qui est en pleine campagne pour les primaires. L’énergie déployée ne risque-telle pas de les distancer de leurs électeurs dans cette campagne des primaires ?

Certains d’entre eux, en plus, au lieu d’être sur les chemins de campagne seront à Washington. Bernie Sanders, Elizabeth Warren, Amy Klobuchar pour ne nommer que ceux-là, y seront puisque ce sont des sénateurs et ils devront donc assister à ce procès en destitution. Ils doivent y assister en étant silencieux, ils ne pourront donc pas commenter, ne pourront pas faire campagne. Cela laisse le champ libre à ceux qui ne sont pas sénateurs de le faire et parmi eux, on a Joe Biden qui va avoir la campagne ouverte pour lui tout seul.

Y a-t-il un risque que les partisans démocrates s’éloignent un peu de leur candidat ?

C’est une possibilité, c’est un vrai danger. C’est pour cela que certains d’entre eux ont déjà commencé à faire campagne avec des acolytes, par exemple Bernie Sanders qui s’est associé à la jeune prodige démocrate Alexandria Ocasio-Cortez. Elle fait déjà campagne à ses côtés et pourrait le remplacer assez efficacement pendant qu’il sera à Washington.

Les primaires démocrates débutent officiellement le 3 février prochain avec le premier caucus qui se tiendra dans l’État de l’Iowa. À quoi peut-on s’attendre sachant que les sondages locaux donnent toujours le maire de South Bend, Pete Buttigieg, en tête et que cela ne reflète pas les sondages au niveau national ?

Ce sont des sondages qui datent de décembre 2019, il y a donc plus d’un mois. Nous attendons les tout derniers sondages qui ne devraient pas tarder et qui vont peut-être bousculer l’ensemble des choses. Et, il y a toujours les trois poids-lourd que sont Elizabeth Warren, Bernie Sanders et Joe Biden et qui se disputent eux aussi cette première place. C’est donc vraiment très ouvert dans l’Iowa. Rappelons que l’Iowa n’est qu’un caucus très limité et que ce n’est pas cela qui va faire la campagne qui va venir derrière.

Selon vous, qui pourrait affronter Donald Trump en novembre et cette personne est-elle à même de l’emporter ?

En réalité, il y a très peu de candidats qui peuvent aujourd’hui être en passe d’affronter Donald Trump. Tout simplement, parce qu’il n’y en a que trois qui émergent et qui sont trois anciens et qui ont tous plus de 70 ans : Elizabeth Warren a 71 ans, Joe Biden a 78 ans et Bernie Sanders a 79 ans. D’abord, l’économie est florissante aux États-Unis. Ensuite, Donald Trump a une cote de popularité qui est vraiment très solide et l’impeachment a eu l’air de booster ses troupes. Tout cela fait que cela reste très ouvert.

Qui donneriez-vous vainqueur pour novembre prochain ?

Je pense que la division qui règne actuellement aux États-Unis va l’emporter sur tous les autres thèmes et que cela va même écraser cette campagne. Or cette division est à la défaveur du président sortant. Si sa cote est très solide – autour de 44-45 % –, en réalité, s’il ne s’écroule pas, il stagne, il n’arrive pas à monter non plus et les démocrates devraient l’emporter. Je pense que Joe Biden est le mieux placé car en tenant le centre, il peut parler aux électeurs républicains et c’est bien le seul à pouvoir le faire cette année.

rfi