Nomination du Premier ministre : Les cas bloquants

Nomination du Premier ministre : Les cas bloquants

Si des ministres défaits quittent le gouvernement, Benno Bokk Yakaar risque de se fragiliser davantage par de nouvelles frustrations, à moins de 6 mois des Législatives. Devant une législature finissante, faire un remaniement ministériel ne semble pas être la meilleure manière de remobiliser les troupes pour le 31 juillet 2022. Macky Sall est-il rattrapé par la réalité politique ?

«Ce sera après les élections locales. Ça n’a pas de sens de nommer un Premier ministre avant les Locales.» Lors de son entretien avec Rfi et France 24, le 9 décembre dernier, le Pré­sident Macky Sall accélérait le processus de retour du poste de Premier ministre. Une réforme qui a été adoptée en procédure d’urgence par l’Assemblée nationale le 10 décembre dernier. Le chef de l’Etat avait-il déjà un nom, relançaient les journalistes ? «Certainement, dans ma tête, oui», répondra-t-il, maintenant le suspense. De plus, après le scrutin du 23 janvier, la presse rapportait que lors du Conseil des ministres post-Locales, M. Sall a demandé aux ministres de préparer leurs dossiers. Deux mois près la restauration du poste de Premier ministre, le président de la République rechigne à mettre en place un nouveau gouvernement. Ses calculs ont-ils été faussés ?

Avec les défaites de certains pontes de l’Apr et de ses alliés, la tâche devient de plus en plus difficile pour Macky Sall. Annoncé comme potentiel chef de gouvernement, Amadou Ba a été affaibli par le revers de la coalition présidentielle à Da­kar. Amadou Hott non plus, n’a pas porté haut les couleurs de Benno à Yeumbeul Sud face à Bara Gaye. Choisir un technocrate est une possibilité. A ce titre, le nom de l’ancienne directrice de l’Apix, Aminata Niane circule. Mais le prochain Premier ministre aura-t-il la carrure pour porter la liste nationale de Bby ? Mahammed Boun Abadalla Dionne l’a réalisé avec brio en juillet 2017.

A l’heure actuelle, le remaniement semble se heurter à la réalité politique. Au sein de l’Apr, Abdoulaye Diouf Sarr, Amadou Hott, Abdou Karim Fofana, Arona Coumba Ndof­fène Diouf ou encore Zahra Iyane Thiam, ont perdu. Se séparer de ces responsables à 5 mois des Législatives, ne va-t-il pas fragiliser la coalition Benno Bokk Yakaar dans sa quête de remontada dans la capitale lors des prochaines Législatives ? De plus, si Yankhoba Diattara, battu à Thiès, quitte le gouvernement, l’alliance «mburok soow» entre Idrissa Seck et Macky Sall serait-elle toujours en vigueur ?

Macky : «Je n’aime pas les remaniements… je perds des amis»

A contrario, si le Président choisit aussi de les reconduire, les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets. Lors du dernier Secrétariat exécutif national de l’Apr, le 2 février dernier, Macky Sall a demandé à ses camarades de parti d’être solidaires. «(…) Je vous invite toutes et tous à resserrer les rangs, à faire preuve, là où cela est nécessaire, d’esprit de dépassement et de grandeur. Veillons sur notre unité et sa consolidation. Travaillons ensemble, main dans la main, car c’est seulement ainsi que nous nous assurerons de futures victoires», avait-il appelé.

Macky Sall n’est pas adepte des changements. En recevant les députés de la majorité, le 17 octobre 2019, il avait livré ses craintes liées au renouvellement de ses équipes. A l’époque, Moustapha Cissé Lô, en rupture de ban dans le parti, a été remplacé par Abdou Mbow comme 1er vice-président de l’Assemblée nationale. «Je n’aime pas les remaniements et les changements parce que chaque fois que je le fais, je perds des amis, alors que ce sont des amis avec qui j’ai partagé de bonnes choses. Tu peux nommer quelqu’un pendant 3 ou 4 ans, tu le changes, aussitôt il se braque, en oubliant tout ce que nous avions fait ensemble», expliquait le président de la République.

Contexte politique défavorable à un nouveau gouvernement

Cette question taraude-t-elle l’esprit du Président : est-il pertinent de mettre en place un nouveau gouvernement ? Selon la pratique bien sénégalaise, le Premier ministre a tendance faire des mois avant de tenir sa Déclaration de politique générale. Si le chef de l’Etat le nomme actuellement, ce Pm fera face à une législature finissante. En plus, le gouvernement remet sa démission après les élections législatives. Donc, nommer une équipe ministérielle ne paraît pas trop pertinent. Le Président a d’ailleurs apparemment d’autres priorités politiques : il a débauché Bamba Fall pour renforcer sa coalition. Sa décision de baptiser le Stade du Sénégal, «Abdou­laye Wade», pourrait être une tentative de se rapprocher du Pds. De plus, l’Apr n’a plus de maire à Dakar. S’atta­quer aux différents responsables ayant perdu, risque de créer davantage de frustrations.

Pour rappel, lors des élections locales du 22 mars 2009, durant lesquelles Karim Meïssa Wade a été battu à Dakar, le président de la Répu­blique lui avait ensuite confié 5 ministères. La suite est connue de tous : c’était le début de la fin du régime de Me Abdoulaye Wade. Macky Sall est visiblement entre le marteau des urgences sociales (hausse des denrées de première nécessité, pénurie d’eau, crise dans l’éducation…) et l’enclume des calculs politiques. Ce dernier point pourrait prendre le pas. «Les Législatives vont déterminer le futur du régime», prévient Mamour Cissé, allié de Macky Sall et leader du Psd/Jant bi.

 

LERAL