Les conséquences d’une guerre entre la Russie, une des plus grandes puissances économiques et l’Ukraine, une économie agricole stratégique, semblant même moins perceptibles, peuvent véritablement perturber les perspectives de croissance attendues à la faveur des politiques de relance économique post Covid au Sénégal.
A la lumière du bilan économique dressé par la dernière mission du FMI, cette note de réflexion revient d’abord sur le coût d’arrêt potentiel de l’embellie d’une trajectoire de croissance dynamique d’avant pandémie de l’économie sénégalaise, qui devrait améliorer les conditions de vie des populations sur le long terme (1).
Ensuite, elle s’interroge sur les moyens mis en œuvre par l’Etat du Sénégal, face à la contrainte du rétrécissement de l’espace budgétaire dans le contexte actuel (2).
Enfin, elle émet des recommandations pour une meilleure résilience de l’économie sénégalaise dans la mise en œuvre des réformes (3).
Embellie d’une trajectoire de croissance d’avant pandémie, source d’amélioration des conditions de vie des populations dans le long terme ?
Mécaniquement, il est toujours facile de lier le niveau de vie des populations et le rythme de croissance de l’économie. Toutefois, il serait important de constater que pour le Sénégal, il est noté que le rythme de la croissance est moins lent que celui de la croissance de la population sur le demi dernier siècle, le Professeur Moustapha Kassé faisait constater que « de 1960 à nos jours, sur plus d’un demi-siècle, la croissance est atone (2,7 % en moyenne sur la période) et n’a dépassé qu’épisodiquement, celle de la croissance démographique (2,9 à 3 %).
Même si périodiquement, elle a été citée en exemple pour servir de modèle à d’autres pays dans la sous-région au sud du Sahara, les leçons à en tirer ont varié dans le temps. Selon la période, elle a servi de modèle à suivre par moment ou de leçon d’échec qui donne à réfléchir.
En effet, l’année 2020 a été marquée par la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19. Des mesures visant à limiter la propagation du virus ont été prises par de nombreux pays et ont ralenti l’activité économique. Dans ce contexte, la trajectoire de croissance du Sénégal est analysée en perspective de la reprise de l’activité économique mondiale, après la contraction en 2020.
Affecté par la pandémie, le Sénégal a fait preuve de résilience. Ce qui s’est traduit par un taux de croissance positif de 1,8% en 2020, après 5,7% en 2019. Ce ralentissement de la croissance est lié à la contraction de l’activité économique, notamment dans les secteurs manufacturiers, de l’hôtellerie et de la restauration, en lien avec les mesures prises par les Etats pour freiner la propagation du virus.
Cependant, le programme de relance, à la faveur des résultats positifs obtenus de la lutte contre la propagation du coronavirus, renforce l’environnement économique interne, soutenu par des investissements structurants dans le cadre de la poursuite de l’exécution des projets et programmes du PSE (PAP2A, PREAC, …).
En conséquence, l’économie sénégalaise a retrouvé en 2021, sa trajectoire de croissance d’avant la pandémie, qui a été estimée à 6,1 %, grâce à la vigueur de la production industrielle et du secteur des services, soit environ un point de pourcentage de plus que prévu, selon le FMI. Cette tendance devrait se poursuivre jusqu’en 2022, avec une projection de rebond à 5,5% et une forte augmentation de l’activité devrait survenir en 2023-2024, avec la production du pétrole sénégalais.
Seulement, ces projections sont assombries par l’évolution de la pandémie, du conflit Russo-Ukrainien, des sanctions contre le Mali, de la flambée des prix mondiaux des matières premières, notamment du pétrole à 107$. Cependant, pour que tout cela ait en définitive un effet sur le vécu des populations sénégalaises, il nous faut que l’économie soit au service du social. C’est la grande question prouesse qu’il faudrait réussir. Les réponses devront être tirées sur la capabilité à la transformation structurelle de notre économie à créer des emplois décents, un système sanitaire efficace, un modèle éducatif performant et un système de protection sociale des couches vulnérables, plus large.
Moyens dont dispose l’Etat du Sénégal face à la contrainte du rétrécissement de l’espace budgétaire dans le contexte actuel
L’Etat, dans le contexte actuel, fera face par la consolidation des acquis à travers la réalisation des réformes relatives, notamment, à la stratégie de recettes à moyen terme (SRMT), la modernisation de l’administration (PAMA).Ces instruments importants contribueraient à entretenir et à consolider le dynamisme de l’activité économique.
S’il est vrai que durant l’année 2021, l’évolution de la gestion budgétaire est marquée par la poursuite, dans une moindre mesure, de la pandémie de Covid-19 qui a perturbé la programmation budgétaire initiale de 2021 avec la mise en place de mesures de soutien à la relance de l’activité économique et à l’emploi des jeunes, il est d’autant plus important que les orientations budgétaires de l’Etat sur la rationalisation des dépenses de fonctionnement au profit du renforcement des investissements, sont restées en vigueur.
Globalement, le déficit budgétaire, dons compris, s’est estimé à 967 milliards, soit 6,3% du PIB à fin 2021, en liaison avec l’utilisation d’une partie des DTS pour honorer des obligations impayées, contre une programmation initiale de 5% en loi de finances initiale 2021 et une réalisation de 903 milliards (soit 6,4% du PIB) en 2020. Cette amélioration de 0,1 point de pourcentage traduit l’atténuation progressive de l’impact de la Covid-19 et les effets de la relance progressive des activités économiques. Hors utilisation des DTS, le déficit à fin 2021, resterait à 817 milliards, soit 5,3% du PIB.
Et s’agissant de la mobilisation des ressources budgétaires pour corriger cette baisse, elles peuvent être mobilisées par le biais des recettes fiscales et celles non fiscales. D’abord, les recettes fiscales devraient connaître une hausse de 13,6%, imputable aussi bien aux impôts directs qu’aux impôts indirects. S’agissant des impôts directs, les performances sont attendues principalement, dans le recouvrement de l’impôt sur le revenu, les bénéfices et les gains en capital (770,0 milliards FCfa) qui devrait enregistrer une hausse de 7,4% en liaison, notamment avec la reprise de l’activité économique et de la mise en œuvre de nouvelles mesures.
Quant à l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur les revenus et l’IRVM/IRC, ils sont attendus, respectivement, à 221,0 milliards FCfa, 479 milliards FCfa et 61,8 milliards FCfa. Au titre des impôts indirects, les taxes sur biens et services intérieurs (hors TVA à l’import) sont attendues à 796,4 milliards FCfa, soit une hausse de 93,1 milliards FCfa (+13,2%) par rapport à 2020.
Cette situation reflèterait la bonne dynamique attendue sur les recouvrements au titre de la TVA intérieure sur le pétrole, et des performances escomptées sur la mobilisation en fin d’année, des taxes estimées sur les activités financières et sur la consommation hors pétrole.
Les dons, pour leur part, sont projetés à 236 milliards FCfa, soit une baisse de 88,6 milliards FCfa (-27,3%) imputable au repli des dons budgétaires. Ces derniers devraient passer de 194,7 milliards FCfa en 2020 à environ 13 milliards FCfa en 2021, traduisant essentiellement l’effet des nombreux dons reçus lors de l’avènement de la Covid-19 en 2020, et dans une moindre mesure, le retard dans la mobilisation de certains dons initialement escomptés en 2021. Cette orientation devrait être atténuée par la progression des dons en capital projetés à 223 milliards FCfa contre 129,8 milliards FCfa en 2020, soit une hausse de 71,8%.
C’est dans ce contexte actuel que malgré que l’espace budgétaire du Sénégal s’est rétréci, la volonté et la nécessité d’améliorer la mobilisation de recettes et de rationalisation des subventions amènent l’Etat du Sénégal à renforcer davantage les mesures du financement de l’investissement des grands projets, par une part plus importante des ressources internes mobilisées à cet effet.
Dans l’immédiat, l’Etat du Sénégal doit trouver un juste équilibre entre la satisfaction des attentes élevées des peuples et l’exécution de décisions difficiles pour maîtriser les finances publiques et remettre d’aplomb les systèmes financiers.
Recommandations pour une meilleure résilience de l’économie sénégalaise dans la poursuite de la mise en œuvre des réformes
Il faudrait mettre l’accent comme l’indique les conclusions dela troisième Conférence Internationale sur la Francophonie Economique qui s’est tenue du 16 au 18 mars 2022, sur l’importance d’aller « vers une économie résiliente, verte et inclusive ».
C’est-à-dire, faire la lumière sur les conséquences économiques et sociales de la pandémie de COVID-19 et du changement climatique. Également de recommander aux partenaire techniques et financiers, d’amener les États des pays à revenus faible et intermédiaires, comme le nôtre, de faire focus sur les mesures prises pour protéger l’économie et les populations, mais aussi pour assurer une reprise rapide, durable et inclusive.
Aujourd’hui, en plus des leçons à tirer de cette pandémie de COVID-19 qui a confiné l’économie dans le monde, les enjeux climatiques et environnementaux demeurent des défis considérables à relever en matière de politiques économiques et sociales, en ce sens qu’ils peuvent constituer par endroits, d’énormes opportunités pour les pays comme les nôtres ; pourvu qu’on y soit préparé et c’est déjà le temps ; le temps de l’action et de l’audace.
Egalement, la mise en œuvre des réformes est essentielle pour une meilleure résilience de l’économie Sénégalaise. La croissance à long terme risque d’être faible si les pouvoirs publics n’adoptent pas de mesures visant à éliminer les obstacles aux politiques d’emploi et de la productivité de la main-d’œuvre.
Une amélioration de la croissance à long terme contribuerait à rendre plus soutenable la dette des secteurs privé et public, et une hausse des revenus réduirait la charge de la dette. Il est probable qu’une grande partie des bénéfices des réformes structurelles ne se concrétisera pleinement qu’au fil du temps, mais certaines réformes stimuleraient la croissance, même à court terme.
De plus, si les autorités prenaient des engagements crédibles en matière de réforme, elles contribueraient à améliorer la stabilité économique à court terme, en restaurant la confiance, notamment sur certains marchés et en suscitant une reprise de la consommation et de l’investissement. Mieux, le renforcement de la résilience de l’économie dépendra de la poursuite de réformes structurelles clés, en particulier celles visant à :
accélérer la mise en œuvre de la stratégie de mobilisation des recettes à moyen terme ;
opérationnaliser le nouveau cadre budgétaire régissant l’utilisation des recettes tirées des hydrocarbures ;
préparer une feuille de route pour l’élimination progressive des subventions à l’énergie, tout en améliorant le mécanisme actuel de protection des personnes les plus démunies ;
réviser le cadre juridique des marchés publics afin d’augmenter la fréquence des appels d’offres ouverts et concurrentiels.
leral