La Russie a annoncé vouloir « concentrer ses efforts sur la libération du Donbass », cette région de l’Est, historique bassin minier de l’ex-URSS et de l’Ukraine. À Marioupol, le long du port et surtout sur les 8 kilomètres de la plus grande usine de la ville se concentrent les derniers combats. Tout le reste de la ville est sous le contrôle des séparatistes. Reportage avec leurs soldats à la rencontre des habitants.
Huit check-points séparent Donetsk, la capitale de la république autoproclamée du Donbass de Marioupol, huit contrôles franchis avec les séparatistes pro-russes qui accompagnaient ce déplacement, raconte notre envoyée spéciale.
Avant de voir Marioupol encore en proie aux combats, on l’entend : un feu roulant perpétuel, des obus sans cesse, un roulement sourd régulier chaque poignée de minutes. Dans certains endroits de la ville le bruit est assourdissant ; parfois ce sont des tirs d’artillerie plus légers mais à Marioupol, plus personne n’y prête attention.
Femmes, enfants, personnes âgées, depuis quelques jours ils émergent des caves et des abris. Certains y sont restés trois semaines. Ils errent au milieu des gravats dans un décor de ruines, aucun immeuble, aucune maison n’ont été épargnés. Vitres brisées, immeubles noircis par les incendies, étages détruits, carcasses de véhicules calcinés… Sur certaines entrées on distingue encore, tracés à la peinture blanche, ces quelques mots : « Ici vivent des enfants ». Seules les églises ont été épargnées.
« Dites-nous ce qu’il se passe dans le monde »
On rencontre le plus souvent les habitants lors des distributions d’aide humanitaire effectuées par l’armée. Des cartons distribués par des soldats marqués du « Z » de « l’opération spéciale », comme dit le Kremlin. Certains font plusieurs kilomètres à pied pour les trouver et repartent avec parfois des piles de cartons dans des landaus de bébé. Beaucoup ont les mains et le visage noircis car ils sont nombreux à cuisiner sur des feux de bois à l’extérieur des immeubles. Il n’y a plus d’électricité, plus d’eau. Il faut chercher dans la ville ; on envoie parfois les adolescents avec des bidons de 5 litres à remplir.
Parce qu’il n y a plus non plus de téléphone ni d’internet, dans cette ville coupée de tout, on demande aux journalistes : « Dites-nous ce qu’il se passe dans le monde.. Est-ce que la paix va venir ? ». Ils sont nombreux aussi à donner des petits bouts de papier, avec un numéro de téléphone, celui de proches à joindre, en Russie ou en Ukraine. Dans ces quelques lignes griffonnées à la hâte qui m’ont été transmises, ces quelques mots : « Je suis vivant. J’ai besoin d’aide ».
Rencontre avec une habitante de Marioupol
C’est une silhouette souriante qui s’avance au milieu des ruines et sur fond de grondement sourd, répété, des obus. « Tu vois comme je suis belle ! Oui, je porte une robe de chambre. Je l’ai coupée en bas pour ne pas être gênée pour marcher. Je suis un peu moche en ce moment. Mais en vrai, je suis mieux. Regarde, je vais te montrer à quoi je ressemblais. »
De la poche de sa robe de chambre à motifs panthère et fleurs roses, cette femme de 65 ans sort un passeport et montre sa photo, une coupe nette aux boucles blondes. Avant que son monde ne bascule, avant qu’elle vive sous terre avec son mari.
« Nous sommes dans un sous-sol, nous entamons notre deuxième mois dans cet abri anti-bombes. On a peur de vivre dans notre appartement. Dedans il y a environ 16 personnes dont deux enfants de 11 et 8 ans. Il y en avait un qui avait 3 ans mais il a été emmené ailleurs quand il y a eu de lourds bombardements. Mais je reste optimiste, quoiqu’il arrive. »