Les Français sont appelés à voter ce dimanche 24 avril pour départager les deux finalistes de l’élection présidentielle : le chef de l’État sortant Emmanuel Macron et la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen. Leurs projets pour l’Union européenne et leurs relations avec la Russie sur fond de guerre en Ukraine.
« La bataille que nous menons n’est pas seulement une bataille pour la France, c’est une bataille pour l’Europe ». Le 12 avril à Châtenois (Bas-Rhin), Emmanuel Macron s’affiche en européen convaincu. Alors que la France assure la présidence du Conseil de l’Union européenne jusqu’au 30 juin, le chef de l’État sortant fait campagne pour une Europe plus forte et plus protectrice.
Emmanuel Macron plaide pour des capacités militaires renforcées dans les armées des États membres, pour une autonomie « énergétique et stratégique » du continent et souhaite poursuivre la réforme de l’espace Schengen avec une meilleure protection des frontières extérieures de l’Europe et la mise en place d’une politique d’accueil commune. Son projet est celui de « la souveraineté nationale et européenne », a-t-il résumé lors du débat de l’entre-deux-tours mercredi 20 avril, en opposition à celui de sa rivale qu’il accuse de « vouloir faire bande à part » en quittant l’UE.
Une « Alliance européenne des nations » pour se substituer à l’UE
« Je souhaite rester dans l’Union, mais profondément la modifier », lui a rétorqué Marine Le Pen. Car si la candidate du Rassemblement national (RN) ne parle plus comme en 2012 de sortir de l’UE ou de l’euro, elle ambitionne de réformer les traités en profondeur pour instaurer « une Alliance européenne des nations qui a vocation à se substituer progressivement à l’UE ».
Marine Le Pen entend affirmer la supériorité de la loi nationale sur la loi européenne, une position prônée également en Pologne qui vaut à Varsovie une procédure d’infraction lancée par la Commission européenne. La candidate RN souhaite aussi baisser de 5 milliards d’euros la contribution française au budget européen, rétablir les contrôles permanents aux frontières des États membres et s’oppose au projet d’Europe de la Défense voulu par Emmanuel Macron.
Autre dossier, bien plus brûlant : celui de la guerre en Ukraine. La campagne de la candidate RN a d’ailleurs bien failli être plombée par une photo datant du 24 mars 2017 qui la montre, tout sourire, serrer la main de Vladimir Poutine à Moscou. L’admiration maintes fois répétées par le passé de la candidate à l’égard du président russe aurait pu lui être fatale après l’entrée en guerre de la Russie en Ukraine. Dès le début du conflit, Marine Le Pen infléchit son discours : « Je considère que ce qu’il [Vladimir Poutine] a fait est éminemment condamnable, ça change en partie la vision que je peux avoir de lui ».
Si Marine Le Pen se prononce dès lors pour une « Ukraine libre », ses détracteurs ne manquent pas de rappeler ses positions sur la Crimée dont elle n’a jamais condamné l’annexion par Moscou – « je ne crois pas qu’il y a eu annexion illégale, disait-elle en 2017. Il y a eu un référendum, les habitants souhaitaient rejoindre la Russie » – et qui lui valent d’être interdite de séjour en Ukraine. « Si Madame la candidate comprend qu’elle s’était trompée, notre relation pourrait changer », a déclaré à ce sujet le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
La diplomatie du « téléphone » avec le Kremlin
Autre dossier embarrassant pour la candidate RN : le prêt de 9 millions d’euros contracté par son parti en 2017 auprès d’une banque russe et que la formation continue de rembourser. « Vous dépendez du pouvoir russe et vous dépendez de M. Poutine »,l’a accusée Emmanuel Macron pendant le débat de l’entre-deux-tours. Vous parlez à votre banquier quand vous parlez de la Russie, a-t-il poursuivi. C’est ça le problème ». La candidate rejette les accusations et affirme qu’aucune banque française ne lui avait fait de prêt à l’époque.
Marine Le Pen assure ne rien devoir à Vladimir Poutine. Et si elle souhaite un rapprochement stratégique entre la Russie et l’Otan, ce n’est, dit-elle, qu’une fois la guerre terminée en Ukraine. La candidate du RN ajoute que sa volonté de dialoguer avec Vladimir Poutine n’est guère éloignée de la diplomatie « du téléphone » pratiquée par Emmanuel Macron.
Depuis son arrivée à l’Élysée en 2017, Emmanuel Macron s’est toujours fait l’avocat du dialogue avec Moscou. En témoignent son invitation à Versailles, l’année de son élection, puis au Fort de Brégançon en 2019, en amont du sommet du G7. Une ligne qu’il n’a pas abandonnée depuis le début de la guerre. Malgré l’absence de résultats concrets, Emmanuel Macron estime nécessaire de maintenir le contact avec le Kremlin. Dans l’espoir incertain d’un rôle de médiateur le jour où les armes se tairont.