Les élections législatives se tiendront, In Cha Allah, le 31 juillet 2022, pour entamer la quatorzième législature. Les électeurs sénégalais vont choisir ceux et celles qui vont les représenter à l’Assemblée nationale pour une durée de cinq ans.
En effet, le Sénégal a connu treize législatures et environ onze présidents de l’Assemblée nationale dont Lamine Gueye, Amadou Cissé Dia, Daouda Sow, Abdoul Aziz Ndaw. Dans l’histoire du parlement sénégalais il y a eu des députés qui ont essayé de défendre les daara, en posant, publiquement et solennellement, la situation difficile de ces foyers d’enseignement religieux, et la nécessité de trouver des solutions durables. Feu, le professeur Iba Der Thiam, paix à son âme, en est un exemple illustratif. Mais, malheureusement ces partisans des daara n’ont pas, toujours, été suivis et soutenus dans leur démarche par leurs pairs. Au contraire, ils ont été, généralement, mis en minorité.
Pour dire que, de l’indépendance à nos jours, la question des daara n’a pas, toujours, occupé la place qu’elle mérite à l’Assemblée nationale du Sénégal. On semble ignorer que le daara constitue une véritable demande sociale au Sénégal, un facteur de stabilité, une nécessité publique contribuant, de manière réelle et incontestable, au développement économique, social et scientifique du pays. Il est vrai que l’État, pour une première, a créé 64 daara modernes : 32 publiques et autant de privés ; une initiative à saluer et à encourager. Mais ce nombre, comparé à la forte demande, est très insuffisant.
Les maîtres coraniques et acteurs des daara traditionnels et internats, réunis dans des structures organisées comme la Fédération Nationale des Ecoles coraniques du Sénégal, la Rabitat, le collectif Aar-Daara, entre autres, considérant que l’école coranique est, généralement, marginalisée au Sénégal, suivent avec intérêt la campagne électorale à travers les différentes propositions, discours et programmes des candidats des huit coalitions sollicitant les 165 sièges du parlement sénégalais.
Les organisations d’écoles coraniques du Sénégal souhaitent une rupture par rapport aux pratiques anciennes à l’égard des daara et posent à l’ensemble des candidats des questions précises dont : quelle est leur programme concernant les daara, une fois élus ? Quelle sera leur position et attitude vis-à-vis de ces centres d’enseignement, d’éducation, de formation et de socialisation des jeunes apprenants ? Y aura-t-il des députés qui prendront en main la lancinante problématique des écoles coraniques au sein du parlement pour en faire une affaire personnelle ?
Les Serigne daara souhaiteraient entendre les candidats se prononcer, clairement et sans équivoque, sur ces questions qui leur tiennent à cœur. Ils sont prêts à soutenir les candidats qui, une fois élus, oseront faire de pertinentes propositions de lois en faveurs des daara. Des parlementaires qui seront de fervents défenseurs de ces centres éducatifs qui inculquent et véhiculent des valeurs sociales, culturelles et humaines. Ils souhaitent voir des députés qui éclairent, davantage, le rôle, l’intérêt et l’utilité des daara, les défendent, les soutiennent avec des arguments logiques, rationnels, intelligents, convaincants et compréhensibles, et non ceux qui passent tout leur temps à attaquer, dénigrer, incriminer, injustement, les daara avec comme argument principal, la mendicité des élèves d’écoles coraniques sans pour autant essayer d’en comprendre les causes.
La mendicité est un phénomène qui n’honore, absolument, pas le pays. C’est vrai, mais il est impératif de faire la différence entre l’élève d’école coranique, donc le talibé et l’enfant de la rue qui, avec ses haillons, pieds nus et sa sébile passe la plupart de son temps, de six heures du matin à 22 heures, à quémander, créant un encombrement humain pour paraphraser Aminata Sow Fall dans son ouvrage « la grève des bàttu ». Au même moment, des talibés dignes de ce nom, du Fouta-Toro jusqu’en Gambie, en passant par Koki, Boki-Diawé, Thilogne, Diataar, Gangheul, Madina-Ndiathbé, Pire, Touba, Diamal, Ndramé-Dimb, Darou Salam Nioro,Taslima, Marakisa, Sinkère, Tivaoune, Fass-Touré, Kaolack, Pakéba, Dîdé-Gasama, (dans le Boundou de Malick Sy), Longhor, Thilmakah, entre autres, sont en pleines séances d’études.
Certes, tout n’est pas rose dans les daara, car il y a des manquements et des correctifs sont nécessaires. Mais il faut tout de même reconnaître qu’il existe dans ces daara beaucoup d’avantages reconnus par plusieurs segments de la société. Plus catégorique, le professeur Amar Samb, décédé en 1987, disait que « dans les daara tout est positif ». Les discours de Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh, (1904-1997) fervent défenseur des daara, restent d’actualité et continuent à interpeller notre subconscient.
Les Serignes daara constituent une force non négligeable, leurs votes peuvent peser lourd sur la balance. Les hommes politiques doivent comprendre que de véritables mutations sont en train de s’opérer chez les maîtres coraniques. Leur désintéressement aux questions politiques est révolu. Ils sont conscients qu’ils constituent une force tranquille et silencieuse pouvant impacter les résultats électoraux en faveur de tel ou tel candidat. Ils savent que leurs suffrages peuvent faire la différence. Or, la plupart des candidats semble ignorer cette réalité. Car, parmi les nombreux candidats, rares sont ceux qui, déroulant leurs programmes, parlent des daara de façon explicite. Ils ne savent pas, peut-être, que les données ont, sensiblement, changé les barrières linguistiques éliminées. Actuellement, il y a des maîtres coraniques qui maîtrisent la langue de Molière mieux que plusieurs hommes politiques, candidats, voire têtes de liste.
Les maîtres coraniques, intéressés par les questions politiques, sont bien organisés et suivent avec intérêt la scène politique. Contrairement au passé où ils n’étaient pas intéressés par les enjeux électoralistes, ils suivent avec beaucoup d’attention le landerneau politique et décortiquent le discours des candidats afin de faire un choix judicieux.
Il faut approcher les Serignes daara pour mieux comprendre leur détermination à ne plus laisser leur avenir entre les mains des politiques qui ne se soucient aucunement d’eux. Ils l’ont démontré lors des élections locales de janvier dernier. Certains Serignes daara candidats sont élus maires de communes. C’est un pas important qui vient d’être franchi.
D’après nos sources, des associations d’écoles coraniques avaient conditionné leur soutien aux différents candidats la présence des Serigne daara sur les listes électorales. C’est la raison pour laquelle il y a des maîtres coraniques conseillers municipaux dans certaines communes du Sénégal.
Nous pensons qu’il est nécessaire, voire impératif de décoloniser les mentalités et les esprits afin de procéder à une autre lecture à l’encontre des daaras. L’autorité coloniale a, durant toute l’époque coloniale, travaillé pour éradiquer ces foyers d’enseignement musulman. Les rapports d’archives nationales le confirment. Pour le colon, l’école coranique qui constituait une menace réelle pour le développement de l’école occidentale devait être combattue à tout prix. Néanmoins, l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale exige une autre posture, une autre lecture à l’égard des daara qui rassurent l’ensemble des acteurs du milieu. Soutenir les daara c’est contribuer, efficacement, au développement national.
Nous terminons ces lignes par notre question de départ : quels sont les candidats et têtes de liste aux élections législatives du 31 juillet prochain qui osent s’afficher et dire solennellement qu’ils seraient de fervents défenseurs et avocats des daara ? Quels sont ceux qui sont prêts à se prononcer, clairement et dire, avec courage, que la question des daara fera partie de leurs principales préoccupations ? Simples questions d’un produit des daara.
Djim Ousmane Dramé chercheur et chef du laboratoire d’islamologie de l’Ifan UCAD
djidram@yahoo.fr