C’est un nouveau pas législatif dans la concrétisation du conflit pour la population. Les territoires annexés par la Russie sont passés depuis minuit sous loi martiale, mais le vrai changement, c’est la mise en place de deux paliers de sécurité renforcée en Russie. Vladimir Poutine a aussi décidé de renforcer la surveillance de la logistique de l’armée.
de notre correspondante à Moscou,
Trois niveaux de sécurité sont désormais à l’œuvre en Russie. La loi martiale, le niveau le plus élevé, est appliquée dans les quatre régions annexées en septembre. Une mesure en partie technique : Vladimir Poutine en l’annonçant mercredi rappelait que ces territoires étaient avant leur annexion déjà sous ce régime. En somme, selon le président russe, ce décret relève d’une adaptation législative liée à leur intégration en Fédération de Russie. Ce qui change totalement en revanche, c’est la mise en place de deux nouveaux régimes. Pour les territoires frontaliers de l’Ukraine, comme Belgorod qui essuie de plus en plus de tirs ukrainiens, mais aussi en Crimée, c’est « niveau moyen », pour toutes les régions du sud et du centre de la Russie, ce qui inclut aussi Moscou et Saint-Petersbourg, c’est le niveau le plus bas.
Dans ces textes, il y a ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas. Comme pour le décret de mobilisation partielle, ces nouvelles dispositions sur la loi martiale ou la sécurité renforcée comportent des parties qui ne sont pas dévoilées au grand public. Et ces parties pour certaines sont écrites sur la base de documents secrets. Dans l’arsenal du pouvoir aujourd’hui, il y a donc tout un éventail de mesures inconnues qui peuvent être mises en place.
Le chiffre de 300 000 hommes à mobiliser d’ici à la fin du mois par exemple est dans les discours publics et celui du président, mais son absence dans le décret alimente la machine à rumeurs en Russie sur de nouvelles vagues de mobilisation à venir. C’est la même chose avec les textes annoncés ce mercredi soir. La loi martiale implique entre autres un couvre-feu, des restrictions de circulation, une détention jusqu’à trente jours sans motif, l’internement des étrangers, une possible réinstallation obligatoire dans d’autres régions. Mais il est aussi mentionné dans le troisième point du décret : « D’autres mesures pendant cette période peuvent être appliquées sur le territoire de la Fédération de Russie. » Quelques heures après la publication, beaucoup d’avocats spécialisés ont émis cet avis : c’est une formulation qui permet d’introduire n’importe quand, n’importe quel élément de la loi martiale dans une région ou dans tout le pays. Y compris, et c’est l’inquiétude majeure depuis le 24 février dans la population, la fermeture des frontières. Démenti immédiat du Kremlin par la voix de son porte-parole : la mesure n’est pas prévue.
La question de la logistique militaire
Vladimir Poutine a aussi pris des mesures sur les fournitures de l’armée avec la création dans les prochains jours d’un Conseil spécial de coordination militaire dont l’objectif est de veiller à ce que les soldats n’aient besoin de rien. L’objectif surtout est de vérifier la fourniture des armes et du matériel. Tous les départements liés à la sécurité en Russie y auront un siège, entre autres le renseignement intérieur et extérieur et bien sûr l’armée.
À la tête de ce comité, Vladimir Poutine a désigné le Premier ministre, Mikhaïl Michoustine. Depuis huit mois, celui-ci se tenait à distance de tout débat et échange sur les questions militaires, contrairement à son prédécesseur. Quand Dimitri Medvedev achevait sa mue en « faucon », le chef du gouvernement, lui, se concentrait sur l’économie et les conséquences des sanctions.
Lors du fameux conseil de sécurité, trois jours avant le début du conflit, où Vladimir Poutine a interrogé un à un les responsables du pays sur la nécessité ou non de reconnaître les républiques séparatistes pro-russes de Louhansk et Donetsk, Mikhaïl Michoustine est ainsi l’un des très rares à avoir proposé de poursuivre les négociations diplomatiques. Cela n’a pas empêché que lui aussi soit sanctionné et désormais, une fois par semaine, c’est lui qui devra rendre compte à Vladimir Poutine, de l’état du si sensible sujet de la logistique de l’armée.