Autour de la Grecque Eva Kaili, l’ex-vice-présidente du Parlement européen inculpée pour corruption dans le cadre de l’enquête sur le Qatargate, la majorité des personnes visées par le parquet fédéral belge sont des ressortissants italiens. Des députés et des responsables d’ONG soupçonnés d’avoir été chargés de soigner l’image de l’émirat gazier auprès de l’institution européenne en échange de pots-de-vin.
Dans l’affaire du Qatargate qui secoue depuis quelques jours le Parlement européen, tous les regards sont braqués sur la Grecque Eva Kaili, son ex-vice-présidente. Pourtant, le 9 décembre dernier, d’autres personnes soupçonnées de corruption et de blanchiment d’argent au sein de l’institution européenne ont été arrêtées. Parmi elles, Francesco Giorgi, assistant parlementaire, Luca Visentini, dirigeant syndical, Pier-Antonio Panzeri, ancien eurodéputé et directeur d’ONG, ou encore Niccolò Figà-Talamanca, secrétaire de l’ONG No Peace Without Justice.
Leur point commun : ils sont tous italiens. Un détail qui bien sûr n’a pas échappé aux magistrats belges et aux médias transalpins qui évoquent déjà une « Italian connection ».
Une « organisation criminelle »
Pour l’heure, ces quatre ressortissants italiens sont soupçonnés par le parquet belge d’avoir reçu des pots-de-vin du gouvernement qatari.
Avec Eva Kaili, il formait le couple tendance du Parlement européen. Comme sa compagne, sous le feu des critiques en Grèce, Francesco Giorgi voit aujourd’hui son nom cité dans tous les médias italiens pour son implication dans le scandale.
Selon Le Soir, quotidien belge à l’origine des révélations sur le Qatargate, Francesco Giorgi « est un suspect majeur de la vaste opération anticorruption du parquet fédéral » belge.
Assistant parlementaire de l’eurodéputé Andrea Cozzolino, Francesco Giorgi est aussi un spécialiste des questions de droits humains et compte parmi les responsables de l’ONG Fight Impunity, qui promeut « la lutte contre l’impunité pour de sérieuses violations des droits humains », et dont le président n’est autre que Pier-Antonio Panzeri, ex-eurodéputé socialiste (2004-2019) arrêté également dans le cadre du Qatargate.
Âgé de 67 ans, l’homme politique italien, membre du parti Articolo Uno, est, selon Le Soir, « soupçonné par les magistrats et enquêteurs belges d’être à la tête d’une véritable organisation criminelle, financée par un État étranger – le Qatar -« . Depuis plusieurs mois, les enquêteurs belges « soupçonnent un pays du Golfe d’influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen, cela en versant des sommes d’argent conséquentes ou en offrant des cadeaux importants à des tiers ayant une position politique et/ou stratégique significative » au sein de cette institution.
Quelque 600 000 euros ont été saisis dans un coffre-fort à son domicile bruxellois, et 17 000 euros ont été retrouvés dans sa maison familiale à Calusco d’Adda (dans la province lombarde de Bergame, dans le nord de l’Italie).
Des investigations sur l’axe Bruxelles-Milan
Selon les informations du quotidien italien Corriere della Serra, « les investigations avancent actuellement à grands pas sur l’axe Bruxelles-Milan » pour identifier le réseau de relations de Pier-Antonio Panzeri.
Via l’Unité de coopération judiciaire de l’UE (Eurojust), le juge d’instruction Michel Claise bénéficie de l’assistance judiciaire du procureur Fabio De Pasquale, qui dirige le département « affaires internationales » du parquet de Milan. C’est ce dernier qui a ordonné la perquisition du domicile de l’ancien eurodéputé à Calusco D’Adda, où sa femme et sa fille sont désormais assignées à résidence.
Pier-Antonio Panzeri et sa famille « possèdent un patrimoine important composé de comptes courants communs, et de biens immobiliers qui ne peuvent se justifier qu’avec la riche prérogative collectée en dix ans de mandat parlementaire européen », relate le Corriere. Les investigations du procureur De Pasquale devraient par ailleurs permettre de faire la lumière sur des flux d’argent en provenance du Maroc et du Qatar, ajoute le quotidien.
Dans les rangs de la gauche depuis quinze ans, Pier-Antonio Panzeri aurait, selon l’enquête belge, utilisé son ONG Fight Impunity pour construire, grâce aux contacts noués au cours de ses mandats politiques, une véritable carrière de lobbyiste au profit du Qatar. À Bruxelles, l’ONG Fight Impunity partageait ses bureaux avec l’ONG No Peace Without Justice, dont le dirigeant, Niccolò Figà-Talamanca, a lui aussi été arrêté.
Selon l’enquête belge, Fight Impunity devait approcher des personnalités ayant une certaine aura dans le domaine des droits sociaux, afin d’améliorer l’image du Qatar, fortement dégradée après les accusations de violations des droits de l’Homme qui ont visé l’émirat dans le cadre de l’organisation du Mondial-2022.
Au total, 19 domiciles et dix bureaux parlementaires bruxellois ont été perquisitionnés. Des contrôles qui ont également concerné les eurodéputés belges (d’origine italienne), Marc Tarabella et Maria Arena, selon les informations relayées par la chaîne italienne RAI.
Libéré dès le lendemain de son arrestation, Luca Visentini, patron de la Confédération syndicale internationale, s’est confié au Corriere. Secoué par son expérience en prison, il dit avoir été libéré sans inculpation formelle. « Je ne suis impliqué dans aucune forme de corruption », a-t-il assuré au correspondant du média transalpin à Bruxelles. « Si j’avais été corrompu ou si j’étais un corrupteur, mes positions politiques auraient été très favorables au Qatar, mais les jours précédents j’avais déclaré que les réformes faites dans ce pays étaient totalement insuffisantes ».
Toutes les personnes visées par l’enquête du parquet fédéral belge sont liées au groupe des Socialistes et Démocrates (S&D) du Parlement européen. Mardi, le groupe a appelé les députés et assistants parlementaires faisant l’objet d’une enquête à quitter tout poste à responsabilité occupé au Parlement pendant la durée de la procédure. Bien que non mis en examen, les députés italiens Andrea Cozzolino et Pietro Bartolo ont également été suspendus.