Gestion pétrole et gaz au Sénégal : les acteurs se réunissent à Gorée pour analyser la problématique de gouvernance

La gestion des ressources pétrolières et gazières du Sénégal a été au centre des débats le mercredi 25 juillet 2018. Tous les acteurs du secteur minier ont pris part à la journée de réflexion organisée par le Gorée Institute qui a réussi à réunir autour d’une table les représentants de l’Etat, ceux des entreprises extractives, les membres du Réseau Parlementaire pour la Gouvernance des Ressources Minérales (RGM), les partenaires techniques et financiers, les acteurs de la société civile et des experts du secteur minier. En effet, le Sénégal étant devenu un acteur important sur le marché mondial des hydrocarbures avec la découverte récente de quantités importantes de pétrole et de gaz au large de ses côtes, les acteurs du secteur minier, à l’initiative de l’Institut Gorée qui prône le dialogue inclusif sur les questions nationales relatives à la gouvernance, la transparence et la reddition des comptes dans le secteur des ressources minières, se sont penchés sur les diverses contraintes pour mettre le potentiel minier au service du développement durable, de la stabilité, de la justice sociale et du bien-être du peuple sénégalais. Ainsi, ensemble, ils ont analysé la problématique de gouvernance des ressources minières au Sénégal, évalué le cadre juridique et institutionnel de gouvernance du secteur minier sénégalais et identifié ses forces et/ou ses faiblesses. Avant de recommander des actions spécifiques de nature à améliorer les performances du Sénégal dans le domaine pétrolier et gazier. A cet effet, Pr Sémou Ndiaye qui animé le panel a expliqué les liens entre sur la Gouvernance et la corruption dans la gestion des ressources minérales au Sénégal en précisant qu’il est difficile de déceler des cas de corruption dans la gestion des ressources pétrolières et gazières. « Les preuves de corruption n’ont pas encore été définies par les juridictions. On a un cadre de lutte contre la corruption, mais ce cadre compte des lacunes », a fait savoir l’enseignant à l’UCAD pour qui il faut étendre la déclaration de patrimoine et d’intérêt aux agents intervenant dans le secteur pétrolier et gazier, étendre la standardisation des contrats pour réduire les marges de manœuvre des agents de la corruption, mais aussi adopter une loi sur la propriété intellectuelle, associer la société civile à tous les processus de gestion et enfin assurer la traçabilité des revenus générés par les ressources pétrolières et gazières.

Abordant la question de la fiscalité pétrolière, Awa Penda Ndiaye de l’ONG OXFAM a averti que si les règles ne sont pas définies dans la loi, l’Etat perd. « Parce que les textes sont flous », s’explique-t-elle en indiquant toutefois que « si on applique la pratique internationale, dans tous les cas, l’Etat ne perd pas ». Sur les flux financiers illicites, Mme Ndiaye révèle que de 2000 à 2015, ceux-ci ont occasionné une perte de 75 milliards par an pour les pays africains. Raison pour laquelle elle pense qu’il ne faut pas se précipiter pour exploiter les ressources offshores, mais qu’il faut prendre d’abord en compte beaucoup de paramètres.

Dans cette journée qui a réuni 35 participants, les acteurs ont également étudié l’impact de l’exploration du pétrole et du gaz sur l’activité de pêche dans les différentes zones d’exploration de gaz et de pétrole. C’est en ce sens que l’ancien Maire de Kayar, Lamine Dramé a révélé que dans cette localité, « les pêcheurs subissent les contrecoups de l’exploitation du pétrole et du gaz ».

En ce qui la concerne, la Présidente du Réseau Paix et Sécurité des Femmes de l’Espace CEDEAO, Mme Diago Ndiaye a tenu à plaider pour la prise en compte de l’aspect genre dans l’exploitation des ressources minières. « Il faut prendre en compte l’aspect genre parce que cette exploitation comporte aussi des menaces sécuritaires chez les femmes et les jeunes », a-t-elle fait savoir.
Les acteurs du secteur minier n’ont pas manqué de fustiger le problème de l’accès à l’information dans l’exploitation du pétrole et du gaz. « Les données sont disponibles mais non accessibles, et leur exploitation est limitée », a fait remarquer Demba Seydi de la Coalition « Publiez ce que vous payez ». Il estime à cet effet que « si les ressources appartiennent au Peuple, ce dernier doit avoir accès à la bonne information sur toutes les opérations ». Le Réseau Parlementaire pour la Gouvernance des Ressources Minérales (RGM) a aussi fait valoir ses opinions sur la question. Ainsi, pour le député de la précédente législature, Cheikh Oumar Sy, « on a pris des engagements qui nous dépassent ». Attirant l’attention sur les manœuvres peu orthodoxes dont font montre les partenaires techniques, le parlementaire affirme que la Banque mondiale tord souvent le bras à nos États et, de manière indirecte, surtout avec cette notion de bonne gouvernance, injecte des fonds si elle sait que le Sénégal est solvable, pour ensuite avoir la possibilité de récupérer la plus grosse part, cinquante ans après. Raison pour laquelle M. Sy demande de faire très attention aux partenaires techniques. De l’avis de son collègue député, la gestion du pétrole et du gaz exige un « débat parlementaire sérieux ». « C’est un impératif », a dit Mamadou Lamine Diallo du RGM. Demba Keïta, parlementaire du même réseau estime pour sa part que les populations de base ne doivent pas se mettre à l’idée que le pétrole viendra régler tout leur problème. « Certes, ce sera une valeur ajoutée pour elles, mais cela n’est pas une raison pour abandonner leur métier et de se lancer dans le pétrole », dit-il.

Au cours de cette journée d’échanges et de réflexion, les acteurs du secteur minier de tous bords qui se sont réunis à Gorée Institute ont souligné le rôle que doit jouer la presse dans l’appropriation, mais surtout la simplification des questions liées au pétrole et au gaz. Dans leur majorité, les participants ont beaucoup insisté sur le problème de l’accès à l’information et même de l’accessibilité du débat. Ils ont également plaidé pour que le débat soit décomplexé et que toutes les couches concernées, surtout les populations de base, soient imprégnées. A la fin de cette rencontre, il a été mis sur pied un document de plaidoyer sur l’état des lieux, sur l’amélioration de la gouvernabilité du secteur, mais aussi sur le cadre juridique et institutionnel de gestion des ressources pétrolières et gazières. Les recommandations sont également allées dans le sens de la maximisation des revenus générés par l’exploitation des ressources pétrolières et gazières, et de la répartition équitable de ces revenus.