Le Pakistan a obtenu lundi plus de 9 milliards de dollars de promesses d’aides internationales pour se reconstruire après les inondations dévastatrices de l’an dernier et veut servir de modèle aux futures victimes de la crise climatique.
« Nous sommes peut-être le premier pays à avoir vu un tiers de sa masse continentale sous l’eau, malheureusement, nous ne serons pas les derniers », a prévenu le ministre pakistanais des Affaires étrangères, Bilawal Bhutto Zardari dans un entretien à l’AFP, à l’issue de la Conférence internationale des donateurs, qui s’est tenue lundi à Genève.
Le succès de la Conférence montre que le Pakistan « est en quelque sorte le modèle pour l’avenir », a-t-il souligné après la présentation d’un plan détaillé de redressement durable du pays.
Le Premier ministre Shehbaz Sharif, à la tête d’une vaste délégation, a souligné que son pays était engagé dans une « course contre la montre » pour faire face à des besoins immenses.
En juillet, le pays a été dévasté par des inondations massives qui ont fait 1700 morts et affecté plus de 33 millions de personnes.
Mécanismes de surveillance d’usage des fonds
Les engagements pris lundi, sous formes de dons et de prêts notamment, représentent un peu plus de la moitié des 16,3 milliards de dollars (15,3 milliards d’euros) jugés nécessaires pour reconstruire le pays afin, en particulier, qu’il résiste mieux aux assauts du changement climatique.
La France a promis 360 millions d’euros de projets pour aider à la reconstruction mais aussi 10 millions supplémentaires pour l’aide d’urgence. Les États-Unis et la Chine ont promis 100 millions de dollars supplémentaires et le Groupe de la Banque islamique de développement s’est engagé à financer 4,2 milliards de dollars au cours des trois prochaines années.
Des sommes bienvenues mais insuffisantes vu l’ampleur des dégâts, estime Farooq Tariq, secrétaire général du Comité Kissan Rabita (PKRC), un réseau d’organisations paysannes pakistanaises. Très actif en matière de climat, Farooq Tariq a manifesté à la COP27 en Égypte pour réclamer une hausse de l’aide internationale à son pays après les inondations massives.
Devant les risques de détournement de ces sommes colossales, l’ONU et le Pakistan ont promis des mécanismes de surveillance et d’évaluation de l’usage des fonds. Un groupe international de soutien, auquel la France souhaite participer, accompagnera la mise en oeuvre de la manne internationale.
Le chef de la diplomatie pakistanaise voit « une opportunité dans cette crise » et estime que « désormais nous pouvons investir dans les infrastructures dans les zones les plus défavorisées » et stimuler leur croissance.
Les inondations dévastatrices de l’été dernier – ayant fait plus de 1700 morts et touchées plus de 33 millions d’autres – et la crise énergétique mondiale ont accentué la pression sur l’économie pakistanaise, plongeant le pays dans une situation financière extrêmement difficile.
Le chef de l’ONU Antonio Guterres, lui aussi venu au bord du Léman, a d’emblée réclamé « des investissements massifs » et une réforme du système financier international, dont il a dénoncé la « faillite morale », pour aider le Pakistan. Il a déploré que ce système financier international ne vienne pas suffisamment en aide aux pays à revenu intermédiaire, en allégeant notamment leur dette, alors qu’ils en ont le plus besoin pour faire face aux défis climatiques.
Par ailleurs, devant les journalistes, Shehbaz Sharif a enjoint le Fonds monétaire international (FMI) à réduire la pression sur son pays. « J’essaie constamment de les persuader de nous accorder une pause » dans les réformes que le Fonds exige pour débourser une nouvelle tranche d’aide financière et ainsi rassurer les marchés, a-t-il insisté. Le ministre des Finances, Ishaq Dar, devait d’ailleurs rencontrer une délégation du FMI à Genève.
Et le Fonds n’est pas le seul à avoir des exigences. Le Royaume-Uni a souligné que le « contribuable pakistanais » devait porter sa part du fardeau et la Banque mondiale a mis en garde : « Une reprise véritablement résiliente ne sera pas possible sans réformes budgétaires et structurelles supplémentaires. » La Banque a toutefois promis un prêt de deux milliards.
Pertes et dommages
Le Pakistan, le cinquième pays le plus peuplé au monde avec 216 millions d’habitants, est responsable de moins d’un pour cent des émissions de gaz à effet de serre. Mais il est l’un des plus vulnérables face aux événements météorologiques extrêmes qui se multiplient.
Le pays fait d’ailleurs partie de ceux qui ont soutenu à la COP27 en novembre la création du fonds « pertes et dommages » visant à soutenir les pays du sud, face aux conséquences du réchauffement climatique. « En cas de doute sur « les pertes et les dommages », allez au Pakistan », un pays « doublement victime du chaos climatique et d’un système financier mondial en faillite morale », a lancé M. Guterres.
Sur les 16,3 milliards de dollars nécessaires pour financer le Plan de redressement, de réhabilitation et de reconstruction résilients du Pakistan, le gouvernement estime pouvoir en financer la moitié par le biais de son propre budget et de partenariats public-privé, mais a besoin de la communauté internationale pour payer le reste.
(Avec AFP)