Droit de vote des personnes handicapées: vers une société plus inclusive

« Autonomiser les personnes handicapées et assurer la participation et l’égalité » : c’est le thème de la Journée internationale des personnes handicapées, qui se déroule lundi 3 décembre. Pour rendre la société plus inclusive, le gouvernement français a annoncé le 25 octobre que les personnes majeures sous tutelle auront un droit de vote inaliénable. Les associations s’en réjouissent, mais demandent un réel accompagnement.

Lorsqu’elle a eu 18 ans en 2016, Justine, handicapée mentale, est passée devant un juge des tutelles. « Il m’a demandé si François Hollande était de droite ou de gauche. J’ai répondu qu’il était de droite. Je ne connaissais pas non plus les noms des ministres. Le juge m’a dit de revenir dans trois ans pour une nouvelle demande de droit de vote », explique-t-elle.

La jeune femme, vivant dans un établissement géré par l’Association départementale de parents et amis de personnes handicapées mentales (Adapei), avoue qu’elle n’avait que peu de connaissances sur la politique. La décision était néanmoins « injuste » selon elle. « J’étais énervée sur le coup. On a le droit de se tromper, et on peut aider ou accompagner une personne handicapée à voter. C’est un droit, ma citoyenneté. Je veux élire mon président ».

300 000 personnes sous tutelle privées du droit de vote

Comme Justine, ce sont près de 300 000 personnes sous tutelle, principalement avec un handicap mental et psychique, qui ne peuvent voter. Mais bientôt, ils n’auront plus à passer devant un juge pour obtenir le droit de voter, ou simplement de se marier ou de se pacser.

Suivant la promesse du candidat Emmanuel Macron de rendre la société plus inclusive, le gouvernement a annoncé le 25 octobre des mesures pour changer le quotidien de personnes handicapées. La plus emblématique d’entre elles : le droit de vote inaliénable des personnes majeures sous tutelle.

Selon la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées Sophie Cluzel, ces 300 000 personnes sous tutelle privées du droit de vote pourront s’exprimer dès les élections municipales de 2020. Concrètement, l’article L5 du code électoral, selon lequel « le juge statue sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée », sera supprimé.

Ce premier pas est positif, mais il faut un travail « d’accompagnement de cette citoyenneté »

Pour les associations, cette mesure, réclamée depuis de nombreuses années, constitue une avancée. « C’est l’expression d’une pleine citoyenneté. Les personnes handicapées demandent clairement qu’on ne fasse rien sans eux, sans qu’ils ne puissent s’exprimer », explique Luc Gateau, président de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei).

Cette mesure nécessite néanmoins, selon lui, un « accompagnement de cette citoyenneté ». Un avis partagé par Matthieu Annereau, président de l’Association nationale pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques et privées. Saluant une « mesure positive », il appelle à aller plus loin pour garantir une réelle accessibilité du vote. « Cela passe par du braille ou des messages auditifs pour les non-voyants, des écritures en facile à lire et à comprendre pour les personnes atteintes d’un handicap mental, et aussi par l’accessibilité des bureaux de vote et des bâtiments qui reçoivent des réunions publiques de candidats. »

A ceux qui estiment que les personnes sous tutelle manqueraient d’un jugement libre pour voter, Matthieu Annereau répond : « C’était déjà l’argument à l’époque pour les femmes ne puissent pas voter. On casse des tabous dans la société française. » Ce droit de vote inaliénable de toutes les personnes handicapées figure déjà dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU, ratifiée par la France en 2010.

 

rfi