«Gilets jaunes»: vu d’Italie, un petit air de «guerre civile»

Partout en Europe le conflit social qui secoue la France est suivi avec intérêt ou inquiétude. En Italie, le mécontentement s’était exprimé dans les urnes, en mars dernier. Il a porté au gouvernement une coalition inédite entre la Ligue de Matteo Salvini et le Mouvement Cinq Etoiles fondé par Beppe Grillo.

Comment les Italiens réagissent-ils aux événements des dernières semaines ?

Anne Tréca : Les Français sont des durs, c’est ce que vous diront la plupart des Italiens habitués aux manifestations musclées des paysans français ou aux heurts dans les banlieues. Mais cette fois les images arrivées de Paris ont semé la désolation. Les Champs-Élysées saccagés, l’Arc de Triomphe vandalisé ne réjouissent personne ici. Tout au contraire. Les Italiens sont ahuris par ce déchaînement de violence. Ce besoin de tout casser pour exprimer un mécontentement qu’ils ne comprennent d’ailleurs pas davantage, venant d’un pays qui offre des services publics et des prestations sociales bien supérieurs à l’Italie. Les Français font donc un peu l’effet d’enfants gâtés belliqueux.

Est-ce que l’image de la France en est abimée ?

Elle n’en sort pas grandie. Même si depuis quinze jours les journaux font un vrai effort d’explication de cette France que personne ici ne connaissait : le pays à deux vitesses. la réalité des régions moins prospères, du pouvoir d’achat en baisse, l’impopularité aussi d’un président élu par défaut… Et ça c’est ce que comprennent le mieux les Italiens. Le président jupitérien est aux antipodes de la tradition italienne. Avec lui, la France avait affiché sa grandeur, des célébrations pompeuses qui avaient fait l’admiration de beaucoup d’Italiens mais suscité peut-être aussi un peu d’envie. En politique, avec Macron à Paris et Salvini à Rome, la relation franco-italienne est au plus mal, et les Italiens sont sévères à l’égard du gouvernement français.

Matteo Salvini justement, a même déclaré cette semaine que, vu ce qui se passe en France, Emmanuel Macron n’était plus un problème pour lui, et n’était plus un problème pour l’Europe. C’est lapidaire. En quoi les difficultés d’Emanuel Macron font-elles le jeu de Matteo Salvini ?

Les deux hommes sont en concurrence directe. Tous deux veulent devenir de vrais leaders européens. mais pas avec les mêmes projets. Le Français veut relancer une union plus intégrée. L’Italien veut une Europe des nations, fermée aux migrations, libérée de la discipline budgétaire. Si Macron est fragilisé chez lui, les équilibres européens vont changer. Pour Salvini c’est l’espoir de peser davantage à Bruxelles. Voire même de jouer un rôle majeur en Europe si son alliée au parlement, Marine Le Pen, devait récupérer  dans les urnes les fruits de la crise. C’est tout le sens du message qu’il a posté sur Twitter au-dessous d’une photo des « gilets jaunes » manifestant à Paris « ça fait du bien de voir que j’ai aussi des soutiens avec les Français lassés de Macron ». La révolte des « gilets jaunes » est tellement favorable aux ambitions de Salvini qu’ici aussi une coordination de « gilets jaunes » est née. Mais attention : en soutien à la coalition Ligue – Cinq Étoiles.

 

rfi