Triple saut: Hugues Fabrice Zango dans une nouvelle dimension

C’est une grande performance qu’a réalisée dimanche 27 janvier à Bercy le champion d’Afrique du triple saut, le Burkinabè Hugues Fabrice Zango. En retombant à 17 m 58, il a établi un nouveau record d’Afrique. Confirmation de l’émergence d’un grand talent, sous la direction de son nouvel entraîneur le Français Teddy Tamgho, le détenteur du record du monde en salle.

Dans ce meeting de Bercy où s’enchaînent sprints et sauts pour emballer le public sur fond de décibels et d’effets de lumières, Hugues Fabrice Zango a bien compris l’idée. Le show, il va le faire jusqu’au bout. Le voilà en finale du concours contre le Cubain Diaz. La formule est originale : entre les deux hommes, la victoire se joue sur un seul essai.

« J’étais venu pour le record d’Afrique »

Dernier à s’élancer, le Burkinabè emporte tout et fait exploser le Palais omnisports. La mesure s’affiche sur les tableaux électroniques : 17 mètres 58 ! C’est-à-dire ? La  meilleure performance mondiale de la saison qui commence. Mais encore ? 35 centimètres de plus que le record d’Afrique en salle dont Zango s’est emparé un an plus tôt, jour pour jour. Rien d’autre ? Avec 17 mètres 58, il est désormais détenteur du record d’Afrique tout court, « archivant » les 17 mètres 37 atteints en plein air en 2007 par le Marocain Tarik Bougtaib.

Le plus fort peut-être, c’est que le héros de la soirée avait annoncé cette performance la veille de la compétition. « J’étais venu pour le record d’Afrique et ça s’est passé mieux que prévu, rigole-t-il, j’ai un peu galéré sur le début du concours. J’ai eu besoin de trois sauts pour m’adapter à la piste. Mais vu ce que je faisais à l’entraînement, la performance devait sortir. C’est un cap de passé ! »

Hugues Fabrice Zango ne sort pas de nulle part. Né à Ouagadougou il y a un peu plus de 25 ans, il mêle études et sport de haut niveau depuis quelques années en France. Il a fait les Jeux olympiques à Rio, terminé 6ème des Championnats du monde en salle en mars 2018 à Birmingham et décroché l’été dernier au Nigéria un premier titre de champion d’Afrique.

Teddy Tamgho (g) et Hugues Fabrice Zango.Photo : Christophe Jousset / RFI

Sous l’aile de Teddy Tamgho

Depuis, une rencontre a accéléré sa progression : Teddy Tamgho. Le Français a été champion du monde en salle du triple saut en 2010. Sérieusement blessé en 2106, il espère reprendre le cours de sa carrière. En attendant, il entraîne depuis septembre l’Etalon triple sauteur qui avait bien besoin d’un tel mentor. « Depuis le début de ma carrière, je ne m’étais jamais vraiment entraîné avec un spécialiste du triple, explique Zango. Gaëtan Bucki qui est lanceur de poids dans mon club m’a dit que j’avais énormément de lacunes techniques notamment dans la coordination et qu’un coach spécialisé m’apporterait quelque chose. Maintenant, je suis sous l’aile de Teddy Tamgho. J’ai un énorme respect pour lui parce que ce qu’il a fait pour le triple saut, c’est ridiculement incroyable (sic) ! »

Teddy Tamgho détient le record du monde en salle avec 17 mètres 92 (en mars 2011 à Bercy). Ce record est-il battable ? « Absolument !, lâche Zango en se tournant vers son aîné. Le coach pourra vous dire quand je serai prêt à battre son record. » Tamgho ne se risque pas à annoncer quoi que ce soit, il ne sait pas jusqu’où Zango peut aller : « Il y a un gros moteur sous le capot ! Il est rapide, très élastique, très très fort, vous avez vu le corps qu’il a ? Il a tout pour être un grand sauteur.  Aujourd’hui, il a sonné à la porte des meilleurs pour leur dire : « Je suis encore loin de vous, mais sachez que je suis présent. » »

En plus d’avoir un « gros moteur », le Burkinabè a un cerveau bien fait. Brillant étudiant en génie électrique à Béthune dans le nord de la France, il espère boucler un doctorat dans trois ans. Un objectif aussi capital que ce qu’il fait sur les sautoirs. « Vraiment ce double projet me tient à cœur parce que la reconversion après l’athlé est très importante. »

« Je le donne en exemple à mes autres athlètes »

Le regard de l’athlète porte loin et Teddy Tamgho l’avoue dans un sourire éloquent, il se régale à entraîner un sauteur à qui il ne faut pas répéter plusieurs fois les consignes : « Je le donne en exemple à mes autres athlètes pour son sérieux. Et il capte très vite. On sent le master, on sent le doctorat. Ça percute très vite ! »

Hugues Fabrice Zango a encore quelques meetings à son programme cet hiver. Ensuite il se reposera avant de reprendre l’entraînement en prévision des Championnats du monde en plein air programmés tard cette saison. Ce sera fin septembre – début octobre à Doha au Qatar, où son entraîneur a décroché il y a neuf ans le titre mondial en salle. A Doha ou ailleurs, Teddy Tamgho espère se retrouver dans le rôle d’un athlète. Et pourquoi pas face à Zango : « La meilleure manière pour lui de me respecter, c’est de tout donner contre moi et de ne pas être impressionné. Qu’il me termine (sic), s’il le faut. Et si je dois le battre, je n’hésiterai pas non plus. »