Le parti Rassemblement national mise-t-il sur les « fake news » pour remporter les européennes ? C’est la crainte exprimée par Emmanuel Macron. De la loi anti-fake news à son projet de « vérification de l’information », en passant mercredi 13 février 2019 par le lancement officiel d’une cellule de riposte anti-RN, le président multiplie les initiatives. En ligne de mire : le parti de Marine Le Pen.
A l’approche des élections européennes de mai prochain – scrutin test pour Emmanuel Macron -, l’Elysée considère que l’extrême droite française est devenue une « usine à fake news », à infox.
A l’instar de Donald Trump en 2016, ou de Nigel Farage pendant la campagne du Brexit, « il y a aujourd’hui manipulation pour tenter de capter un électorat (…) pour manipuler son vote, c’est une inquiétude majeure », s’alarme la ministre en charge des Affaires européennes.
Nathalie Loiseau explique à RFI que l’exécutif agit à plusieurs niveaux : mise en place d’un réseau d’alerte rapide entre pays membres de l’Union, mise en valeur des « contenus médiatiques professionnels en matière de lutte contre les infox », travail à l’éducation des jeunes et organisation, au sein du parti La République en marche (LREM), d’une riposte pour « ramener la vérité ».
Traité d’Aix-la-Chapelle, pacte de Marrakech, deux fake news
Si, en montrant du doigt le Rassemblement national (RN), Emmanuel Macron choisit son ennemi, la construction et le partage des infoxs par Marine Le Pen est une réalité. En quelques semaines, le RN en a au moins diffusé deux.
D’abord concernant le pacte de Marrakech sur les migrations, dans lequel la patronne du parti d’extrême droite a vu une « submersion migratoire organisée », alors que le texte martèle au contraire le « droit souverain des Etats » à définir leur politique.
Puis, le traité d’Aix-la-Chapelle. Un traité de coopération franco-allemand accusé par Marine le Pen d’organiser « une mise sous tutelle d’une part de l’Alsace » et un « partage » du siège de la France au Conseil de sécurité de l’ONU avec l’Allemagne.
Une affirmation fausse, car si le traité parle effectivement d’approfondissement de la coopération en matière de politique étrangère (article 3), il n’y est fait aucune mention, ni d’une « vente de l’Alsace » à la découpe, ni d’un « partage de siège » avec l’Allemagne.
Les réseaux sociaux ont « accéléré la circulation des contenus »
Chacun peut le vérifier en se rendant sur le site du ministère des Affaires étrangères, où le traité est consultable. Peu importe, au RN, on fait désormais primer l’opinion sur les faits et on l’assume.
Pour le député Sébastien Chenu, le RN ne diffuse pas d’infox mais dévoile une vérité « cachée » aux Français : « Ce qui est écrit est fait pour ne pas faire peur aux populations. (..) Nous ne croyons pas à la sincérité de ce gouvernement. C’est de notre devoir d’alerter sur ce qui risque de se passer. »
Bienvenue dans l’ère de la post-vérité. Peut-on parler d’une nouvelle technique de campagne pour le Rassemblement national ? Pas si sûr. Les spécialistes de l’extrême droite française le disent tous : « L’outrance et la caricature ont toujours fait partie du discours de l’extrême droite », rappelle le journaliste Jean-Pierre Camus.
« Ce qui est nouveau, précise le politologue Bruno Cautrès du CEVIPOF, c’est que les réseaux sociaux se sont multipliés et ont accéléré la circulation des contenus. » En discutant avec Facebook et Twitter, en misant sur l’éducation aux médias, l’exécutif « a donc raison », ajoute le chercheur. « Mais il lui faudrait aussi accepter de débattre avec le RN, même quand il diffuse de fausses informations. Car crier aux fake news ne suffit pas. »
Rfi