Scandaleux! C’est le terme le plus adéquat pour qualifier la sortie du ministre de la Justice, Garde des Sceaux dans le numéro de l’hebdomadaire “Jeune Afrique” de cette semaine. Concernant les dignitaires du régime actuel épinglés depuis 2012 par les Corps de contrôle de l’Etat, Ismaïla Madior Fall a donné matière à dénoncer à ceux qui ont toujours soutenu l’impartialité de la Justice devant les citoyens. Surtout que selon les infos en sa possession, SourceA est en mesure d’écrire que l’Agence Judiciaire de l’Etat ne connait cette procédure de remboursement qu’en rêve, tandis que la Cour des Comptes n’a pas émis de décision pour qu’un Tribunal statue sur les recommandations au sujet des dignitaires mis en cause.
“Des membres du Parti au pouvoir ont aussi été condamnés, d’autres épinglés par la Cour des Comptes, remboursent, aujourd’hui, les sommes en cause. Personne ne parle d’eux, car ils ne sont pas candidats à la Présidentielle’’. C’est la balle que s’est logée dans la tête, volontairement, le ministre de la Justice. Qui, dans la foulée de cette sortie somme toute bizarre, à moins d’une semaine de la Présidentielle du 24 février prochain, a indiqué : ‘’je ne révélerai pas leur nom, car c’est inutile de les vilipender’’.
Ces quelques mots prononcés par Ismaïla Madior Fall vont causer davantage de tort au régime qui a toujours été attaqué sur la gestion des scandales financiers. Certains ont même soutenu que le président Macky Sall, qui avait placé son mandat actuel sur la traque aux biens mal acquis et une gouvernance sobre et vertueuse, a décidé de changer de fusil d’épaule, en poursuivant ses adversaires politiques, tout en protégeant les siens.
Les affaires dites Karim Wade, ancien ministre du Pds et Khalifa Sall, ex-maire de Dakar, tous deux candidats déclarés à la Présidentielle de 2019 et sévèrement condamnés pour des faits de détournements de deniers publics et d’enrichissement illicite, au moment où des ténors de la Mouvance présidentielle ont été épinglés par le premier Rapport, dès la création de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) et ceux de l’Inspection générale d’Etat et de la Cour des comptes.
Cheikh Guèye, maire de Dieuppeul/Derklé : ‘’c’est un scandale d’entendre un ministre de la Justice confirmer que des voleurs sont protégés et d’honnêtes citoyens jetés à la vindicte populaire’’
Pour Cheikh Guèye, maire de Dieuppeul/Derklé, ‘’c’est un scandale, dans un pays comme le Sénégal, de voir de tels propos assumés par un ministre de la République’’. Pour ce proche de l’ex-maire de Dakar, ‘’Khalifa Sall et ses coaccusés sont jetés en pâture, depuis près de deux ans, juste parce qu’ils sont de l’opposition, si on se réfère aux propos d’Ismaïla Madior Fall’’. Car, rajoute Cheikh Guèye, ‘’comment des personnes épinglées par des Corps de contrôle peuvent-elles rembourser, alors qu’aucune Juridiction ne les a jugées encore moins condamnées?’’.
Pour le maire de Dieuppeul, le ministre de la Justice a été, tout simplement, pris de court par la question et a répondu, sans se rendre compte qu’il enfonçait son mentor, qui est accusé d’instrumentaliser la Justice au profit de son camp. Une véritable justice de C’est du «Coumba ame Ndèye, Coumba amoule Ndèye».
Birahim Seck du Forum-civil : ‘’un Etat n’est pas une garderie d’enfants et que les ministres ne sont pas nos tuteurs pour nous cacher l’origine et/ou la destination de nos deniers publics…”
Même son de cloche, du côté du Forum-civil. Son Coordonnateur général, Birahim Seck, a déclaré que «cette sortie relève d’un amateurisme d’Etat ou d’un gangstérisme politique». Pour le successeur de Feu Mouhamdou Mbodj, «premièrement, le ministre de la Justice doit édifier les Sénégalais sur les décisions de la Cour des Comptes qui ont consacré ces condamnations.
…en l’absence de preuves des sommes dites remboursées, nous assisterons à un détournement de deniers publics organisé’’
Deuxièmement, l’argent public doit être retracé dans la Loi de finances ; d’où, l’éclairage attendu du ministre sur les rubriques budgétaires ou du compte spécial où peuvent être vérifiée l’existence des sommes remboursées.
Troisièmement, un Etat n’est pas une garderie d’enfants et que les ministres ne sont pas nos tuteurs pour nous cacher l’origine et/ou la destination de nos deniers publics’’.
Poursuivant son argumentaire, le responsable du Forum-civil met un dernier clou, dans le cercueil : «au cas contraire ou en l’absence de preuves des sommes dites remboursées, nous assisterons à un détournement de deniers publics organisé’’.
Ismaïla Madior Fall brûle l’Agence judiciaire de l’Etat et s’assoit sur l’orthodoxie administrative
En essayant de justifier ces remboursements «souterrains», Ismaïla Madior Fall revient sur la vocation des différents Corps de contrôle. Selon lui, la Cour des Comptes est une Institution indépendante de l’Exécutif et du Parlement. Par contre, l’IGE, elle, rend compte, directement, à la Présidence et, a pour mission de contrôler, d’enquêter et de sanctionner les différents ministres et fonctionnaires.
Mais ce que le ministre a oublié, c’est que, dans toute cette opération de remboursements annoncés, la cheville de l’Etat dans ce domaine est laissée en rade. Selon des infos en possession de SourceA, l’Agence judiciaire de l’Etat est parcourue de frissons, en apprenant les affirmations du Garde des Sceaux. Pourtant, l’Agence judiciaire de l’Etat est un Organe, qui a été créé par le décret n°70-1216 du 7 novembre 1970 et fixant ses attributions. Sa mission première étant de défendre et de sauvegarder les intérêts budgétaires de l’Etat.
L’Agent judiciaire de l’Etat est un fonctionnaire, qui représente, donc, l’État devant les Juridictions (Tribunaux) judiciaires jugeant les affaires civiles et pénales, mais pas devant les juridictions administratives. Ainsi, l’Aje représente l’État comme demandeur, quand celui-ci réclame en justice réparation d’un préjudice qu’il affirme avoir subi (État qui se dit créancier).
Sauf exception prévue par la loi, toute action en justice intentée devant les juridictions judiciaires, afin de faire déclarer l’État créancier ou débiteur doit être exercée par ou contre l’Aje.
L’Aje agit en vertu d’un mandat légal d’ordre public. Il est le seul à pouvoir représenter l’État dans les domaines qui lui sont assignés, il dispose donc d’un monopole.