13-Novembre: le jihadiste Fabien Clain, voix du groupe EI, tué en Syrie

Fabien Clain, jihadiste français dont la voix a été identifiée dans le message de revendication de l’organisation Etat islamique des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, a été tué mercredi en Syrie par une frappe de la coalition, rapporte ce jeudi 21 février Franceinfo. Son frère Jean-Michel aurait été gravement blessé.

« Pour Allah, nous nous sacrifions. Pour Allah, nous vous terrifions », scandaient Jean-Michel et Fabien Clain dans l’une des vidéos de propagande du groupe Etat islamique postée quelques semaines après les attentats de Paris. Au lendemain du 13 novembre 2015, au micro de Daech, Fabien Clain évoquait « l’attaque bénie » menée par « les soldats du califat » dans « la capitale de la perversion ».

Fabien et Jean-Michel Clain, alias Omar et Abdelwahid, 40 et 38 ans, étaient proches de Mohamed Merah, le tueur de Toulouse et Montauban. Cette fratrie catholique d’origine réunionnaise se convertit à l’islam dans les années 1990. Dès lors, dans leur quartier du Mirail à Toulouse, ils affichent des convictions très radicales. En 2006, ils sont rattrapés par la justice pour avoir tenté d’aller combattre en Irak. Neuf ans plus tard, alors qu’ils sont suivis par la Sécurité intérieure, ils parviennent à rejoindre la Syrie en famille.

Fabien Clain devient alors la voix officielle en français du groupe terroriste. Sur les réseaux sociaux, il délivre aussi une propagande très agressive, construite comme des films hollywoodiens, avec pour fond sonore des chants à la gloire de l’islam. Estimant avoir démontré leur implication dans les attentats du 13-Novembre, les juges d’instruction avaient émis contre eux un mandat d’arrêt en juin 2018.

« C’est important pour la France, parce que Fabien Clain était devenu un symbole de la sphère jihadiste francophone au sein de l’Etat islamique, rappelle sur RFI Claude Moniquet, ancien agent de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). C’est quelqu’un qui était engagé dans le jihad depuis plusieurs années antérieures à l’Etat islamique. Il a été condamné à une peine de prison, il est sorti en 2012. Il a rejoint l’Etat islamique avec son frère en 2015 ; sa sœur a essayé de les rejoindre en 2016, donc c’est une affaire de famille. »

« Ils vivotaient, ajoute-t-il, autour de ce que l’on appelait la « cellule d’Artigat », autour du fameux Olivier Corel, un Syrien naturalisé Français dans les années 1980. » Et d’ajouter que les frères Kouachi, Amedy Coulibaly et Mohamed Merah gravitaient aussi autour de ce personnage. « On pense que Fabien Clain était derrière certaines incitations de passage à l’acte en France », conclut Claude Moniquet.

Dernier bastion du groupe EI

Fabien Clain jouait encore un rôle opérationnel important dans l’organigramme du groupe Etat islamique : son dernier message de propagande en français datait du 28 décembre dernier. Pour les services de renseignement, les frères Clain étaient des cibles à très haute valeur, des cibles neutralisées à Baghouz, dernier bastion de Daech en Syrie, par une frappe de drones américains, selon les informations de RFI.

La nature du camp a probablement facilité l’opération de la coalition, explique Wassim Nasr spécialiste du jihadisme français. « C’est le dernier camp où se trouvent les derniers irréductibles parmi les jihadistes et leurs famillesC’est un camp qui est surpeuplé, les bombardements ne s’arrêtent pas. Donc on peut penser qu’il y a beaucoup de dommages collatéraux. On n’a pas de certitudes, mais quand on voit que le camp est visible à l’œil nu et qu’il y a beaucoup de jihadistes qui se sont rendus dernièrement, en recoupant les informations aux jumelles, avec des moyens techniques de reconnaissance de voix, il peut être facilement ciblé. Parce qu’on est plus du tout dans la situation où les jihadistes sont sur de grandes étendues territoriales ou dans des villes. Il n’y a pas d’infrastructures, de constructions en dur, les gens sont dans des tentes. Donc ça rend la détection et le ciblage plus facile. »

Selon les estimations près de 150 jihadistes français sont aux mains des Kurdes en Syrie et ces derniers jours les lignes ont bougé, alors que les services occidentaux prépareraient le retour des familles des jihadistes, et de nombreux combattants se rendent. « De nouvelles informations ont peut-être été recueillies », fait remarquer un expert de la mouvance islamiste.

Après cette frappe toute proche de la frontière irakienne, le nom de Fabien Clain s’ajoute à la liste des cadres français ou des éléments de l’organisation EI impliqués dans les attentats contre la France visés par des frappes de drones américains. Et cette dernière démontre « la détermination de la France et de la coalition à ne pas lâcher les jihadistes qui restent au combat, qui ne se rendent pas », analyse Wassim Nasr.

Prudence de Paris

Mais la ministre des Armées Florence Parly assure qu’il convient de rester vigilant, soulignant que l’information de la mort de Fabien Clain n’est pas confirmée. « Si c’était bien le cas, les Français (…) en seront certainement soulagés », ajoute toutefois la ministre. Alors pourquoi autant de prudence de la part des autorités ? Tout d’abord parce que la frappe durant laquelle Fabien Clain aurait trouvé la mort, a été réalisée par les forces américaines.

La ministre des Armées évoque « une opération de reconquête du dernier bastion de Daesh conduite par la coalition », sans fournir plus de détails. Une source proche des milieux officiels, citée par l’agence Reuters, précise que « Fabien Clain et son frère n’étaient pas visés directement », mais qu’ils se trouvaient dans la région de Baghouz avec d’autres combattants lorsqu’ils ont essuyé un bombardement aérien de la coalition.

A Paris, on reconnait qu’il va falloir maintenant procéder à des vérifications, une phase « d’exploitation » de la frappe comme disent les militaires. Mais ça ne sera peut-être pas simple, car des éléments de l’organisation Etat islamique pourraient encore se trouver dans la zone où Fabien Clain aurait été tué. Or, les forces spéciales occidentales qui recherchent les terroristes dans cette région de la Syrie se méfient des pièges que pourraient leur tendre les derniers combattants de Daech encore actifs dans ce secteur.

 

Rfi