On croyait le débat dépassé. Que nenni. Il revient toujours, insidieux. Et il en sera ainsi de plus en plus que l’on s’approchera de la présidentielle de 2024.
Car, faudrait-il le rappeler, l’Alliance pour la République (Apr) fonctionne exactement comme son frère aîné, le Parti démocratique sénégalais (Pds). Pis, ce dernier est encore plus organisé, plus ancien et mieux structuré. Alors, le parti de Macky va difficilement se passer de sa personne.
C’est ce qui rend lancinante la fameuse question du troisième mandat, agitée çà et là.
C’est Sitor Ndour, à la suite de Mbaye Samb du Conseil économique social et environnemental, qui soutient que «Légalement, le troisième mandat est possible. La Constitution dit à peu près ceci : le mandat présidentiel est de 5 ans. Nul ne peut exercer au-delà de 2 mandats consécutifs. Cette loi a été prise au moment où le premier mandat de Macky Sall était en cours. Tout le monde sait qu’en droit, la loi ne vaut que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif».
Et pourtant, le Ministre de la Justice, Ismaël Madio rFall, a été formel : ‘’La Constitution du Sénégal est très claire sur la question du mandat du Président de la République et ne laisse place à aucune interprétation sur la possibilité d’un troisième mandat. L’article 27 de la Constitution dit : «Le Chef de l’Etat est élu pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs’’. Les choses semblent être clairs aux yeux de nombreux partisans du Président, au rang desquels l’ancien Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye pour qui le troisième mandat n’est même pas envisageable.
Au demeurant, le troisième mandat inconstitutionnel bien connu des Sénégalais. L’ancien Président Abdoulaye Wade avait essayé » de convaincre l’opinion nationale et internationale sur la question en faisant appel à une armada de juristes, y compris français.
Au finish, son forcing lui couta cher car il sera battu à plate couture par le Président actuel, le Grand Manitou.
Ce qui veut dire, en clair, qu’il est dangereux pour Macky de prêter une quelconque oreille attentive aux partisans du troisième mandat qui sont plus nombreux qu’on ne le pense, pour des raisons évidentes. Les mêmes motifs qui font que le président algérien Abdellatif Bouteflika a voulu briguer un cinquième mandat.
En Mauritanie, en Guinée Conakry et ailleurs en Afrique, ce débat pernicieux s’est posé avec la même acuité. Il a fallu la détermination du Président de s’affranchir de son entourage et de privilégier la Constitution.
Car, le problème, c’est justement l’entourage des Chefs d’Etat. Des gens qui ont goûté au pouvoir, exercé des privilèges à tous les niveaux et ne souhaitent nullement que le système tombe.
Conséquence, les Présidents qui restent otages de leurs entourages ne vont jamais céder le pouvoir. Ils trouveront, toujours, un moyen de s’y accrocher.
Or, ce que l’on oublie, souvent, c’est qu’il y a la lettre et l’esprit de la Constitution. Et tout le monde sait que l’esprit du législateur, il n’est pas question de permettre au Président en exercice, au moment où la nouvelle Constitution est votée, de briguer un troisième mandat. Car, charité bien ordonnée commence par soi-même. Le président ne peut pas dire qu’il va faire trois mandats alors que les autres vont en faire deux. Ce ne serait pas logique. Même si, dans la lettre, on peut parler de non-rétroactivité de la loi ou d’application immédiate.
En tout état de cause, ‘’la jurisprudence Wade’’ doit convaincre les récalcitrants de se calmer.
Alors, il serait préférable que, comme en Mauritanie et ailleurs, le Président Sall mette définitivement fin à ce débat vicieux qui risque, à la longue, de lui faire beaucoup de mal.
L’occasion sera belle lors de sa prestation de serment le 02 février. Et que son entourage sache que l’on ne peut pas s’éterniser au pouvoir. On quittera tôt ou tard. Et que la politique n’est pas un travail, mais une mission de service public somme toute honorable.
Pis, c’est un genre de débat qui divertit, pollue l’atmosphère et empêche l’entente nationale. Surtout à un moment décisif où tout le monde sait que les priorités sont ailleurs.