Langue française, francophonie et histoire d’Haïti étaient au programme d’« Urgence(s) d’écrire, rêve(s) d’habiter », la leçon inaugurale de l’écrivaine haïtienne, ce 21 mars. Yanick Lahens a ainsi baptisé la chaire « Mondes francophones », récemment créée par le Collège de France justement dans le but de favoriser la réflexion autour de la francophonie et ses expressions culturelles.
Yanick Lahens est convaincue qu’il faut connaître l’histoire d’Haïti pour comprendre sa littérature. Une littérature qui accompagne les premiers pas de la jeune République issue de la révolte des esclaves en 1804. « La littérature en langue française est d’abord celle d’une infime minorité, sommée d’écrire pour dire nous capable de fonder une communauté de citoyens », rappelle-t-elle.
« L’exaltation de l’épopée de l’indépendance et la mise en garde contre un éventuel retour des Français caractérisent toute cette poésie, les premières années », explique la romancière de 65 ans, qui cite Antoine Dupré [poète et dramaturge haïtien de la fin du XVIIIe NLDR] : « Si, quelque jour sur tes rives, reparaissent nos tyrans, que leurs hordes fugitives servent d’engrais à nos champs ».
Une littérature aux multiples identités
En une heure, devant des centaines d’auditeurs, l’écrivaine dresse le portrait d’une littérature qui a surgi aux confins du vieux monde occidental. Mais qui aujourd’hui est le visage même d’une mondialisation faite de multiples identités, avec de jeunes auteurs qui n’écrivent plus uniquement en français ou en créole : « La littérature haïtienne, grâce à la migration, est en train de se faire aujourd’hui dans deux autres langues de l’Amérique, l’anglais et l’espagnol ».
Grâce, notamment, aux écrivaines puisque « si la question de l’identité plus ouverte a été posée par les écrivains de première génération de l’exil, ce sont les femmes qui les premières ont fait le saut en écrivant en ces deux langues non officielles. Edwidge Danticat en anglais et Micheline Dusseck en Espagnol ».
Cette littérature en quatre langues, conclut Yanick Lahens, invite la langue française à une « cohabitation avec d’autres idiomes ». L’écrivaine haïtienne estime que le monde francophone doit apprendre à ne plus penser « la langue nationale selon les critères du 19e siècle ».