Theresa May envisage de démissionner, mais elle a posé une condition précise à son départ. Les députés de son parti doivent voter en faveur de l’accord de retrait de l’UE, conclu en novembre dernier, pourtant rejeté à deux reprises à la Chambre des communes. Reste à savoir si ce coup de théâtre suffira, alors que le DUP ne veut rien entendre et que le Parlement a rejeté tous les scénarios alternatifs.
Le moment d’émotion a été de très courte durée. Dans salle bondée, l’attention à son comble et devant son camp, la Première ministre, souvent comparée à un robot, a eu cette fois-ci quelques mots personnels. « Je n’avais pas imaginé ce moment si tôt, mais je suis prête à faire ce qui est juste pour notre pays et notre parti ».
Un moment solennel qui s’apparente à sa dernière carte, mais qui n’a pas atteint le DUP. Les Nord-Irlandais disent toujours « non ». Cela fait dix voix en moins et il en manque 75 pour faire passer l’accord. Et outre le coup de froid jeté par le DUP, certains leaders des « brexiters » ont également fait volte-face. Alors qu’ils avaient basculé ces dernières heures dans le camp du « oui » à l’accord, ils ont finalement décidé de revenir à leur première ligne : suivre le choix du DUP.
Pas de scénario alternatif
Si elle est encore loin de voir son accord adopté, Theresa May a aussi pu constater qu’aucune autre solution ne se dégageait au Parlement, théâtre d’échanges tendus. Les huit scénarios alternatifs soumis à une série de votes « indicatifs » ont tous été rejetés. Huit propositions, huit « non ».
Au premier abord, cela semble une catastrophe pour le Parlement qui cherchait à reprendre la main, mais à y regarder de plus près, deux possibilités ont tout de même émergé. Le second référendum est l’option qui a recueilli le plus de voix. Et le vote sur l’union douanière a été le plus serré, rejeté avec seulement 8 voix d’écarts. Au total, deux options cauchemar pour les « brexiters ».
Chaque jour, Westminster s’enfonce un peu plus dans la crise, pointe notre envoyée spéciale Anissa El Jabri. Dans la soirée, la Chambre des communes s’apparentait à une foule déchainée. Manifestations de colère et parfois un sentiment presque dépressif. Un député anonyme écrivait ce mercredi dans le journal le Times : « quand je pars aux communes, c’est un peu comme si j’allais à la guerre ou à l’enterrement d’un très proche. Des amis me souhaitent bonne chance. Des gens me disent que je dois tenir, que je vais m’en sortir. Je n’en suis pas sûr ».
Déception et soulagement à Bruxelles
Pour les Européens, les événements londoniens n’apportent aucune clarté supplémentaire au-delà du fait que les députés britanniques ont avalisé le report de la date du 29 mars, souligne notre bureau de Bruxelles. Pour les 27 États qui restent dans l’UE, le rejet par la Chambre des communes des huit motions indicatives sur le Brexit représente à la fois une déception et un soulagement.
Déception temporaire, car les motions appelant à un nouveau référendum, à une union douanière poussée ou à un abandon pur et simple du Brexit avaient le mérite de pousser à l’adoption de scénarios qui auraient bien simplifié la situation. Soulagement parce que ces motions ne liaient pas le gouvernement et n’auraient fait qu’ajouter à la confusion. En revanche, les Européens ne peuvent qu’être confortés dans leur idée : on sait ce que le Parlement britannique ne veut pas, mais pas ce qu’il veut.
De la même manière, les Européens ne peuvent que savoir gré à Theresa May de se sacrifier pour faire triompher l’accord de sortie, eux qui lui reprochent depuis des mois de n’avoir aucune stratégie politique aux Communes. En revanche, si par extraordinaire cette stratégie devait fonctionner, les 27 sont très dubitatifs quant aux noms des prétendants qui auraient alors à négocier la future relation euro-britannique, en particulier au sujet de l’ancien ministre des Affaires étrangères Boris Johnson, très mal vu à Bruxelles.
Rfi