L’existence d’un régime présidentiel supprimant la fonction de premier ministre, présuppose des modifications institutionnelles systémiques vers la rationalisation des partis politiques pour aboutir à un système bipartisan réel.
Tout système politique ou régime politique a ses avantages et ses inconvénients .Il en est ainsi du système présidentiel pur où il n’y a pas de premier ministre et du système parlementaire pur où le premier ministre est responsable entièrement devant le parlement. Toutefois, le système hybride semi présidentiel et semi parlementaire, qu’on pourrait appeler aussi présidentialiste, avait la possibilité de cumuler les avantages des deux systèmes, sans en subir les inconvénients de l’un ou de l’autre. Cette pratique présidentialiste, dans nos états africains soixantenaires, n’étant pas encore de longue tradition démocratique, était une astuce ou intelligence politique qui nous permettait de dépasser certaines crises politiques qui pouvaient apparaitre et que le Sénégal avait connu en 1962 ,s’agissant du régime parlementaire pur notamment.
En effet, le fait que, dans un régime de type présidentialiste, le premier ministre soit responsable à la fois devant le président de la république qui peut le démettre à tout moment et devant le parlement avec l’existence de la motion de censure, constitue une parade pour trouver une sortie de crise en cas de désaccord entre la majorité au parlement et l’exécutif. Est-ce que, nous sommes arrivés au Sénégal à une maturité politique et démocratique qui nous permette aujourd’hui de se passer de soupapes de sécurité ou bouée de sauvetages en cas de désaccord entre le parlement et l’exécutif ? Dans un tel système présidentialiste, lorsque un clivage apparait, le président de la république possède en l’occurrence le pouvoir de dissolution du parlement pour organiser des élections législatives anticipées, afin d’avoir une majorité stable au nouveau parlement et, de dépasser ainsi une situation de blocage.
En tout état de cause, dans un régime présidentiel pur, il faut souhaiter toujours que l’exécutif puisse avoir une majorité stable au parlement, ou, à la limite, être, comme aux USA, dans un système politique bipartisan avec l’existence d’un congrès composé d’une chambre des représentants et d’un sénat qui pourraient jouer le rôle d’équilibriste en étant un vrai contre pouvoir, car, c’est le pouvoir qui arrête le pouvoir. C’est dire que, l’existence d’un régime présidentiel pur supprimant la fonction de premier ministre, présuppose des modifications institutionnelles systémiques vers la rationalisation des partis politiques pour aboutir à un système bi partisan réel, mais aussi, la transformation du HCCT en sénat, afin que le parlement dépouillé de la motion de censure ,puisse constituer avec la chambre haute ,un congrès qui pourrait avoir des pouvoirs plus étendus et servir de contre pouvoir contre d’éventuelles dérives.
Cet aménagement institutionnel est d’autant nécessaire, que nous nous trouvons dans un état décentralisé où existe une réelle autonomisation des entités locales. Si bien que le rôle de la haute chambre, naturellement, doit être un rôle législatif d’approbation ou de non approbation des lois, de propositions de lois, de suivi et de contrôle, surtout dans les domaines relatifs à la démocratie locale et au développement local. Nous ne pouvons pas dire, dans la forme républicaine actuelle de l’état, avec l’existence de pouvoirs locaux réels exercés par les populations de base à travers leurs représentants, que la haute chambre soit superfétatoire. Tout au contraire, la restauration du sénat devient une nécessité absolue avec aujourd’hui la suppression envisagée de la fonction de premier ministre, en vertu de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, dans tout état démocratique organisé.
KADIALY GASSAMA est économiste