Marck Zuckerberg, le patron de Facebook, est sommé de s’expliquer à Washington, Londres et à Bruxelles suite à l’affaire Cambridge Analytica. Pourquoi le réseau n’a-t-il pas mieux protégé les données personnelles de ses utilisateurs ? En grande partie parce qu’il vit de leur commercialisation…
Cette affaire nous rappelle une évidence de notre époque digitale qu’on a tendance à oublier dans la vie courante. Facebook gagne de l’argent, énormément d’argent, en vendant nos données personnelles aux annonceurs. Notre âge, notre sexe, nos couleurs ou notre film préféré. Toutes ces informations qu’on partage généreusement sur notre compte Facebook. Plus on est bavard, plus on est juteux pour ce géant du numérique. La contrepartie pour ce client devenu marchandise presque à l’insu de son plein gré, c’est la gratuité du service. Avec une base de 2,13 milliards d’abonnés, Facebook collecte et agrège une masse colossale d’informations qui forment une grande partie du big data.
Le big data : difficile de définir ce nouvel objet économique
Le big data, toutes ces données que des algorithmes peuvent traiter, ressemble à une matière première. C’est en l’extrayant et le revendant à d’autres entreprises que sa valeur grandit. On dit que c’est le nouveau pétrole du XXIe siècle. Mais si c’est vraiment une commodité, à qui appartient-elle et qui doit toucher les royalties ? Les Facebook, Google et compagnie n’ont pas attendu que le débat académique soit tranché pour capter ce fabuleux gisement en retenant tous ceux qui produisent en toute naïveté une masse critique d’information avec la qualité du réseau. Pour le philosophe libéral Gaspard Kœnig c’est une spoliation : « mes datas sont à moi » proclame-t-il dans un texte signé par un collectif défendant le principe de la propriété privée des données personnelles. Son combat : chacun doit rester maitre des informations qu’il produit, libre de les diffuser ou de les détruire, et il peut donc aussi les faire fructifier s’il les cède à un tiers.
Monétiser ses données personnelles est-ce possible, est-ce rentable ?
En 2017, Facebook a dégagé un profit de 16 milliards de dollars. Faisons une hypothèse d’école : le réseau renonce à ses bénéfices en faveur de ses abonnés. Chacun d’entre eux ne recevrait même pas un dollar. Une rémunération pas très motivante. Et sans doute destructrice pour tout le secteur préviennent les acteurs du numérique qu’ils soient Français ou Américains, car l’innovation serait fortement ralentie sans les mégaprofits générés par les champions du numérique. Par ailleurs toutes les informations émises par une personne lui appartiennent-elles vraiment ? Beaucoup de penseurs en doutent. Un exemple concret : les informations sur la santé des personnes qui permettent de détecter une épidémie de grippe par exemple sont-elles vraiment personnelles alors que c’est leur collecte qui les rend signifiantes ? Ces questions n’ont pas encore trouvé de réponse satisfaisante.
Et pendant ce temps Facebook poursuit ses activités en toute légalité.
Car ce ne sont pas les données qu’il vend, mais l’accès à ses abonnés. Le détournement de 50 millions d’entre eux par Cambridge Analytica ne serait d’ailleurs pas un cas unique selon un ancien de la société californienne. Le long silence de Marck Zuckerberg qui n’a toujours pas réagi à l’affaire relève selon certains de l’arrogance. Mais cette affaire met pourtant la firme dans l’embarras. D’abord parce qu’elle s’expose à un durcissement de la réglementation sur la protection des données personnelles, cela sera une réalité en Europe dès le mois de mai 2018. Ensuite parce qu’elle redoute l’effet désastreux en termes de réputation et donc sur son nombre d’abonnés. La crise de confiance est la pire des punitions pour ce réseau célébrant l’amitié. D’autant plus que les plus jeunes ont commencé à le bouder. 2,8 millions de millenials ont fermé leur compte l’an dernier et cette tendance se poursuit cette année.
EN BREF
Le groupe de communication Vivendi renonce à Ubisoft, l’éditeur français de jeu vidéo. C’est la victoire inattendue de David contre Goliath. L’éditeur à succès créé par la famille Guillemot a donc réussi à échapper à l’offensive boursière de Vincent Bolloré lancée en 2015. Ubisoft rachète les parts acquises par Vivendi. Elles seront en partie reprises par un autre géant, le chinois Tencent qui doit lui ouvrir en grand les portes de l’empire du Milieu.
La Chine menace à son tour les Etats-Unis de représailles commerciales sur le soja. La Chine qui achète 60% de l’oléagineux exporté dans le monde, principalement par les Etats-Unis et le Brésil, dénonce les subventions américaines au soja dans un article publié aujourd’hui par le Global Mail. « Il faut prendre des mesures punitives », écrit le journaliste de ce grand quotidien anglophone contrôlé par l’Etat chinois. Un avertissement avant la publication vendredi par l’administration Trump des nouvelles barrières douanières affectant les produits chinois.
rfi