En Thaïlande, des enfants boxent pour combattre la pauvreté

Chaque semaine en Thaïlande, des combats de muay-thaï ont lieu par dizaines. Des boxeurs hauts comme trois pommes s’affrontent pendant que la foule tient les paris. Un documentaire de France 2 intitulé « Les enfants boxeurs » diffusé dans l’émission « Envoyé Spécial » jeudi 16 mai revient sur cette tradition en Thaïlande, alors que plusieurs voix s’élèvent pour la contester.

Porter des gants de boxe à l’âge de 5 ans et combattre pour faire vivre sa famille. Voilà le quotidien de milliers d’enfants en Thaïlande. Souvent, en quinze minutes, ces enfants ont l’opportunité de gagner l’équivalent d’un mois de salaire. Mais à quel prix ?

En novembre dernier, le pays tout entier avait été ému par la mort d’un garçon de 13 ans. Anucha Tasako avait perdu la vie lors d’un match caritatif de boxe thaïlandaise près de Bangkok. Il est décédé d’une hémorragie cérébrale après avoir reçu plusieurs coups à la tête. L’adolescent combattait sous le pseudonyme de Phetmongkol Sor Wilaithong. « Je regrette ce drame », avait commenté sur sa page Facebook son adversaire, Nitikron Sonde. « Mais je dois faire tout ce que je peux pour gagner afin d’avoir assez d’argent pour financer mes études », avait-il ajouté. Aucun des deux adolescents ne portait de casque.

Mort au 174e combat

« Rien n’est comparable à ma douleur, il me manque énormément », raconte aujourd’hui la grand-mère de Anucha Tasako dans le documentaire de France 2. Grâce à lui, elle avait installé l’électricité dans son petit logement avec l’argent d’un de ses combats. « Au 174e combat il est mort », se désole-t-elle.

Lors des combats, la plupart du temps, les KO sont tout aussi impressionnants que chez les adultes. Les arbitres sont incités à laisser la rencontre se dérouler jusqu’au bout et les images les plus spectaculaires finissent sur les réseaux sociaux. Pourquoi ces gens viennent-ils voir des combats d’enfants ? « Parce que c’est très amusant. Les enfants n’ont pas de retenue, ils se battent jusqu’au bout », indique un des organisateurs dans le documentaire. Les touristes sont aussi friands de ce spectacle.

En Thaïlande, dans des camps, des garçons grandissent au rythme d’entraînements intenses. Beaucoup ont arrêté l’école. Les carrières de ces jeunes boxeurs sont courtes, elles ne durent que quelques années et il faut engranger le plus de combats possibles avant l’âge de 20 ans.

Parkinson ou Alzheimer à l’âge adulte

La pratique de ce sport très violent est jugée dangereuse chez les enfants par plusieurs professionnels de santé. « Ce sont des dommages cérébraux qui affectent le futur de notre pays », dit une scientifique qui milite pour une loi interdisant la boxe pour les enfants. Comme chez les adultes, les coups de pied, de poing et de coude sont autorisés. Une recherche a pointé des risques plus élevés d’être atteint de la maladie de Parkinson ou d’un Alzheimer à l’âge adulte pour les enfants pratiquant la boxe thaï.

L’ambiance frénétique au bord du ring peut faire oublier que les jeunes combattants se trouvent souvent être des soutiens de famille. Cela s’apparente à du travail d’enfant déguisé selon les associations qui combattent le phénomène. A l’époque du drame de Anucha Tasako, le ministre thaïlandais du Tourisme et des Sports, cité par la presse locale, avait affirmé qu’il soumettrait un projet de loi « dès que possible ».

Mais des personnalités de la boxe thaï s’opposent ouvertement au projet de loi, estimant qu’il est contraire à la tradition et affecterait financièrement les familles des jeunes boxeurs, souvent très pauvres. « 99% des boxeurs thaïlandais les plus célèbres, qui ont remporté des médailles aux Jeux olympiques, ont commencé à se battre quand ils étaient jeunes », a relevé Tawee Umpornmaha, 59 ans, médaille d’argent aux JO de Los Angeles de 1984. Issu d’une famille pauvre, il avait commencé les combats à l’âge de 12 ans.

« Les enfants boxeurs », un reportage à voir dans « Envoyé spécial » le 16 mai 2019 sur France 2 (19h TU).

rfi