Pourquoi ceux qui ont fait fuiter le rapport de l’Ige ne disent pas aussi que les vérificateurs ont demandé des poursuites contre Karim Wade, pour la présumée soustraction frauduleuse de 3 millions de dollars en pleine campagne pour le second tour de la Présidentielle de 2012 ? L’affaire est exposée en détails de la page 31 et à la page 36 du fameux rapport. Ceci justifie-t-il l’absence totale de réaction du Parti démocratique Sénégalais(Pds) alors que l’autre frange de l’opposition est montée au front ?
C’est une légende politicienne. Selon les informations de « Libération », les vérificateurs ont, au contraire, demandé formellement l’ouverture d’une information judiciaire contre Karim Wade et Ibrahima Mbodj, respectivement ancien ministre de Energie et ancien directeur général de Petrosen, pour soustraction frauduleuse de 3 millions de dollars.
«Faire ouvrir éventuellement une information judiciaire contre M. Karim Wade et Ibrahima Mbodj pour avoir, contre le premier, soustrait de leur destination des deniers publics, contre le second, l’utilisation des fonds ainsi soustraits à des fins autres que celles décidées par l’Etat», recommande l’Ige en s’adressant au Garde des Sceaux, à la page 36 du rapport qui fait polémique.
Que s’est-il passé ?
Selon les vérificateurs, l’Etat du Sénégal et Energy Africa avaient conclu un contrat de recherche et de partage d’hydrocarbures relatif au bloc de Saint-Louis offshore peu profond. Ayant racheté Africa Energy, la société Tullow oil (tiens, tiens) a été subrogée dans les droits et obligations de cette dernière. Ainsi, dans le cadre du contrat relatif au bloc de Saint-Louis offshore peu profond, Tullow oil s’est trouvée tenue des engagement souscrits par Africa Energy.
Ce qui explique que par lettre numéro 00000628/miCitie/DHCD/ant du 10 février 2012- veille du premier tour de la Présidentielle-, Karim Wade, ministre d’Etat, ministre de la Coopération internationale, du Transport aérien, des Infrastructures et de l’Energie a d’une part notifié à Alan Dowokpor, représentant de Tullow oïl, le retrait du permis de Saint-Louis pour inexécution de ses engagements contractuels et, d’autre part, exigé le paiement de l’indemnité compensatrice des travaux prévus au contrat et qui n’ont pas été réalisés. il a ordonné que le versement des sommes correspondantes soit effectué dans le compte bancaire numéro FR76 30003 0301000078014144 42 de Petrosen ouvert à la société générale, agence centrale,Paris, 29 Boulevard Haussman. A la date du 13 mars 2012-veille du second tour- , la compte a été crédité du montant réclamé soit 3 millions de
dollars.
Face à l’Ige, Tullow oil a déclaré avoir respecté ses engagements contractuels en acceptant de verser l’indemnité réclamée. Elle a de fait reproché à Petrosen, la conclusion du contrat signé avec Petrotim alors qu’elles avaient trouvé un accord. « Au-delà du respect des engagements convenus lors des pourparlers, se pose la question de savoir qui est le véritable créancier de l’indemnité versée à Petrosen? A-t-elle été versée à son véritable titulaire ? Si non, pourquoi?Quel usage en fait Petrosen ?», se demande l’Ige.
Interrogée, Petrosen a soutenu que les revenus pétroliers provenant des opérations de recherche et de partage d’hydrocarbures, ont toujours bénéficié à Petrosen. Elle a confirmé la réception dans son compte bancaire du montant de l’indemnité payée par Tullow oil. La totalité des sommes versées a été virée dans le compte parisien où elle disposait d’un Dépôt à terme (Dat). Petrosen, selon les déclarations de son directeur, a cassé ce Dat et l’a augmenté du montant de l’indemnité pour acheter des obligations émises par l’Etat. « Le fait pour Petrosen d’avoir pris possession des fonds versés en compensation des travaux non réalisés et de les avoir utilisés à des fins personnelles, constitue de fait une soustraction de deniers au préjudice de l’Etat. Cette soustraction a été rendue possible par la décision du ministre en charge du secteur pétrolier (ndrl, Karim Wade), qui a expressément prescrit son versement dans le compte bancaire de Petrosen. Or, le fait de soustraire des deniers publics au préjudice de l’Etat est susceptible de constituer le délit de détournement de deniers publics. Ce délit pourrait être reproché au ministre même si, éventuellement, il n’en n’aurait pas tiré directement un bénéfice personnel. Petrosen, qui a reçu la totalité des sommes ainsi soustraites et qui en a fait un usage personnel en achetant des obligations émises par l’Etat, peut être atteint du délit de recel de de deniers publics», assène l’Ige, avant de réclamer l’ouverture d’une information judiciaire contre Karim Wade et Ibrahima Mbodji. Les mêmes vérificateurs ont demandé une seconde information judiciaire contre Ibrahima Mbodj,
pour avoir exigé de Tullow oil, la perception de droits qu’il savait n’être pas dus.
Libération