Les 28 chefs d’État et de gouvernement de l’UE ont échoué, lors de leurs négociations nocturnes de dimanche à lundi, à trouver un accord pour nommer les futurs dirigeants des institutions de l’Union. En jeu : le ministère des Affaires étrangères européen, la présidence du Conseil et celle de la Commission. Les discussions reprennent ce mardi 2 juillet 2019. « Les lignes n’ont pour le moment pas bougé », fait savoir une source française.
Après une négociation débutée dimanche soir et prolongée jusqu’à la mi-journée lundi, une suspension du sommet a été prononcée jusqu’à ce mardi. Les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’UE vont une nouvelle fois tenter de se mettre d’accord sur les noms des futurs dirigeants des cinq principales institutions de l’Union, relate notre envoyé spécial à Bruxelles, Anthony Lattier.
Un compromis était sur la table ; un marchandage entre les conservateurs et les socialistes. Toute la question est de savoir s’il est toujours viable. En théorie, il survit tant bien que mal depuis vendredi et consisterait pour les conservateurs à laisser le poste le plus convoité aux socialistes, à savoir la présidence de la Commission européenne – qui serait attribuée au travailliste Frans Timmermans.
En échange, les conservateurs du Parti populaire européen (PPE), arrivés en tête des dernières élections européennes du mois de mai, verraient deux nominations tomber dans leur escarcelle, à savoir la présidence du Conseil, attribuée à la Bulgare Kristalina Georgieva, directrice de la Banque mondiale, et la présidence du Parlement, attribuée à Manfred Weber, tête de liste du PPE en mai dernier.
Ce compromis procure une dose de parité hommes/femmes, un équilibre politique et un équilibre géographique Est-Ouest, explique notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet. Mais pour le faire adopter, il faudrait dépasser les divisions internes des conservateurs, dont certains sont très hostiles à l’idée de laisser la Commission à un socialiste, alors qu’Angela Merkel est prête à des compromis.
Il faut également rassurer les gouvernements populistes de Hongrie, de Pologne, de Roumanie et d’Italie, hostiles à Frans Timmermans, considéré comme un donneur de leçons sur les valeurs européennes. Lundi soir, dans une interview, le Premier minsitre hongrois Viktor Orban s’est félicité d’avoir bloqué avec ses amis la nomination de M. Timmermans. Un « superbe coup de maître », a-t-il dit.
Le chef de l’État français avait eu des mots durs en sortant du sommet lundi, dénonçant les « agendas cachés » de certains dirigeants. À ses yeux, les discussions sont « otages de petits groupes de personnes ». Sans en dire plus, il visait bien les dirigeants de plusieurs pays de l’Est. Emmanuel Macron a mis la pression sur ses partenaires et aurait été à la manœuvre toute la soirée de lundi.
D’après l’Élysée, le président français a passé plusieurs coups de fil à ses homologues de tous les partis politiques européens, en étroite collaboration avec la chancelière allemande. Le temps presse pour les Vingt-Huit : s’ils ne se mettent pas d’accord sur les noms, ils pourraient perdre la main sur un poste, et le Parlement élirait alors seul son président mercredi, sans accord.
Angela Merkel affaiblie, selon la presse allemande
La caricature montre une scène de théâtre avec un portique grec en ruines et en flammes. On peut lire sur le fronton : « répartition des postes au sein de l’Union européenne ». Sur le devant, une Angela Merkel placide annonce : « Nous reprenons après une courte pause. » La presse allemande ne rend pas la chancelière seule responsable de cette situation, mais cette dernière est sévèrement critiquée dans les commentaires de la presse.
Bild Zeitung titre sur « la défaite de Merkel », rapporte notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut. « Elle a voulu avec Macron transformer le perdant des élections – comprenez le social-démocrate Frans Timmermans – en gagnant. Elle a doublement perdu. Elle s’est mis à dos ses alliés conservateurs, et les pays est-européens se sont vengés en sanctionnant une arrogance franco-allemande dépassée », considère le quotidien.
Le quotidien économique Handelsblatt estime que Mme Merkel, bonne négociatrice, n’a jamais brillé côté nominations. Il rappelle qu’aucun Allemand depuis 14 ans n’a décroché de poste important en Europe ou ailleurs. Pour le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine, les dégâts pour son autorité sont énormes. « Les temps où une simple déclaration d’Angela Merkel suffisait pour trouver une solution en Europe sont dépassés », note-t-il.